Révélation de Wikileaks : L'image du Mali écornée par sa gestion du terrorisme

0

 

 

Notre pays n’a pas été épargné par les révélations fracassantes et déstabilisatrices du réseau WikiLeaks. En effet, selon le quotidien français Le Monde, le Mali serait réellement "le talon d’Achille" de la lutte contre Al Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi). Et pourtant, les autorités maliennes font de leur mieux contre cette menace importée dans leur pays à partir d’Etats voisins.

Le Mali est-il le bon élève de l’action anti-terroriste qu’il prétend être, ou pratique-t-il un double langage, ménageant les bailleurs de fonds occidentaux tout en fermant les yeux sur les activités d’Al Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi) dans l’immense Sahara malien où sont retenus la plupart des otages ? Autant de questions que le quotidien français, Le Monde, posait aujourd’hui (mardi 7 décembre 2010) sur son site web (www.lemonde.fr). Et selon nos confrères, le point de vue américain semble avoir évolué progressivement vers le doute à ce sujet. "Longtemps, l’ambassadrice américaine à Bamako s’est faite l’ardente avocate du président Amadou Toumani Touré : On peut compter sur lui, il a les troupes pour faire le travail", écrivait Gillian Milovanovic au milieu de 2009. Elle est naturellement citée par les rapports confidentiels publiés par WikiLeaks.

La diplomate, selon la révélation, jurait de la "bonne foi du président malien" pour "défendre l’augmentation de l’aide américaine à ce pays immense et déshérité". Pourtant, à chaque entrevue avec le chef de l’Etat malien, elle recueille les mêmes promesses d’actions non suivies d’effet. C’est par exemple le cas du "sommet de Bamako" ou conférence des chefs d’Etat et de gouvernements sur la sécurité dans la bande sahélo-saharienne qui n’a jamais eu lieu. Si pour nos sources le Mali et Algérie se rejettent mutuellement la responsabilité de ce fiasco, il ne fait l’ombre d’aucun doute que c’est Alger qui met le bâton dans les roues de Bamako pour que le leadership de la lutte contre le terrorisme ne lui échappe.

"Les Algériens ne font pas grand-chose", se serait ainsi plaint ATT en novembre 2009. En écho, l’ambassadeur d’Algérie à Bamako déverse sa bile sur son homologue américaine un peu plus tard. Il dénonce "le haut degré de laxisme, pour ne pas dire de complicité" du Mali avec les terroristes, assurant que les islamistes sont parfois informés à l’avance des opérations menées contre eux.

L’ambassadrice américaine enregistre sans conviction cette "litanie de complaintes contre Bamako". Son analyse paraît nettement plus indulgente que celle des diplomates français. "Si le Mali ne commence pas à se montrer sérieux, les grands bailleurs de fonds internationaux devraient le menacer de couper leur aide", averti en février 2010 l’ambassadeur de France Michel Reveyrand de Menthon, alors qu’il se bat pour obtenir la libération de l’otage Pierre Camatte. Les Français semblent renvoyer Algériens et Maliens dos-à-dos. "Les Algériens dédaignent le problème et refusent d’agir", estime de son côté Stéphane Gompertz, directeur de l’Afrique au Quai d’Orsay.

Les Américains constatent parfaitement les difficultés des autorités maliennes à gérer l’aide militaire qu’ils leur fournissent. La description rapportée par un télégramme de décembre 2009, de la cérémonie marquant la fin d’une session d’entraînement de l’armée malienne par des instructeurs américains reflète la difficulté de l’exercice. Le capitaine responsable de cette formation indique que chaque soldat malien a tiré 1 000 cartouches pendant les cinq semaines d’exercices, soit autant qu’un soldat des forces spéciales américaines tire en un jour, et… "Probablement plus que ce qu’un militaire malien aura utilisé tout au long de sa carrière". Quant aux soldats maliens, eux, se disent satisfaits d’avoir appris à conduire un véhicule et à entretenir leurs armes. Ils figurent parmi les rares survivants d’une embuscade avec les islamistes. L’échauffourée s’est achevée dans un bain de sang car l’unique soldat capable de conduire et de sauver ses camarades avait été tué. De même que le seul militaire formé à l’usage de la mitrailleuse qui aurait pu couvrir leur retraite.

