Rétrospection – Réunion sahélo-saharienne : un marché de dupes

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Seulement quatre pays (Algérie, Mali, Mauritanie et Niger) se sont réunis pour discuter de la situation sécuritaire dans la Bande sahélo saharienne. La rencontre a accouché de deux comités. Le premier est chargé de la lutte contre le terrorisme lié à Al Qaïda pour le Maghreb islamique (AQMI), le second du suivi de la situation dans la Bande, toujours en relation avec AQMI. Après ce résultat, tout le monde s’est congratulé «fraternellement » avant de se séparer, satisfait de cet « énorme » pas. Mais à vrai dire, il n’y a pas de quoi se griser.

En acceptant le seul Nigeria à la table, encore que c’est en sa qualité de pays observateur mais terrorisé par une secte affiliée à Al Qaïda, ce quatuor a démontré qu’il ne compte s’attacher et se focaliser, lui et ses partenaires, bailleurs de fonds et commanditaires, que sur la lutte anti terroriste. Le Maroc, le Burkina Faso et la Libye sont exclus des conciliabules, jugés indésirables par l’Algérie, grand pourvoyeur de fonds, maître à penser et, du quatuor, principal bénéficiaire de cette lutte. Le grand voisin du nord Mali, pour des raisons qui lui sont propres et qui passeraient pour secondaires aux yeux de n’importe quel autre pays sérieux, ne veut pas d’interlocuteurs sérieux face à lui, dans sa croisade contre le terroriste qui lui cause d’énormes dégâts, à lui, mais aussi à ses principaux partenaires stratégiques de l’Occident.

En se focalisant sur la lutte contre AQMI et consorts qui ne menacent pas directement le Mali et le Niger, le quatuor rend bénins les sérieux problèmes et menaces auxquels sont confrontés les nord nigérien et malien. Lesquels sont exposés depuis la chute du régime libyen de Kadhafi à de véritables risques de rébellion armée. A Niamey, l’alerte vient de sonner à la faveur d’une rencontre entre différentes parties prenantes aux dernières rébellions armées pour conjurer le sort. Au Mali, c’est déjà le branle-bas de combat depuis que trois garnisons militaires ont été attaquées. Car, en effet, ce qui menace ces deux pays, ce n’est pas le terrorisme auquel ils se sont presque habitués, un terrorisme qui consiste à des enlèvements au Niger ou ailleurs et à des séquestrations au Mali. Ce qui menace ces deux pays, c’est avant tout les potentielles rébellions et insurrections.

Le fait que les forces armées et de sécurité maliennes aient repris le contrôle de toutes les villes du nord, après l’attaque de Ménaka et les accrochages aux portes d’Aguel Hoc et de Tessalit avec des insurgés se repliant, ne résout pas les risques. Parce que, en premier lieu, les insurgés, après des pertes minimes, se sont repliés dans leurs bases disséminées le long des frontières entre le Mali et ses voisins algérien, nigérien et mauritanien, et, dans une certaine mesure, burkinabé. Des bases dans lesquelles ils continuent de bénéficier de précieuses et bienveillantes complicités locales et étrangères. Des bases sanctuaires dont ils doivent tout simplement être délogés. Et traduits devant une Cour martiale pour s’être enrôlés dans une armée étrangère, avoir combattu dans les rangs de cette armée étrangère, et s’être retournés contre l’armée et les symboles de leur propre pays. Contrairement à ce que déclarait au président de la République, en fin d’année, un de leurs porte-paroles (voir Le Prétoire N°097 du 12 janvier 2012), à savoir qu’ils reviennent de Libye pour apporter la paix et contribuer au développement, les ex-mercenaires ont confirmé la méfiance et la défiance nourries à leur égard par les plus sceptiques.

En s’attaquant au Mali, ils ont donné raison à tous ceux qui refusaient de croire en leur confiance et ne voyaient pas d’un bon œil leur intégration dans les forces armées et de sécurité. Et désormais, ils se sont mis eux-mêmes en marge de tout processus de paix, le premier impératif étant qu’ils se rendent d’abord, qu’ils déposent leurs armes, et qu’ils se conduisent comme n’importe quel Malien qui n’a aucune faveur spéciale à demander à l’Etat a fortiori exercer un chantage sur les plus hautes autorités. L’expérience de Ménaka, Aguel Hoc et Tessalit a prouvé que l’armée peut encore leur tenir la dragée haute et leur faire rendre gorge.

Dans ce contexte, alors que les hostilités sont déclarées au Mali et que les menaces sont aux portes du Niger, des concertations sur la situation sécuritaire dans la Bande sahélo saharienne ne doivent plus se borner à la seule lutte antiterroriste, parce qu’AQMI menace directement l’Algérie et ses amis qui seuls en pâtissent, mais doivent prendre en compte tous les autres aspects qui handicapent les pays concernés. Et s’il est vrai que des concertations sont nécessaires, il est indispensable de les ouvrir à tous les pays qui peuvent jouer un rôle dans la sécurisation et la pacification. Il serait même criminel de faire la fine bouche et de cracher sur la participation de pays comme le Maroc ou la Libye. Même si dans ces pays, les rebelles et insurgés maliens et nigériens ne sont pas ou plus entretenus, logés, nourris et armés.

Cheick Tandina

 

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