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L’irrédentisme touareg, au Mali comme au Niger, relève désormais de la mythologie grecque de l’Hydre de Lerne. Le monstrueux serpent du marais du Péloponnèse avait, en effet, la particularité de posséder sept têtes dont chacune repoussait aussitôt qu’elle était tranchée, accréditant ainsi une capacité éternelle de terreur et de nuisance. Jusqu’au jour où Hercule eut l’ingénieuse idée de trancher d’un seul coup l’ensemble de ses têtes, et triompha donc de lui.
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Général et chef d’Etat, Amadou Toumani Touré est-il en train d’enfiler la toge du héros romain ?
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Sa dernière initiative dans la recherche de solutions à même d’établir une paix définitive entre les pouvoirs centraux de Bamako et Niamey et les groupes rebelles touaregs qui ensanglantent cycliquement le Mali et le Niger, si elle se concrétisait, est dans cette logique. Dans son discours à la nation à l’occasion du 22 septembre dernier, ATT remarquait que la récurrence des problèmes de sécurité dans la bande sahélo-saharienne exige, des pays concernés, une véritable politique de sécurité collective pour faire face au banditisme transfrontalier et au terrorisme. Et d’annoncer : « Dans ce sens, le Mali propose dans un délai proche, la tenue d’une conférence sur la sécurité, la paix et le développement de la région sahélo-saharienne ».
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Cette annonce, au-delà du Mali et du Niger, s’adresse aussi au Burkina Faso, à l’Algérie et à la Libye qui subissent les effets collatéraux des différentes rebellions touarègues. Mais elle est surtout destinée à la communauté internationale, Etats-Unis d’Amérique et Union européenne en tête, dont les cheveux se dressent à la seule évocation du terrorisme. Car, si pour l’heure le banditisme transfrontalier et le terrorisme ne mettent à rude épreuve que les pays de la bande sahélo-saharienne, demain ce serait certainement la stabilité et la sécurité même de toute l’Afrique de l’ouest, du Maghreb, voire de l’Europe en raison de son rivage méditerranéen, qui seront en cause.
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Pays central servant de tampon entre l’Afrique de l’ouest et le Maghreb, le Mali, de par son septentrion aux vastes dimensions poreuses, peut servir de gîte à son corps défendant à tous les malfrats du monde : djihadistes et contrebandiers, trafiquants d’armes et narco-trafiquants, etc. Le gouvernement malien n’a d’ailleurs pas fait mystère de cette donne devant la communauté internationale à travers les ambassades accréditées à Bamako quand Ag Bahanga a déserté en prenant des otages, non sans avoir miné le sahara. A l’appui de cette thèse, il y a un fait établi qui n’échappe pas aux services de renseignements les mieux avertis du monde : le trafic transfrontalier de cigarettes, de drogues ou de voitures volées à travers la bande sahélo-saharienne profite non seulement à des groupes de bandits armés opérant dans la zone, mais aussi à des dignitaires de tribus et à de hauts responsables militaires, politiques et administratifs des pays concernés.
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Le problème est très complexe. La proposition par le Mali de la tenue, dans un délai proche, d’une conférence sur la sécurité, la paix et le développement de la région sahélo-saharienne, est révélatrice de l’échec de toutes les solutions expérimentées jusqu’à ce jour. Elle met surtout à nue la médiation algérienne à laquelle les différentes autorités maliennes ont régulièrement recouru depuis plus de quinze ans déjà.
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En effet, le Mali tout entier est en train de morfler. Pouvoir et citoyens s’interrogent sur le rôle réel que joue l’Algérie dans les différentes rébellions touarègues, tant les solutions apparaissent comme des levains aux problèmes. La chronologie des faits n’est pas pour prouver la bonne foi des Algériens. Quand le MPLA (Mouvement Populaire de Libération de l’Azawad) d’Iyad Ag Ghali déclancha la rébellion le 28 juin 1990 en attaquant Ménaka et Tidermène, l’Algérie se fit valoir. Elle réussit, trois mois après, en septembre 1990, à réunir chez elle, à Djanet, une conférence ayant rassemblé les présidents malien, nigérien, algérien et libyen.
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Deux mois après, le 10 décembre 1990, elle abrite toujours chez elle, à Ghardaia, une réunion d’unification des groupes touaregs (le FPLA, l’ARLA et le FIAA) qui donnera naissance aux MFUA (Mouvements et Fronts Unifiés de l’Azawad). Des négociations s’engagèrent, qui aboutiront à la signature des premiers accords de Tamanrasset (Algérie) le 6 janvier 1991. Le président Moussa Traoré, qui avait le couteau sous la gorge, bousculé de toutes parts par les contestations politiques réclamant l’ouverture démocratique, avait dû envoyer le colonel Ousmane Coulibaly pour représenter l’Etat. Mais il demeurait convaincu que derrière les actes de rébellion se cachaient des visées et des perfidies étrangères, notamment algériennes.
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L’accord de Tamanrasset du 6 janvier 1991 prévoyait une revendication constamment remise, à savoir la démilitarisation des régions de Kidal, Gao et Tombouctou. Ce qui, en termes clairs, revient à demander à l’Etat du Mali de renoncer à exercer une de ses missions, celle de défendre l’intégrité du territoire national ; à accepter aussi de se défausser d’un pan entier de sa souveraineté nationale, celui de ne pas déployer son armée nationale où il l’estime nécessaire et indispensable.
