Rencontres d’Alger : Quels dirigeants avons-nous ?

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Seconde phase des pourparlers d'AlgerAutant le gouvernement du Mali pourra veiller à l’application du droit public de la décentralisation (mais il est handicapé par la signature des accords), autant les insurgés peuvent se prévaloir des accords et pacte signés pour demander la partition du pays. Cela relève du droit et non de l’alchimie ou la ruse. C’est pourquoi les visionnaires avaient sollicité la tenue d’une conférence ou une concertation nationale pour une sortie de la crise.

 

 

Pendant ces journées, le peuple malien allait situer les responsabilités des présidents Moussa Traoré (Accords de Tamanrasset signés en 1991), Alpha Oumar Konaré (Flamme de la paix, intégration de 800 rebelles dans l’armée et l’administration publique en 1996), Amadou Toumani Touré (Pacte national signé en 1992 et l’Accord d’Alger en 2006), Dioncounda Traoré (Lettre de l’appel à la France en 2013, Accord de Ouagadougou en 2013).

 

 

Puisque le vin est tiré depuis 1991, IBK va le boire en octobre 2014. Quel sera la réaction du peuple qui attend impatiemment les résolutions des rencontres d’Alger ?

 

 

Plus de deux mois de débats sur le même sujet. Jamais une question politique, économique, culturelle ou sociale n’a aussi établi la fierté et le nationalisme des Maliens. Mais un nationalisme va- t- en guerre contre une cible qui ne devrait pas l’être politiquement parlant. Le grand nationalisme des Maliens s’est élevé contre qui ? Et quoi ? Contre les Touareg et contre l’irrédentisme touareg ! L’atteinte à l’intégrité territoriale, à la souveraineté faite par les Touareg est, selon eux, inadmissible et intolérable et la réponse devrait être d’aller les déloger de leurs montagnes et de les écraser ! Les Touareg ne sont pas et ne doivent pas être notre cible. Notre nationalisme et notre fierté de grands Maliens descendants de Soundiata, Turamakan, Babemba, Tiéba, Dah Monzon, etc., etc. ne doivent pas renaître contre les Touareg.

 

 

Les mouvements de jeunes au Mali comme à l’étranger par exemple en France ont condamné sans appel l’Accord d’Alger et poussé même l’armée à l’assaut. Cela est incompréhensible pour une jeunesse déshumanisée par les pratiques de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international, (FMI) et des prétendus bailleurs qui violent tous les jours sous nos yeux notre conscience et notre souveraineté- nationale sans que cette jeunesse n’élève sa voix contre ces violations.

Le sursaut nationaliste des Maliens contre les insurgés est mal placé dans tous les cas de figure. L’Accord d’Alger est la continuation du Pacte national de 1992, autant ce dernier est la suite logique de Tamanrasset de 1991. Autant, il faut déplorer la méthode par les armes des Touareg autant il faut condamner les pratiques anti-démocratiques qui se développent au sein de l’appareil d’Etat. Soit dit en passant. Tout le monde sait que les dirigeants actuels de notre pays ne sont à l’écoute de personne. Par exemple face à une injonction des bailleurs et une grève de l’UNTM ou des travailleurs de tel ou tel secteur ou des paysans de telle ou telle localité le gouvernement du Mali se met du côté de l’injonction et réprime ou brime les positions de lutte des travailleurs.

 

 

A preuve, malgré la position légaliste des paysans de l’Office du Niger, le gouvernement fait la sourde oreille par rapport à leurs droits de réintégrer leurs terres. La question des paysans de l’Office du Niger comme celle des miniers et des orpailleurs de Kobadala relèvent d’une fierté mal placée de l’Etat contre des revendications légitimes. Les paysans de l’Office du Niger et les ouvriers des mines qui ont toujours choisi les voies démocratiques de communication que la 3ème République leur a offert : la presse écrite, la radio et même parfois la télévision sont méprisées par le gouvernement tandis que ceux qui ont usé des armes ont eu le privilège d’être écoutés et traités en conséquence.

 

 

Donc, tous ceux ou celles qui disent sans conviction, peut-être, que les insurgés avaient à leur disposition les mécanismes démocratiques pour se faire entendre n’ont qu’à se référer au mépris fait aux paysans et aux ouvriers des mines. Aussi, malgré les mises en garde de l’UNTM au sujet de l’application du plan social résultant de la vente des usines HUICOMA au Groupe Tomota, où en est-on ?

