« Salafistes », le documentaire qui a inspiré « Timbuktu »

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« Salafistes », le documentaire qui a inspiré « Timbuktu »

Qui sont les théoriciens du terrorisme islamiste ? Que disent ces idéologues plus ou moins érudits qui façonnent la pensée des dizaines de milliers de djihadistes, des confins du Sahel aux villes et villages d’Occident ou du Moyen-Orient ? Le journaliste mauritanien Lemine Ould M. Salem est parti à leur rencontre au cœur du Sahara. L’un d’eux retient l’attention : un jeune imam officiant à Nouakchott, la capitale mauritanienne. Les prêches de Mohamed Salem Madjissi circulent, dit-on, jusqu’à Rakka, en Syrie, la « capitale » de l’Etat islamique.

Face à la caméra, il se montre à l’aise, volubile, et décomplexé. « Mohamed Merah est un fruit épineux que la France a cultivé, ce qu’a fait Merah sert la cause des musulmans », dit-il sans ciller, avec la conviction et la sérénité d’un sage religieux qui considère les terroristes comme des saints. « Quand un musulman tue un juif, ce n’est que justice. Ce qu’a fait Amedy Coulibaly [auteur de la tuerie de l’Hyper Cacher] est parfaitement légitime », poursuit le prêcheur, arrêté à plusieurs reprises, mais jamais condamné en Mauritanie, pays allié de la France dans la lutte contre le terrorisme.

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Le documentaire Salafistes, de Lemine Ould M. Salem et François Margolin, dont la sortie est prévue au cinéma pour janvier 2016, multiplie les entretiens avec des hommes dont la France combat les disciples depuis janvier 2013 au Mali. Il donne à voir sans juger. « Le projet est de faire entendre la parole de ces salafistes, leur idéologie et comment cela peut mener au terrorisme, dit François Margolin, auteur deL’Opium des talibans, sorti en 2001. Nous avons choisi d’écouter des propos qu’on ne veut pas entendre de la part de ceux qui nous font la guerre et de laisser les spectateurs se faire leur propre idée. »

 

Les auteurs ont commencé à tourner en août 2012 dans le nord du Mali, alors sous contrôle de groupes djihadistes. Equipé d’une caméra légère, Lemine Ould M. Salem est l’un des rares journalistes à pouvoiraccéder à Gao et à Tombouctou, où la charia est en vigueur. Il circule avec des éléments de la police islamique qui patrouillent fièrement, kalachnikov en bandoulière, rabrouent les femmes dont le voile n’est pas parfaitement ajusté, coupent en public les mains de voleurs dont ils assurent ensuite les frais médicaux, fouettent et lapident ceux qui sont reconnus coupables par le tribunal islamique.

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Sur la table de l’un des juges, un fusil d’assaut est posé sur le Coran comme pour symboliser l’alliance du sacré et de la destruction. « L’homme est esclave de ses passions », soliloque le chef djihadiste Oumar Ould Hamaha, membre d’Ansar Eddine, puis du Mujao, avant de fonder son propre groupe : Ansar al-Charia. Sa tête a été mise à prix par les Etats-Unis pour 3 millions de dollars (2,7 millions d’euros).« Depuis que le sabre du djihad a commencé ici, même les petites filles sont voilées et il n’y a plus de voleurs. (…) Je considère qu’il ne faut pas faire de différence entre le salafisme djihadiste et le salafisme intellectuel », assure-t-il. Avant de revenir sur le terrain de la guerre, et de mettre en garde : « Si les pays de l’OTAN [Organisation du traité de l’Atlantique nord] interviennent, on ira au-delà de l’Afriqueoccidentale et on est prêt à multiplier le 11-Septembre par dix. » Surnommé « Barbe rousse » en raison de sa pilosité teinte au henné, ce chef djihadiste malien aurait été tué par les troupes françaises de l’opération « Serval » au début de l’année 2014. Ses coreligionnaires affirment qu’il est toujours en vie.

