Konna, environ 50 km de Sévaré. De ce qui reste de l’ancien poste de sécurité de la gendarmerie, on peut voir un bâtiment éventré et quelques anciens blindés maliens calcinés par les bombes de l’aviation française. Un peu plus loin, c’est l’ancienne gargote de Hamma qui a littéralement brûlé, lors de l’intervention des chasseurs français dans cette localité. «J’ai eu de la chance!», s’exclame-t-il. Avant qu’une larme ne s’écoule de son œil gauche: «je suis vivant, mais Oumou, qui était ma voisine, n’en a pas eu quant à elle. Elle a été fauchée, dès les premières heures, par une Kalach d’Islamistes». Hamma a la gorge nouée. Les mots lui manquent. Soudain, il se retourne et nous fait signe avec la main. Fin de l’entretien.
Nous quittons Hamma pour nous rendre 150 mètres plus loin. Dans un ancien bâtiment public, un chef du MUJAO avait, pendant quelques heures, élu domicile avec sa garde rapprochée. Les Rafale français ne l’ont pas épargné. Sur le sol, on remarque encore des traces de sang. L’odeur âcre qui se dégage prouve que l’intervention a été meurtrière.
Au centre ville, vers 14 heures, nous décidons de rencontrer une grande famille. Celle des Nadio. L’un des membres, Ousmane, nous fait savoir que «les Islamistes n’ont rien à voir avec les vrais musulmans». «Ils sont arrivés à Konna et ont subtilisé les motos des habitants pour s’en servir. Ils sont partis voir leurs adhérents qui étaient dans cette ville. On n’a rien vu de musulman dans leur comportement», nous a confié Ousmane Nadio.
Un peu plus tard, lors de notre entretien, Baïssé, l’une de ses tantes, nous rejoint et se met à danser. Puis elle raconte ce qu’elle a vécu pendant les deux jours de la présence des Islamistes à Konna: «le jour où les Islamistes sont arrivés ici, nous avons pris nos bagages et nos enfants et nous nous sommes dirigés vers le port afin d’emprunter une pirogue. Mais notre frère nous a demandé de rester sur place. Le jeudi soir, alors que nous étions dans la maison, nous avons entendu un bruit assourdissant. Nous nous sommes blottis les uns contre les autres. C’était terrible, c’était horrible… J’ai eu la plus grande peur de ma vie et j’espère ne plus avoir à revivre cela».
Amba, un ressortissant d’un village voisin de Konna, raconte avoir participé à l’enterrement de 37 militaires maliens égorgés par les Islamistes. «Ils étaient tous désarmés et, selon les témoins qui ont assisté de loin à la scène macabre, les Islamistes ont aligné les soldats, puis, un par un, les ont égorgé». Nous nous sommes rendus sur les lieux, après notre visite à Konna. Il ne reste que les véhicules calcinés des Islamistes, surpris par les bombes françaises. Au cimetière du village c’est une fosse commune que les habitants ont creusée pour inhumer les militaires.
Soulagement
Malgré les traces des combats d’il y a quelques semaines, les populations de Konna ont repris leurs occupations habituelles. Fanta en fait partie. Elle vend des légumes au grand marché et se dit «soulagée» que les Français soient venus «délivrer son village et le Mali de ces vendeurs de drogue».
Devant l’atelier de couture de Seydou, deux enfants, 7 ans à peine, tiennent deux drapeaux: celui du Mali et celui de la France. Seydou, le sourire aux lèvres, nous explique que sa femme a accouché tout juste après le départ des Islamistes et qu’il a baptisé son fils du nom du Président français. «Même mes parents étaient d’accord que j’ajoute le nom de François Hollande à celui mon fils Hamadoun. C’est un signe de reconnaissance pour moi, car celui qui a vécu les événements de Konna pourra aisément comprendre mon geste. Quand j’ai vu les premières frappes aériennes de la France, j’ai levé les mains au ciel pour rendre grâce à Dieu. Aujourd’hui, nous sommes heureux, nous sommes libres, nous sommes indépendants… Nous sommes aux anges» a laissé entendre Seydou.
Paul Mben, envoyé spécial