Quelques jours après la marche des Kidalois et des habitants de Ménaka pour l’indépendance de l’Azawad, les cadres et autres responsables de la communauté arabes se sont donnés rendez-vous le 11 et 12 derniers au village carrefour de Gossi. La rencontre avait pour objectif initial la préparation d’un congrès dans les mois à venir. Mais contre toute attente, les émissaires de Koulouba (leaders arabes de Bamako) avaient un autre agenda qui a fait tourner les choses au vinaigre.
Choisi pour sa position géographique facilitant une rencontre entre les populations des régions Nord, le village de Gossi situé entre Douentza et Gao a accueilli les leaders de la communauté arabes venu de Kidal, de Gao, de Tombouctou et de Bamako. Ils étaient présent, les maires de Léré, de Tarkint, de Salam, de Ber, de Tillemsi, d’Eldjou-noub, de Bambara maoudé. Soit au total 9 maires de cette communauté arabe. À cette liste s’ajoute le président de la communauté arabe, Alla Ould Hamou et autres commerçants et cadre venus de Bamako tels que le ministre du tourisme Mohamed El Moctar et des cadres comme Mohamed Fall, Mohamed Ould Mahmoud, Moulaye Ahmed, mais aussi le chef des tribus Kounta Sid Mhamade Ould Haytal… Aussi, il y avait des absences remarquables à cette rencontre : Ben Maouloud et le colonel Ould Meidou ont bouda la cérémonie. Ainsi, à l’issue de cette rencontre, les participants ont décidé de la tenue d’un congrès au plus tard le 15 janvier prochain. Ce congrès sera organisé dans la commune de Salam. Mais les participants ne sont pas dupes, le recul de la date du congrès donnera le temps aux cadres arabes de bien cerner le dossier touareg avant de prendre une position comme le veuille Koulouba. Mais avant ce congrès de la commune de Salam, la rencontre de Gossi, déjà, a lancé un appel aux leaders et aux plus hautes autorités à prendre les mesures idoines et urgentes pour assurer la sécurité de toutes les populations et de leur bien. Ils interpellent toutes les parties prenantes par rapport à la question sécuritaire et au respect strict de tous les engagements. Mais aussi, demandent aux leaders communautaires du Nord Mali à poursuivre et à consolider le dialogue social, la solidarité et la tolérance. Avant de féliciter le président Amadou Toumani TOURE pour les initiatives prises pour l’accueil des compatriotes (quelques-uns) revenu de la Libye et à travers les missions engagées à travers des missions de bon office en vue de leur insertion socio économique.
Opposition farouche
Les travaux de la rencontre ont commencé le 11 novembre. Mais avec un tour dans les QG des différentes délégations, on se rend compte que chacun est venu avec un agenda différent les uns des autres et souvent dans des buts personnels pour faire plaisir à Koulouba au détriment de la communauté arabe. « Le message que nous voulons lancer est que la communauté arabe est unie et solidaire dans un pays uni et indivisible», martèle Sid’Ali ould Bagna, le président de l’Association du sahel jugé près du ministre El Moctar. Dans les coulisses, une rumeur selon laquelle les cadres venus de Bamako veulent filmer les participants grâce à l’équipe de l’ORTM dépêché sur le terrain pour montrer que les populations locales adhèrent à leur initiative, circule. Ainsi, une opposition est aussitôt formée autour de Mohamed Ould Mahmoud Mado. Cette tendance qui demande le respect des termes de références qui sont les préparations d’un prochain congrès fut rapidement jointe par les 9 maires arabes venus des différentes communes du Nord Mali. Ce bloc d’opposition a mis un frein aux projets du douanier Moulaye Ahmed qui n’a pas hésité à dire aux maires que cette déclaration de prise de position par rapport aux évènements de Kidal est voulue par le président de la république, selon certaines informations recueillis dans les coulisses. Conséquence, l’ouverture de la rencontre a été boudée par les 9 maires venus spécialement pour cette rencontre ainsi que la légendaire opposition. Agacé par l’absence des maires, le ministre Elmoctar met fin à la réunion juste après l’ouverture. Le ministre se rend au QG des maires pour discuter à oui clos avec eux et tombe d’accord sur la déclaration finale.