 

 

Face à des citoyens et citoyennes sans arme et qui n’ont que leurs idées et conviction comme armes la réponse du gouvernement est le mépris ou l’ignorance ! La question n’est pas que les insurgés sont hors-la-loi et ne respectent pas l’intégrité ou la souveraineté nationale mais la question est quels dirigeants avons-nous ? Quelle opinion se font- ils des Maliennes et Maliens qui mettent le droit devant et non les armes ?

 

 

Aujourd’hui, les grandes prises de position autour de la question du Nord ont permis d’en savoir plus. Autant, je soutiens et partage l’Accord d’Alger tant dans ses principes que dans son orientation politique autant je m’inscris en faux contre deux positions. Il est dit partout que le récent accord est l’affaire de «2 ou 3 individus orgueilleux» et que le litige avec les insurgés se trouve être réglé dans le cadre de la décentralisation. Qui peut nier aujourd’hui au président de la République, au Premier ministre et au ministre de l’Administration territoriale et des Collectivités leurs pouvoirs de négociation et de signature de tel accord ?

 

 

Les contradicteurs peuvent avancer des arguments de goûts et couleurs qui ne se discutent pas. Mais en droit, ils n’ont aucun recours. Quant à «nous les grands nationalistes maliens», nous n’avons pas le droit de dire que c’est l’affaire de «2 ou 3 orgueilleux». La question du Nord, hier comme aujourd’hui, va au-delà de la personne de Monsieur Iyad Ag Ag Ghali. Le temps que nous mettrons à la résoudre est à la dimension de sa profondeur et de sa complexité. La deuxième position affirmée dans les débats est que le litige trouve sa solution dans la décentralisation ! Mais si cela est pourquoi avoir signé un accord pour les beaux yeux de «2 ou 3 individus orgueilleux ?». Mieux, on expliquera aux Maliennes et Maliens, mieux on nous convaincra et mieux on gagnera sur le terrain.

 

 

La ruse n’est pas une méthode de gouvernement au IIIe millénaire. Dans les débats, il ressort que les insurgés ont posé le problème de l’autonomie interne et même de Fédéralisme. Que le président de la République qui est le gardien de la Constitution malienne et de l’intégrité territoriale s’y est opposé. Je ne reviens pas sur les règles du droit international africain à savoir l’article 20 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui protègent les insurgés.

 

 

Mais pour tous celles ou ceux qui veulent comprendre les débats sans ruse et mauvaise foi savent que si les lois et textes règlementaires qui organisent la décentralisation au Mali règlent le problème du Nord pourquoi donc un Pacte national ? Pourquoi donc l’Accord d’Alger ? Quel sens donné au statut particulier ?

Le Malien standard sait que le Pacte national est de 1992 et les premières législatives sur la décentralisation datent de l’année 1993 en tout cas la rédaction beaucoup plus récente que le Pacte national et l’Accord de Tamanrasset et d’Alger. Dans cet ordre d’esprit, techniquement, pourquoi les rédacteurs des lois et les politiques n’ont pas réfléchi aux moyens d’incorporer le Pacte national dans les lois et le dire clairement ? Il n’y a aucun renvoi entre les deux ! Plus déconcertant est le cas de l’Accord d’Alger qui aurait pu et dû résoudre la question en tranchant que les parties s’accordent à régler les problèmes dans le cadre des lois sur la décentralisation et au besoin ces lois dans un sens favorable aux revendications irrédentistes. Là tout le monde aurait compris clairement les choses.

Mais si au lieu de cela, on signe un accord malgré l’existence des lois sur la décentralisation et accord qui renvoie au Pacte national de 1992 et non aux lois de 1993, de là, les positions sont clairement affichées. On est en présence de deux droits chacun ayant vocation à régir une même situation. Si les Maliens sont des démocrates, cette question doit se régler à travers les discussions et non les armes. La condition essentielle du débat est de reconnaître d’abord aux insurgés leurs droits dans le Pacte et l’Accord. Ensuite, s’ils acceptent des débats sur un éventuel renvoi du Pacte et de l’Accord aux lois de la décentralisation. Et du coup, on règle les problèmes.

 

En conclusion, le Pacte national et l’Accord d’Alger ont créé un droit des peuples au profit du Nord à côté de la loi sur la décentralisation. Mieux, le Pacte et l’accord d’Alger ont une base internationalement reconnu même sans renvoi à la Charte africaine.

 

Safoune KOUMBA

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