Nonobstant l’appel au boycott, lancé depuis Bamako par certains élus de la ville aux autorités administratives et coutumières, la rencontre des chefs de village, de fraction et de quartier du cercle de Goundam, tenue les 19, 20 et 21 mai derniers à Goundam, a rencontré un franc succès auprès des populations. Qui sollicitent, de nouveau, l’initiateur pour l’organisation d’autres forums de ce genre, cette fois-ci, dans toutes les communes de Goundam.
Vendredi 19 mai, 15 heures, Goundam. Situé au bord du fleuve, à quelques encablures du pont, le siège de l’ONG « Association Malienne pour la Survie au Sahel » (AMSS) est pris d’assaut par des centaines de participants. Selon les organisateurs, cette rencontre a enregistré la participation de 246 chefs de village et de fraction, auxquels s’ajoutent 520 cadres, notables et personnes ressources. Un record de participation. Du moins, de mémoire de Goundamiens.
Les boycotteurs boycottés
Pourtant, tout a été mis en œuvre, par d’illustres élus de la ville de Goundam, pour que cette rencontre n’ait pas lieu. Frustrés de n’avoir pas été aux commandes de cette initiative, ils ont lancé un appel au boycott dans tous les cercles, fractions et quartiers de Goundam. Avant de le relayer sur les réseaux sociaux. Et comme tout cela ne suffisait pas, ils ont tenté – sans y parvenir – de convaincre le gouverneur de Tombouctou et le préfet de Goundam à interdire cette rencontre qui, selon eux, « risquerait de mettre la ville à feu et à sang ». Mais pour quel résultat. Au dernier décompte, cette rencontre a enregistré plus de 1000 participants, composés de chefs de village, de fraction et de quartier.
Initiée par un digne fils de Goundam, le lieutenant-colonel des Douanes, Oumar Hamama Cissé, la rencontre des chefs de village, de fraction et de quartier du cercle de Goundam a pour objectif d’offrir à ces dignes représentants de la population un cadre de dialogue et d’échanges. Afin qu’ils trouvent, eux-mêmes, les solutions à l’insécurité et au banditisme résiduel, qui ont entamé la confiance entre les différentes communautés vivant, ici, en bonne intelligence depuis des millénaires.
En d’autres termes, il s’agissait pour l’initiateur de cette rencontre de ramener la paix et la cohésion sociale entre les sonrhaï, peulh, arabes, touareg, bambara, bozo, somono, dogon, bellah…..qui se regardent en chiens de faïence depuis l’éclatement de la crise en 2010.
Goundam, terre de brassage
Située au nord-ouest du Mali, à 90 km de la « Cité des 333 saints », Goundam est un cercle agro-Sylvi o-pastoral par excellence. Avec une population estimée à 170.000 âmes, Goundam reste le seul cercle, au Mali, à disposer de cinq lacs interconnectés, alimentés à partir de deux marigots. Qui prennent leur source sur le Farabangou, un défluent du fleuve Niger. Avant de se rencontrer à hauteur du village de Kanéye, pour former le marigot de Goundam.
Les lacs Télé et Takara couvrent une superficie de 13.000 ha. Ceux de Gouber et Kamango, 20.000 ha. Considéré comme le plus grand, le lac Faguibine totalise, à lui seul, 53.000 ha.
Après la mise en place des trois commissions, chargées de plancher sur les grands thèmes de la rencontre, place à la cérémonie d’ouverture. Soudain, la pluie se met à tomber. « C’est la réponse de Dieu à ceux qui ont tenté de saboter cette rencontre », disent les participants. Habituellement, la ville enregistre ses premières pluies entre fin juin, début juillet.
Une initiative soutenue par les Groupes armés
Tous les leaders des Groupes armés, ou presque, ont salué cette rencontre, qui vient à point nommé. Mieux, ils ont décidé d’assurer la sécurité des participants, partout où besoin sera. S’y ajoutent les messages de soutien des chefs des communautés touareg, arabes, sonrhaï, peulh…..
« Cette rencontre est une excellente initiative, qui permettra de recoudre le tissu social fortement endommagé par la crise », écrivait, dans son message, une grande figure de la communauté des Kel Antasar, Mohamed El Maouloud.