Coup de théâtre
Retour à la table des discussions. Comme prévu, toutes les parties prenantes se sont enfin réunies sous la même tente pour lire la déclaration finale et clôturer la rencontre. Mais avant la lecture de cette déclaration, Moulaye Ahmed, un cadre arabe de Bamako voulait faire une retouche de dernières minutes à la déclaration finale. Chose qui n’a pas été du goût de M. Baba Ould Cheikh, le maire de Tarkint. L’élu de ce village situé entre Gao et Kidal a entrepris une sérieuse discussion avec ce cadre arabe de Bamako. Ainsi, devant la résistance de Moulaye Ahmed, le maire de Tarkint se retire avec sa délégation et déclaré que tout ce qui sort de cette rencontre ne le regarde en rien : « nous avons fait un consensus avec les leaders de Bamako pour faire un congrès le 15 janvier au plus tard pour donner notre position par rapport à ce qui se passe au nord Mali. Mais eux, ils veulent engager la communauté tout de suite alors que ce n’est pas sur ça qu’on s’est mis d’accord », explique Kana Ould Ahmed Badi, le représentant de la jeunesse arabe de Kidal venu avec le maire de Tarkint. Au même moment, les jeunes de Tombouctou sous la bannière d’Abdel Aziz Ould Mohamed et Yacine ben Baba, entretiennent une autre discussion très chaude avec le ministre El Moctar : « nous avons dit au ministre qu’il n’y aura ni de prise de position, ni autres déclarations tant que le congrès n’est pas fait ainsi que le changement des membres du bureau actuel de la communauté arabe », nous confie Abdel Aziz ould Mohamed, leaders de la jeunesse de Tombouctou.
Pourquoi Koulouba met les dos au mur ?
Dans cette cacophonie, la rencontre a été reportée le jour suivant à 9 h. Les coulissent ont continué toutes la nuit pour amener les neuf maires arabes présents à adhérer à l’idée des leaders venus de Bamako, mais ces derniers sont restés en bloc derrière l’opposition. Le lendemain, l’équipe de l’ORTM est venue et la déclaration consensuelle avec les maires a été lue devant les caméras de la télévision nationale avant même l’heure prévue (9 h). Ainsi la communauté arabe s’est donné rendez-vous au plus tard le 15 janvier prochain pour un congrès général lors duquel le bureau actuel devra rendre le tablier. De même, des déclarations seront faites pour se prononcer sur les événements d’insécurité dans le Nord Mali. « Je ne comprends vraiment pas pourquoi Koulouba veut qu’on prenne une position par rapport aux Touaregs armés à Kidal. Nous avons combattu AQMI en 2009 pour le Mali, nous avons créé une milice dans la clandestinité pour déloger la milice de feu Ibrahim Ag Bahanga la même année. Nous avons donné notre sang et notre argent au Mali, mais pourquoi on veut encore nous pousser contre X où Y. Nous voulons être traités comme toutes les autres ethnies du Mali et non pas être utilisés comme le fer de lance contre quelqu’un. Pourquoi on n’a pas demandé au Songhoy ou au Peulh ou encore aux Dogon de prendre position ? Je ne comprends pas vraiment pourquoi Koulouba nous met dos au mur ?», nous confie un colonel arabe n’ayant pas pris part à la rencontre.
Baba Ahmed, envoyé spécial à Gossi
Ils ont dit …
Sid Mhamad Ould Haytal, chef traditionnel des Kounta
« D’abord la tribu des Kounta a toujours prôné la paix et la sécurité du Mali. Les Kounta n’ont jamais pris des armes contre le Mali et étaient toujours présents sous le drapeau du Mali. Je pense que tout ce qui n’a pas été trouvé dans le dialogue et l’entente ne se trouvera pas dans la guerre. La guerre n’est pas forcement une solution. Il n’y a pas d’utilité dans une guerre aujourd’hui dans les trois régions du Nord Mali. Aujourd’hui, la première personne qui doit avoir la solution c’est l’Etat qui doit prendre ses responsabilités, car c’est le gouvernement malien lui même qui est responsable de la sécurité et de la stabilité de ses populations. Le Mali aujourd’hui, a 51 années d’existence, il doit être en mesure de bien gérer la situation. Le Mali doit être en mesure de donner à chacun ses droits, de lui faire résider où il veut et de faire en sorte que chacun puisse être heureux sur le territoire malien. Le Mali est un Etat de droit ».