Une œuvre majeure

Mais c’est une autre histoire qui structure ce film d’une heure dix, une tragédie sahélienne à la fois anecdotique et emblématique : l’exécution publique d’un berger touareg, membre du groupe Ansar Eddine, condamné à mort pour avoir abattu un pêcheur noir de la tribu Bozo. La scène, qui se déroule à Tombouctou, remonte à octobre 2012. Elle a été relatée dans un récit publié par Libération sous la plume de Lemine Ould M. Salem, présent sur place. « Le condamné murmure quelques mots. On devine qu’il demande à être achevé. Une seconde balle l’abat définitivement sur le sable tiède », écrivait-il. Plus d’un million de spectateurs ont déjà découvert cette histoire dans les salles de cinéma français en 2014. Elle a inspiré le film Timbuktu, du réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako, primé au Festival de Cannes et récompensé par 7 Césars.

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Comme le documentaire Salafistes, le film Timbuktu s’ouvre sur une séquence de djihadistes qui chassent une gazelle à bord d’un 4 × 4, en tirant des rafales de kalachnikov. Comme dans Salafistes, on retrouve Zabou, une ancienne danseuse du Crazy Horse revenue à Tombouctou où elle est considérée comme folle ou mystique, et résiste à sa manière aux djihadistes. Il y a aussi ce vieil homme aux traits fins et aux mains calleuses, qui fait fi des interdits et continue à tirer sur son sebsi, une pipe artisanale. Ou encore ce jeune voyou de Tombouctou, Mamiti, qui fume des cigarettes en cachette, au risque de se voir condamner à des dizaines de coups de fouet ou à la mort. « C’est une nouvelle religion », dit-il en regrettant les rites des anciens, les invocations des soufis et les chants des griots.

Si les personnages figurent dans les deux films, c’est que, à l’origine, il ne devait y en avoir qu’un seul. A l’été 2012, Abderrahmane Sissako se greffe sur le projet de son ami et compatriote mauritanien Lemine Ould M. Salem et de François Margolin. Trois mois plus tard à Paris, le trio visionne les images exclusives tournées à Gao et à Tombouctou. Chacun repart avec une copie. Invoquant une question administrative, Abderrahmane Sissako se retire du projet en décembre 2012. Mais il a conservé les images du documentaire et les revisionne sur le tournage de son propre film, Timbuktu, pour mieuximprégner de réalisme ses scènes de fiction.

Le succès critique et public de Timbuktu a été terni par des polémiques sur la rémunération de plusieurs acteurs, figurants et auteurs du scénario. Leïla, une petite Touareg recrutée dans un camp de réfugiés et actrice principale de Timbuktu, n’a ainsi été payée que 600 euros pour plus de deux semaines de tournage, selon des membres de l’équipe et sa famille. Les conditions de travail, les salaires et les abus ont déjà été rapportés dans la presse. En revanche, les emprunts d’Abderrahmane Sissako au documentaire Salafistes ne sont révélés qu’aujourd’hui, moins d’un mois avant la sortie du film en salles. Contacté, Abderrahmane Sissako n’a pas souhaité réagir à ce soupçon de « pillage » de l’œuvre de François Margolin et Lemine Ould M. Salem.

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Quelle que soit l’issue de la controverse, Salafistes est une œuvre majeure pour comprendre l’idéologie des mouvements qui ont frappé la France le 13 novembre 2015. Les racines de ces violences ont été identifiées en Syrie, où de nombreux jeunes grandis en Occident ont rejoint ce qu’ils considèrent être le djihad. Et pourtant, en Afrique, où le terrorisme djihadiste a fait plus de 27 000 morts ces dix dernières années, la même ideologie et les mêmes réseaux salafistes prospèrent, loin des projecteurs, braqués sur le Moyen-Orient. De Syrte à Maiduguri, en passant par les septentrions maliens, tchadiens, camerounais, la folie djihadiste se répand sur le continent et menace.

 

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1 commentaire

  1. pour avoir vu le film loué en vidéo il y a quelques semaines ,Tumbuctu est un film magnifique .Des images superbes qui montrent que meme le désert peu etre beau ,que la pauvreté des populations du Nord est bien réelle ,que les djihadistes étaient de fiefés salauds de par leur comportement . Je sais que certains maliens ont désapprouvé ce film peu après sa sortie ou parce qu’il avait été reconnu comme un grand film au festival de Cannes ,on se demande pourquoi ??

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