Sécurité du nord Mali : Entre diktat et laxisme

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Les hauts cadres touaregs intégrés dans l’administration publique et les forces de défense et de sécurité, les populations du nord et les autorités commencent à s’inquiéter sérieusement sur les risques de recrudescence de l’insécurité dans le septentrion.

L’inquiétude grandit au nord du Mali, en raison des risques d’embrasement imminent. Les signaux d’alarme sont actionnés de partout : Touaregs intégrés, communautés sédentaires, autorités publiques.

La raison de ce profond mais perceptible malaise n’est pas seulement le retour, avec armes et bagages mais sans le sou, de ressortissants touaregs précédemment enrôlés par Kadhafi, devenus indésirables ou encombrants par les membres du CNT, les nouveaux maîtres de la Libye. Ces revenants, contrairement à des idées savamment répandues et insidieusement entretenues par quelques requins et saigneurs du désert, ne sont pas si nombreux et autant dangereux qu’on le prétend. De plus, étant trop éreintés par leurs dernières errances dans le Sahara, affamés et appauvris, beaucoup d’entre eux se contenteraient des promesses d’intégration dans les forces armées et de sécurité ou autres corps de l’Etat. Ou s’accommoderaient des programmes de réinsertion socio-économique qu’on leur fait miroiter.

La raison des inquiétudes légitimes de tout ce beau monde n’est pas non plus les agitations de certains cadres du nord qui tentent, en vain, de faire renaître de leurs cendres les organisations autochtones d’autodéfense, le MPGK (Mouvement patriotique Ganda Koy) et MPGI (Mouvement populaire Ganda Iso). Outre l’impossibilité pour ces deux mouvements de fédérer leurs actions, beaucoup de cadres du nord ne voient pas la nécessité de s’engouffrer dans une nouvelle aventure, qui serait alors née de la seule volonté de quelques individus désireux d’avoir, enfin, les mêmes faveurs que celles accordées par l’Etat aux combattants des MFUA (Mouvements et fronts unifiés de l’Azawad) dans les années 90.

Paradoxalement, le vrai danger provient de l’Etat dont la nouvelle politique, apparentée au « tout répressif » contre les populations locales, semble lui être dictée par des partenaires techniques et financiers qui privilégient le retour de l’Etat militaire dans le nord. A cet effet, le pays est doté de nouveaux matériels anti-émeute, de maintien d’ordre, de communication, de transport et de déplacement.

Pourtant, le président de la République ne se lasse jamais de dire que la solution primordiale et prioritaire pour conjurer les actes de rébellion et le soutien aux cellules terroristes est l’impulsion et la mise en œuvre des actions de développement. Les PTF ont été sollicités et beaucoup ont donné leur accord pour financer ces actions, notamment dans le cadre du programme de réinsertion socio-économique dirigé par l’ADN (Agence pour le développement du nord) et de l’investissement spécial pour le nord piloté par l’ANICT (Agence nationale pour l’investissement des collectivités territoriales). Le programme de l’’ADN semble patauger (serait même pratiquement bloqué). La raison ? Les PTF semblent rechigner de plus en plus à délier les cordons de la bourse. Selon certaines sources, ils entendent orienter et gérer eux-mêmes les financements qu’ils donnent, en privilégiant la construction de casernes militaires, de postes de sécurité, des logements de commandement, des prisons. Or, les autorités maliennes savent tout de même les secteurs les plus prioritaires au maintien ou au retour d’une paix durable. Elles ne parlent pas, n’ayant rien. Conséquence de ce dialogue entre sourds et muets : d’autres ont décidé de se faire entendre. A Abeïbara, des jeunes prétendument affiliés à AQMI se sont manifestés.

A l’instar de ces jeunes, d’autres en ont marre de se tourner les pouces et de broyer du noir. Comme à Abeïbara, des groupes de jeunes de la région de la région de Kidal mais aussi de celles de Tombouctou et de Gao sont en train de se lasser de cette longue attente pendant laquelle les PTF entendent imposer leur diktat à un Etat qui manque de fermeté.

Se lasser et céder aux chants des sirènes salafistes. Et disparaitre dans le désert afin de monnayer leurs services auprès des vrais employeurs que sont les cellules d’AQMI.

Cela est d’autant plus loisible pour eux qu’ils auraient à leur tête de hauts cadres des rébellions des années 1990 et 2006, parfois les mêmes. L’emploi et les occupations ne manquent pas dans le vaste Sahara où se pratiquent le commerce d’otages, le trafic de drogue, la contrebande d’armes, etc., où ne manquent li les vendeurs ni les acheteurs.

Un Sahara où la politique du « tout répressif » ne pourrait pas faire revenir la paix et la sécurité. Au contraire. Alors à qui profite le crime d’embrasement du septentrion ?

A quelques généraux algériens qui ne voudraient pas d’une Bande sahélo saharienne sécurisée dans laquelle seront coupés les voies et réseaux de contrebande, de trafic et de fraude ; dans laquelle la recherche et l’exploration pétrolières pourraient se faire normalement pour le plus grand bénéfice des populations maliennes ?

A quelques réseaux politico-industriels français qui continueraient à fourguer aux autorités maliennes des armes et du matériel militaire soi-disant nécessaires pour lutter contre AQMI et pour mater la rébellion ?

Cheick TANDINA

 

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