Etaient au podium, le préfet de Goundam, Mr Karim Coulibaly ; Mr Mahamane Abocar, conseiller communal et président du Comité local d’organisation ; Mohamed Ali Ag Matahel, président des assises de cette rencontre ; l’imam de la grande mosquée de Goundam ; Mr Oumar Hamama Cissé, initiateur de cette rencontre ; Ikyor Cissé, co-organisateur…….. pour ne citer que ceux-là.
La CMA (Coordination des Mouvements de l’Azawad), la Plateforme et la CPA (Convention des Peuples de l’Azawad) étaient, aussi, représentés.
« Il est temps de mettre fin à cette tragédie humaine, qui n’a que trop duré dans notre cercle et, partant, dans le septentrion malien », indique, d’entrée de jeu, Mr Oumar Hamama Cissé dans son discours d’ouverture. Avant de résumer l’objectif de cette rencontre dans un tonnerre d’applaudissements.
« Il s’agit d’amener tous les fils, et toutes les filles du cercle de Goundam à se donner la main pour la mise en œuvre rapide de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale qui, malgré les écueils, a enregistré des avancées certaines ».
Aussi, il a remercié les Forces armées et de sécurité, la Minusma et Barkane pour leur soutien à cette rencontre.
Après avoir fait observer une minute de silence à la mémoire de toutes les victimes de cette crise, Mohamed Ali Ag Matahel souhaite que cette rencontre, qui a enregistré la présence massive de tous les fils et filles de Goundam, sonne le retour de la paix, de la cohésion sociale. Mais, a-t-il précisé, dans la justice.
« Cette rencontre est une opportunité pour les chefs de village, de fraction et de quartier de se parler, afin de trouver les solutions à même de ramener la paix et la sécurité sur ces terres qui nous ont vu naître », assure Ahmad Ag Hamama. Et le porte-parole des fractions arabes et touareg de poursuivre : « Cette rencontre était attendue. Si les populations avaient les moyens de la tenir, elles l’auraiert fait pour que l’avenir soit radieux dans le cercle de Goundam ».
Pour Mr Karim Coulibaly, Préfet de Goundam, la situation sécuritaire est intenable. Pour lui, chaque fois qu’une initiative, comme la présente rencontre, va dans le sens de la paix, elle mérite d’être soutenue.
« Les liens séculaires, qui unissaient les différentes du cercle de Goundam, ont été mis en péril par cette crise. D’où la nécessité de réconcilier les fils et filles de ce beau cercle. Afin de leur permettre d’exploiter les immenses potentialités du riche cercle de Goundam », a –t-il conclu. Avant de déclarer ouverts les travaux des chefs de village, de fraction et de quartier du cercle de Goundam.
Des résolutions pertinentes
A l’issue des trois jours de travaux, plusieurs recommandations ont été formulées par les participants. Notamment, l’érection urgente du cercle de Goundam en « Région des Lacs » ; le retour sans délai des réfugiés maliens pour un dialogue inclusif entre tous les fils de la nation malienne ; la réalisation des projets à impact rapide dans toutes les communes du cercle de Goundam ; l’accélération du développement du cercle de Goundam ; la sécurisation des personnes et de leurs biens à travers des patrouilles tripartites FAMAS, Minusma, Barkane ; l’accélération du cantonnement et du processus de DDR ; l’insertion socio-économique et l’indemnisation de toutes les victimes de la crise ; le retour de l’administration et des services sociaux de base dans toutes les régions du nord ; la vulgarisation des résolutions de la conférence d’entente nationale ; la viabilisation des sites de retour des réfugiés ; l’ouverture de toutes les écoles au nord en octobre 2017 ; la relance de tous les secteurs de développement ……
« Il s’agit de faire en sorte que, le cercle de Goundam renoue avec les valeurs de tolérance, de paix et de fraternité, qui ont toujours caractérisé les différentes communautés liées par le sang », rassure Oumar Hamama Cissé dans son discours de clôture. Avant de conclure : « Tant que la paix ne vibrera pas dans le cœur de chacun de nous, les efforts de la communauté internationale resteront vains ».A l’issue de la cérémonie de clôture, les chefs de village, de fraction et de quartier du cercle de Goundam sollicitent, de nouveau, l’initiateur de cette rencontre pour l’organisation d’autres forums de ce genre, cette fois-ci, dans chaque commune du cercle de Goundam.
Oumar Babi,
envoyé spécial