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La couleuvre, si amère fût-elle, a été avalée par le président Moussa Traoré. Son régime ne résistera pas pourtant aux poussées politiques et il chutera le 26 mars 1991, soient deux petits mois après Tamanrasset. Les remous ne cesseront pas autant.
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La conférence nationale du Mali, tenue du 31 juillet au 15 août 1991 pour discuter de toutes les questions d’intérêt national, consacre une bonne part de ses assises au problème du nord. La nation entière accepte une réunion technique préparatoire sur la question qui se tiendra à Ségou du 25 au 27 novembre 1991. Celle-ci sera suivie, dix jours après, par la conférence de Mopti du 6 décembre 1991.
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Un second round de négociation peut alors avoir lieu à Tamanrasset entre gouvernement et MFUA pour mettre fin aux hostilités pendant la transition. Les différentes concertations aboutiront à la signature, à Bamako le 11 avril 1992, d’un accord-cadre de règlement des problèmes du nord-Mali dénommé Pacte National qui a l’adhésion sans réserve de toutes les parties.
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En 1994, sera organisée en Algérie une réunion pour la mise en œuvre du document. Le gouvernement malien multipliera les initiatives pour consolider la paix.
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Entre 1994 et 1995, des missions de sensibilisation sillonneront toutes les régions du pays afin que toutes les couches de la population soient à un niveau d’information suffisant pour pouvoir accepter les clauses du Pacte National.
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Le 29 mars 1996, une cérémonie consacrant la paix définitive a lieu à Tombouctou sous le nom de « Flamme de la paix ». Et, le 4 octobre de la même année, 1435 ex-rebelles intégrèrent l’armée nationale. Progressivement, l’Etat s’attèle à la mise en œuvre du Pacte National dont le contenu est colossal au regard des impératifs de développement qu’il contient.
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Quelle ne fut donc la surprise générale quand, le 23 mai 2006, deux officiers touarègs, Ibrahim Ag Bahanga et Hassan Fagaga, désertent après avoir attaqué les garnisons militaires de Kidal et Ménaka, tuant, incendiant et emportant armes et munitions. Le gouvernement malien a encore recours à l’Algérie. Un document est signé à Alger le 4 juillet 2006 sous le nom d’« Accord d’Alger pour la paix et le développement de la région de Kidal ». Il contient, encore une fois, la clause de « la délocalisation des casernes militaire maliennes » et la « constitution d’unités spéciales de sécurité composées majoritairement des jeunes ressortissants des régions du nord ». Le masque n’est pas encore tombé, pourtant, pour les grands optimistes. Il le sera quand la conférence sur la sécurité, la paix et le développement de la région sahélo-saharienne, projetée par le président Amadou Toumani Touré, aura réussi à comprendre pourquoi l’Algérie et les différentes rébellions touarègues tiennent tant que les militaires maliens s’éloignent des régions nord du pays.
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La sécurité et le développement du nord-Mali troublent-ils la quiétude algérienne ? Ou, pour parler autrement, la sécurité de l’Algérie repose t-elle sur l’insécurité au nord-Mali ?
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Il faut remarquer que le bellicisme algérien est congénital de la naissance de l’Etat d’Algérie. Si le pays a mené contre l’occupant français une glorieuse guerre de libération nationale, du reste soutenue en son temps par les forces progressistes du monde entier dont le Mali, il a aussitôt aggripé son voisin marocain dès la victoire, dans la guerre dite des sables en 1963. Le président Modibo Keïta s’impliquera même avec détermination dans la médiation pour réconcilier les deux voisins. Le président Ben Bella et le roi Hassan II se retrouveront ainsi au Palais de Koulouba pour l’acte final du bon voisinage restauré. Mais les Algériens, de toute évidence, ont la rancune tenace.
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Alternant arguties provocatrices et attaques sourdes, ils aideront, dix ans après la réconciliation de Bamako, à la constitution en mai 1973 d’un mouvement armé pour la création d’un Etat sahraoui indépendant dans l’ancien Sahara espagnol (Sahara occidental) alors administré par le Maroc (le Polisario). En mots clairs, l’Algérie venait de susciter une rébellion armée contre son voisin, le Maroc. Depuis, le Marocains n’ont pas eu de répit. Les Algériens continuent à soutenir financièrement et militairement les combattants saharaouis contre le Maroc. Malgré tout, la fantomatique République Arabe Saharaoui Démocratique (RASD) proclamée est la seule au monde caractérisée par l’extraterritorialité et n’ayant pour capitale que Tindouf, une ville algérienne !
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Tout compte fait, le Mali, qui n’a jamais posé d’acte hostile contre l’Algérie, est cependant la victime éternelle de ce pays. Non seulement, le pays de Bouteflika attente à notre souveraineté nationale en jouant avec les rébellions chez nous dont l’objectif immédiat et calculé est de cantonner notre armée dans la seule partie sud de notre pays, mais en plus, l’Algérie nous empêche d’avoir des relations normales avec le Maroc à cause de notre soutien aveugle et inintelligent à la cause du Polisario. Un Maroc à qui nous devons pourtant une fière chandelle du fait que nous l’avons toujours eu à nos côtés chaque fois qu’un malheur nous a atteints.
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On comprend pourquoi le Roi du Maroc, si fréquent au Sénégal voisin, n’est pourtant jamais venu à Bamako. On comprend aussi pourquoi le président ATT, depuis 2002, n’a jamais mis les pieds en Algérie. Mais cette bouderie ne suffit pas. Même en diplomatie, il faut oser engager des paris audacieux avec un partenaire indélicat.
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Amadou N’Fa Diallo
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