Une image ternie malgré la bonne volonté d’ATT
Le Mali est en train aussi de perdre la confiance de ses partenaires par rapport à la gestion des emblavements des Occidentaux. "Vrais négociateurs et agents doubles, faux intermédiaires et vrais profiteurs : difficile pour les Occidentaux de savoir à qui se fier après un enlèvement par Al-Qaeda au Maghreb islamique", indique le confrère Le Monde.
Pour ce journal, les télégrammes émis par l’ambassade américaine de Bamako (Mali) après le rapt, le 22 février 2008, de deux touristes autrichiens, décrivent l’extrême complexité de la tâche des diplomates dans un univers de manipulations. Cette fois-là, l’épisode a connu une fin heureuse puisque Wolfang Ebner et Andrea Kloiber, enlevés dans le Sud tunisien et transférés dans le Nord malien, ont été libérés après 252 jours de captivité.

Les diplomates américains décrivent la façon dont leurs deux collègues autrichiens, arrivés de Vienne "tentent de naviguer dans la bureaucratie malienne tout en subissant un cours intensif sur les dynamiques sécuritaires et politiques complexes du Nord-Mali". Ils notent le naïf espoir des Autrichiens de "capitaliser leurs bonnes relations avec le monde musulman". Et le rôle de négociateur qu’entendent jouer "le Libyen Mouammar Kadhafi et le leader d’extrême-droite autrichien, Jörg Haider"…

C’est dire que malgré les efforts des autorités maliennes pour circonscrire l’insécurité dans la bande sahélo-saharienne, le Mali est en train de perdre sa crédibilité auprès des partenaires occidentaux, si l’on s’en tient aux rapports confidentiels publiés par WikiLeaks. Et pourtant, le Mali a fait beaucoup de concessions à ses voisins dans le cadre de ce combat. Les autorités maliennes ont été jusqu’à leur concéder le droit de poursuite des terroristes sur son sol. Et n’ont jamais ménagé leurs moyens et leurs réseaux pour la libération des otages sains et saufs, même si cela est une filière juteuse aujourd’hui pour certains barons.

Et si la conférence des chefs d’Etat et de gouvernements sur la sécurité dans la bande sahélo-saharienne ne s’est pas encore tenue, ce n’est pas par manque de volonté du président Amadou Toumani Touré. Mais, plutôt parce que les puissances occidentales ne mettent pas assez de pression sur tous les pays concernés. Ceux-ci ne sont donc pas pressés de venir à la table pour arrêter une stratégie commune contre ces nouvelles menaces (terrorisme, trafic d’armes et de drogues) qui sont en train de déstabiliser nos Etats.

Et comme l’a toujours soutenu le président Amadou Toumani Touré, l’efficacité de la lutte contre AQMI dans la bande sahélo-saharienne repose sur deux stratégies. Il y a d’abord la synergie des actions (militaires) à mener. Aucun pays ne peut réussir seul à éradiquer des menaces comme le terrorisme, surtout dans un espace où les frontières sont assez poreuses. Et c’est la conférence des chefs d’Etat et de gouvernements sur la sécurité dans la bande sahélo-saharienne qui peut susciter cette synergie indispensable. Aujourd’hui, les Etats-Unis et ses alliés sont soumis à de rudes épreuves dans des pays comme l’Afghanistan, où Al Qaeda leur donne du fil à retordre depuis de nombreuses années. Il faut la même alliance dans la bande sahélo-saharienne contre AQMI.

L’autre stratégie, ce sont les projets de développement en faveur des populations locales. Il faut notamment occuper les jeunes et leur assurer un avenir sûr pour les empêcher de grossir les troupes d’AQMI. Et le président ATT a raison de dire que l’option militaire dite azimut n’est pas la meilleure stratégie contre le terrorisme, pas en tout cas dans la bande sahélo-saharienne. Et les faits ne cessent de lui donner raison ! Les rapports confidentiels des chancelleries occidentales n’y changent rien !

Kader Toé
(Avec lemonde.fr)

 

 

 

Commentaires via Facebook :