Mohamed Fall, cadre de la communauté arabe, ingénieur et directeur de bureau d’étude à Bamako
« A la sortie de cette rencontre, j’ai un sentiment de beaucoup de joie d’avoir retrouver des parents mais aussi un sentiment de retrouver cette unité arabe malgré des petits divergence qui reste toujours uni aux heures de vérité. En réalité, cette rencontre est préparatoire à un congrès plus élargie pour discuter des questions de fond et décider le choix de notre positionnement et de notre contribution par rapport à ce qui se passe. Il convient d’être prudent de ne pas dire des choses qui peuvent fâcher ou qui peuvent être mal interprétées, c’est pour cela que nous avons voulu être minimalistes. Nous sommes inquiets aujourd’hui car les théâtres des opérations c’est chez nous, dans nos pâturage dans les familles, mais globalement les efforts entamé par le gouvernement en terme de médiation, en terme dialogue en direction des communautés nous rassure. Si nous continuons dans cette direction, je ne vois aucune raison qu’on ne trouve pas une solution. J’espère qu’après les rencontres communautaires, il y aura aussi des rencontres intercommunautaires pour que les populations trouvent les meilleures armes pour vivre ensemble ».
Mohamed Ould Mahmoud, cadre de la communauté Bérabiche
« Les leaders communautaires, les cadres et les responsables de tout bord sont très engagés pour l’unité arabe en même temps préparés un congrès qui va apporter tous les changements nécessaires pour l’organisation de la communauté arabe. Cette communauté est éparpillée dans tout le septentrion malien. Cette communauté est exclusivement une communauté de négoce de transport et par conséquent elle est sûrement exposée à des questions de sécurité. Lorsque les choses vont se régler au niveau de ce congrès, elle s’organisera pour essayer de plaider leur cas de sécurité auprès des autorités et contribuer aussi au retour de la sécurité pour faire prospérer leurs affaires et leurs négoces. Les cadres et les responsables s’investissent pour consolider la solidarité entre nous pour essayer de juguler ces questions d’insécurité dans le nord. Cette communauté arabes ne sera surement pas utilisée comme « fer de lance » contre les touaregs. On a déjà vécu une première expérience qui a été mal géré et aujourd’hui, nous sommes dans une phase où des individus cherchent à collaborer avec d’autres pour essayer d’apporter leur modeste contribution à la paix et à la stabilité. La sécurité ou l’insécurité ne peut pas être le monopole d’une seule communauté ».
Ahmed Ould Sidi Mohamed, modérateur de la rencontre
« J’ai un sentiment de connaissance qui est profond en réalité, mais Je pense que nous sommes en train de franchir une étape très difficile, mais que nous attendions à le mener pour l’avenir et avec confiance. Les obstacles sont liés à notre nature de saharien, sur le plan géographique, nous sommes dans le septentrion avec toutes ses difficultés et son espoir. Nous pensons que nous sommes en train de faire notre devoir. La situation sécuritaire est très critique dans le monde entier, c’est le printemps arabe et nous pensons que nous faisons partie de ce printemps arabe. Ce que je peux vous assurer, c’est qu’aujourd’hui, bon nombre de nos frères sont pour la paix, mais dans la dignité et dans la concorde avec toutes les autres communautés du Mali ».
Mohamed Taher, maire de Ber
« Le congrès prochain se basera essentiellement sur le sujets préoccupants d’insécurité et trouvera une solution définitive. En matière de sécurité au Nord Mali, c’est calme pour le moment et nous espérons avoir une position et une vision nette de cette insécurité au Nord Mali. Il faut qu’au Nord de Tombouctou, l’Etat occupe le terrain, nous attendons beaucoup du PSPSDN, le projet de développement et de sécurité d’ATT. Nous espérons qu’avec ce projet, il y aura la sécurité dans cette zone ».
Propos recueillis par Baba Ahmed, envoyé spécial à Gossi