La salle Wa Kamissoko du Centre International de Conférence de Bamako a abrité, le dimanche 28 février, la toute première rencontre post-crise, entre la classe politique malienne (l’opposition malienne et la Convention des partis politiques de la majorité), les groupes armés du nord et la société civile autour des sujets brûlants de l’heure, à savoir : l’instauration de la sécurité et l’accélération du processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali.
Ils ont tous répondu présent à l’appel de l’opposition conduite par Tiébilé Dramé, en l’absence de Soumaïla Cissé. Il s’agit de l’honorable Boulkassoum Haïdara, président de la Convention des partis politiques de la majorité présidentielle, les représentants des groupes armés tels que Ahmed ould Sidi Mohamed du MAA, Me Harouna Toureh et Moulaye Ahmed de la Plateforme, une délégation de la CMA conduite par Alagabas ag Intalla, Sidi Mohamed ould Sidati ; Azaz ag loudag dag du Gatia ; Mohamed Attahib Sidibé de Ganda izo, la société civile, par Mamoutou Diabaté, Benkattra de l’UNTM, Macky Bah, le représentant des leaders religieux. À l’unisson comme un seul homme, ils ont parlé du Mali et posé les jalons d’une véritable concertation entre Maliens du sud et du nord, conformément à l’esprit de la rencontre d’entente nationale prôné par l’Accord pour la paix et la reconstruction au Mali issu du processus d’Alger. Aux yeux du patron du parti PARENA, le gouvernement traîne les pieds pour la tenue de cette rencontre d’entente nationale.
La retrouvaille de dimanche dernier s’est, elle, tenue sous le thème « ensemble pour la paix, ensemble pour le Mali »
La rencontre a commencé par la lecture d’un doua, à l’initiative de l’honorable Haïdara et exécuté par le Secrétaire général du MAA, Ahmed Sidi Mohamed. Ensuite, ce fut le tour des interventions qui a vu, tour à tour, un représentant de chaque groupe de participants s’exprimer sur les deux sujets soumis à son appréciation par le président de la cérémonie, Boulkassoum Haidara. À savoir, la situation sécuritaire du pays et l’état d’avancement de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger au Mali.
Dans son mot d’introduction, l’honorable Boulkassoum Haïdara, après avoir adressé ses remerciements aux participants, a rappelé tout l’intérêt de cette retrouvaille.
«L’accord pour la paix, signé le 15 mai et le 20 juin 2015, nous a permis de garder l’essentiel. Je pense que tous ceux qui sont dans cette salle sont d’accord sur l’intégrité territoriale, l’unité, la laïcité, le mieux vivre ensemble dans un Mali républicain et démocratique » a déclaré Haïdara. Pour sa part, le président du PARENA, Tiébilé Dramé, prenant la parole à la suite de l’honorable Haïdara, a d’abord tenu à signaler l’intérêt du chef de fil de l’opposition, Soumaila Cissé, pour cette initiative. Il a ensuite mis l’accent sur l’importance de la rencontre. « Je crois que cette réunion est la démonstration de l’ardent désir de paix des forces vives du pays. Au-delà de nos divergences, nous pensons qu’aujourd’hui, nous devons nous donner la main pour conjuguer nos efforts afin de stabiliser le Mali. Œuvrer ensemble avec les autres acteurs pour restaurer la sécurité, la stabilité et la paix » a martelé l’opposant Dramé.
En ce qui concerne les groupes armés, c’est le professeur Ahmed ould Sidi Mohamed du MAA qui a ouvert le bal des interventions. Ce dernier a souligné qu’aujourd’hui tous les Maliens du nord, comme ceux du sud, ont soif qu’on aille le plus vite possible mais le plus sûrement possible à nos objectifs de paix. Ce qui doit passer par la sincérité et la franchise. Au nom de la Plateforme, Me Harouna Toureh s’appuiera sur les valeurs de fraternité malienne.
« J’ai été des deux côtés. Ce que vous appelez la violence, pour défendre, mais aussi celui du cœur pour rapprocher. Au nord, nous nous sommes engagés pour la paix. Nous avons pris l’engagement ferme de ne plus nous quitter, de ne laisser personne nous opposer les uns aux autres. Nous avons pris aussi l’engagement de ne rien entreprendre qui puisse nous donner, un tant soit peu, le sentiment de division du nord et du sud. Nous sommes tous des frères. Il nous est très facile de nous battre entre nous, mais également très facile de nous rapprocher» a déclaré Me Harouna. A sa suite, son frère Azaz ag Loudag dag, de la même famille Plateforme, ajoutera, au nom des Imgad et alliés du Gatia, qu’ils ont été traités de tous les noms de diables, mais qu’ils ont toujours été les premiers à montrer la ferme volonté pour la paix depuis que des discussions se tenaient sous des arbres jusqu’à ce qu’ils ont pu amener leurs frères de la CMA à s’inscrire dans la logique de la paix.
Arrivé avec un peu de retard dans la salle, c’est Sidi ould Mohamed Sidati qui s’est exprimé au nom d’Algabas ag Intalla et les autres frères de la CMA. « Notre engagement pour la paix est encore plus grand que la fougue avec laquelle nous avons fait la guerre. La paix ne se construit pas avec des mots, il faut appliquer l’Accord. L’Accord connaît des difficultés d’application car nous sommes beaucoup plus dans les discours. Cependant, il faut reconnaitre que l’application de l’Accord connaît des avancées, c’est ce qui nous permet aujourd’hui de nous réunir pour échanger aujourd’hui. C’est le lieu de saluer le président de la République IBK pour son sens de l’écoute et sa ferme volonté d’aller vers une vraie paix. Il faut aussi saluer Tiébilé Dramé et les autres acteurs qui ont permis la signature de l’Accord de Ouaga, car sans cet Accord, rien de tout ceci n’aurait été possible.» a déclaré le porte-parole de la CMA.
Le débat a continué et tous les autres intervenants ont bien apprécié l’initiative de la rencontre et ont souhaité que la prochaine se fasse à Kidal avec la bénédiction de la CMA. Au terme de la rencontre, toutes les parties ont convenu de la nécessité du rétablissement de la confiance pour un éventuel retour de l’administration et des opérateurs économiques ainsi que la mise en place rapide des patrouilles mixtes (FAMA, MINUSMA, groupes armés). Auparavant, le charme de la rencontre avait été quelque peu rompu par l’intervention de Mohamed Attahib Sidibé de Ganda Izo qui a attiré l’attention de l’assistance sur la mise à l’écart du processus de paix de certaines communautés comme les Sonrhaï, les Peuhl, les Bellah etc.
Mohamed Naman Keïta