Le 23 octobre dernier, trois humanitaires (deux Espagnols, un Italien) ont été enlevés à Tindouf (sud-ouest algérien). Ce n’est pas la première fois que des enlèvements ont lieu en territoire algérien. Au-delà de cette affaire, de véritables questions se posent aujourd’hui sur le rôle exact de ce pays dans la stabilisation des pays comme le Mali, le Niger ou même le Maroc.
Rappel : La branche d’Al Qaïda pour le Maghreb islamique (Aqmi) est née de l’allégeance des cadres et du commandement du Gspc (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) à Al Qaïda. Le Gspc est né en Algérie. Ses origines algériennes ne font l’objet d’aucun doute. Et c’est de l’Algérie que le monstre a étendu ses tentacules dans toute la bande sahélo-sahélienne.
En 2010 : Le Français Michel Germaneau est kidnappé au Niger. Son enlèvement est revendiqué plus tard par Aqmi. Mais l’opération a été réalisée grâce à la complicité de son chauffeur de nationalité algérienne.
En 2011 : Une touriste italienne est kidnappée entre Djamnet et Tamanrasset. Un coup à l’actif de sous-traitants d’Aqmi après l’enlèvement de 7 employés d’Areva au Niger.
Avant ces deux affaires, une autre prise d’otages avait fait grand bruit en 2009. Il s’agissait là également de deux Espagnols enlevés entre Nouadhibou et Nouakchott.
Entre cette affaire et la deuxième prise d’otages, un élément de taille : l’implication d’Algériens ou d’éléments appartenant au Front Polisario, un mouvement armé basé en Algérie et qui est protégé par ce pays.
Aussi, le kidnapping de Nouadhibou portait la signature d’un certain Oumar Sahraoui connu par les services de sécurité de toute la sous région et même des pays occidentaux. Alors que la dernière prise d’otage, celle de Tindouf, est l’œuvre de la filière sahraouie d’Aqmi.
Selon un responsable, la connexion entre Aqmi/Polisario et certains réseaux algériens ne fait plus de doute. Et de ce fait, c’est toute la région sahélienne et l’Afrique du Nord qui sont directement menacées. Pour ce responsable, la reconversion des combattants du Polisario dans le trafic, la prise d’otages et leur complicité avec Aqmi, sont autant d’actes qui ont leur source en Algérie. Mais selon lui, les autorités algériennes assistent passivement à tous les actes, malgré tous les moyens et tout l’arsenal dont le pays dispose. Mais adoptant la politique de l’autruche, les Algériens « s’alarment » des risques réels de déstabilisation du Sahel à cause de la présence de groupes armés le long des frontières communes.
Ailleurs, le retour des touaregs maliens dela Libyepose de nouveaux périls dans la zone. Pour notre interlocuteur, comment et pourquoi les Algériens ont-ils accepté que des Maliens et des Nigériens transitent par leur pays avec des « magasins » d’armes posés sur leurs têtes ?
Selon des observateurs, l’attitude des Algériens face à cette nouvelle situation est en réalité motivée par des desseins de manipulation de ces soldats d’origine malienne et nigérienne.
C’est pourquoi, il ne serait point étonnant de voir des groupes armés se soulever et menacer l’intégrité territoriale des deux pays : le Mali et le Niger.
Ainsi, les Algériens sont soupçonnés de vouloir profiter du vide laissé par le Guide de la révolution libyenne, Mouammar Kadhafi, qui ces dernières années s’était fortement impliqué dans la stabilisation du Sahel. Aujourd’hui, il est donc évident que certains milieux algérois tentent d’instrumentaliser les groupes touaregs. Objectif : « mettre sous tutelle Bamako et Niamey». Parcourez ces derniers jours la presse algérienne, vous vous rendrez compte que les esprits sont suffisamment préparés dans ce pays pour l’éclatement d’une nouvelle rébellion au nord-Mali avec le retour des soldats libyens d’origine malienne.
En effet, la donne sécuritaire devient un moyen de chantage et de pression à l’endroit du Mali et dans une moindre mesure, du Niger. Au même moment, les autorités algériennes alternent discours politiques et dons humanitaires à l’endroit de notre pays. Voilà toute la complexité des relations entre nos deux pays. Une sorte de politique du bâton et de la carotte qui ne dit pas son nom. Idem entre l’Algérie et le Maroc, opposés depuis une cinquantaine d’années au sujet de la question du Sahara.
Pour ce qui concerne l’attitude des Algériens au Nord-Mali, des observateurs y voient là une question d’intérêt stratégique. Mais d’autres analystes estiment que l’Algérie est devenue en réalité, l’épicentre de l’insécurité au Sahel. Mais à cause d’une médiatisation savamment orchestrée par Alger, ce sont les autres pays qui sont constamment mis au ban de la société.
« S’il existe une réelle volonté » de la part des Algériens, le problème de sécurité ne se poserait plus au nord du Mali, et le Sahel serait débarrassé de tous ces groupes armés.
« L’armée algérienne, en une seule journée, peut débarrasser le sahel de tous les groupes terroristes qui s’y trouvent. Mais entre la volonté et l’acte, il n’y a qu’un petit pas que les Algériens ne sont pas prêts de faire », soutient un responsable des régions du nord. En définitive, l’Algérie se livre-t-elle véritablement à quel jeu à l’adresse du Mali ? Ce même pays est-il disposé à concourir à la stabilité de ses voisins ? A quand une véritable coopération basée sur le bon voisinage entre les deux pays ? Autant de questions qui restent suspendues entre Bamako et Alger.
O. Roger