Région de Tombouctou :AQMI en terrain conquis

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La semaine dernière a été spectaculaire en matière de mouvements et d’actions d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) dans la région de Tombouctou. Après s’être approvisionné en vivres et en condiments au marché de M’Bouna, le mercredi 18 mai, des éléments d’AQMI à bord d’une quarantaine de véhicule 4X4 (BG) se sont campés entre Agouni et Tombouctou. (Agouni est à 35km de Tombouctou). Avec au passage beaucoup d’actions de part et d’autres. Lisez !

AQMI au marché de M’Bouna !

M’Bouna est le chef lieu de la commune du même nom. La commune fait partie du cercle de Goundam, situé à quelques 90km de la ville de Tombouctou. La foire hebdomadaire du village de M’Bouna, c’est tous les mercredis.

Ce mercredi 18 mai 2011, des forains peu ordinaires débarquent au marché. Barbus, armés et parlant arabe, les populations paniquées, voulaient s’en fuir. Mais très vite, les invités surprises du marché ont rassuré les forains en ces termes : « nous ne sommes pas là pour faire la guerre à qui que ce soit, ni aux civils ni aux militaires. Nous sommes venus faire nos achats… » Les forains ayant compris justement qu’ils n’étaient pas là pour faire la guerre, se sont tranquillisés. Les éléments d’AQMI ont, comme les autres forains, fait leur marché. Notre source nous informe qu’ils se sont approvisionnés en vivres, condiments, biscuits, dattes et autres. Ils auraient même distribué des bonbons, biscuits et dattes aux enfants qui se sont rués sur eux.

Selon notre source, ils étaient à bord d’une quarantaine de véhicule 4X4 (BG) de consommation essence très performants dont 17 équipés en armements lourds.

AQMI offre deux boubous de prière aux membres d’une mission dans le cercle de Goundam!

En mission dans le cercle de Goundam, le comptable d’une grande ONG de Tombouctou accompagné par un autre de ses collègues plus le chauffeur ont croisé le chemin des éléments d’AQMI. Aux dires d’un des membres de la mission qui nous a rapporté les faits, c’était le vendredi 20 mai aux environs de 9h à Gargando à quelques 170 km de la ville de Tombouctou.

Selon notre interlocuteur, leur mission se passait normalement jusqu’au vendredi 20 mai aux environs de 9h quand un véhicule BG tout neuf avec à bord, des hommes bien armés a subitement freiné devant eux. « Nous n’avions pas eu d’autre choix que de nous arrêter, » a rapporté notre interlocuteur. « Ils se sont approchés de nous et ont commencé à nous poser des questions en arabe : êtes-vous musulmans ou non ? » Notre interlocuteur précise que dans la mission, il y avait quelqu’un qui comprend un peu arabe, ce dernier a répondu : oui, nous sommes des musulmans pratiquants. Ils ont continué à nous poser des questions sur l’islam. Mais quand ils ont compris que notre collègue ne comprenait pas assez leur arabe, ils nous ont demandé d’attendre un autre groupe dans lequel il y a des gens qui parlent sonrhaï, tamasheq, bambara. Notre interlocuteur nous a rapporté qu’ils les ont clairement informés qu’ils ont des gens qui parlent toutes les langues du Mali. « Il n’y a pas une ethnie du Mali qui n’a pas son représentant chez nous », ont-ils affirmé. Apparemment pressés, selon notre interlocuteur, ils les ont finalement libéré avant l’arrivé du groupe multilinguistique. A en croire notre interlocuteur, les éléments d’AQMI que leur mission a rencontré les ont dit ceci : « nous ne faisons rien aux musulmans et nous ne cherchons pas l’armée malienne aussi, mais c’est des blancs que nous cherchons ». Avant de nous laisser partir, selon l’interlocuteur, ils nous ont donné deux boubous de prière en guise de cadeaux d’un musulman à son frère musulman.

Par ailleurs, notre interlocuteur nous a informé que toute personne qu’ils ont interceptée à leur présence, a été obligée de réciter au moins deux sourates du Coran. Ceux qui arrivent à le faire sont libérés avec des félicitations et souvent avec des cadeaux. Ceux qui n’y arrivent pas, reçoivent des gifles sur les jougs et sont contraints d’attendre l’heure de la prière afin de prier avec eux avant de continuer leur chemin.

AQMI a proposé de tripler le salaire d’un enseignant s’il accepte de les suivre !

Un enseignant d’une école communautaire dont nous tairons volontiers le nom dans le cercle de Goundam a reçu la visite de quelques éléments d’AQMI. Voici le dialogue qui s’est passé entre eux :

-Aqmi : que fais-tu ici ?

-L’enseignant : j’enseigne les enfants ici.

-Aqmi : l’Etat malien te paye combien par mois ?

-L’enseignant : j’arrive à vivre de mon salaire quand même.

-Aqmi : mais ce n’est pas un travail ce que tu fais. Si tu nous suis, nous te donnerons le triple de ce que l’Etat te donne.

-L’enseignant : pour le moment, je suis bien ici.

Ayant compris que l’enseignant n’est pas prêt à les suivre, ils ont continué leur chemin. Paniqué, l’enseignant qui est originaire de Tombouctou, a immédiatement plié bagage pour rejoindre Tombouctou.

AQMI a campé le samedi 21 mai à une quinzaine de kilomètre de Tombouctou !

Selon une source qui aurait vu les éléments d’AQMI de ses propres yeux, des éléments d’AQMI étaient campé le samedi 21 mai 2011 entre Tombouctou et Agouni. A savoir que Agouni, chef lieu de la commune de Salam est situé à 35km de Tombouctou. Pour notre source, ils étaient à bord d’une soixantaine de véhicule 4X4 (BG) dernier cris très performant à consommation essence dont plusieurs équipés en armes lourdes. D’autre sources nous informent qu’ils étaient venus accueillir leurs camarades venus achetés des vivres à Tombouctou. C’était le samedi après-midi. Le dimanche, une de nos source nous informe de leur présence dans le secteur de Léré (cercle de Niafunké).

Au vu de ces mouvements et de ces actions d’AQMI dans la région de Tombouctou, des constats s’imposent :

AQMI a réussi à recruter en masse au Mali !

Cette ironie du Président malien à l’endroit de ses homologues de la bande sahélo-saharienne : « les éléments d’AQMI ne sont pas des maliens », est désormais dépassée. AQMI a non seulement réussi à recruter des maliens, mais diversement, c’est-à-dire dans toutes les ethnies. L’entretien que des éléments d’AQMI ont fait avec une mission l’atteste bien. Et ils sont apparemment fiers de le faire savoir, comme pour dire à nos autorités vos administrés sont avec nous. AQMI semble vraiment gagner du terrain au sein des populations par l’intermédiaire certainement d’idéologues très zélés. L’Etat malien qui n’a même pas dans sa politique de lutte contre AQMI une idéologie anti extrémiste est obligé de changer le fusil d’épaule. L’Etat malien ne doit pas risquer en optant pour la lutte armée vu l’équipement sophistiqué dont dispose aujourd’hui AQMI. D’ailleurs, AQMI même est aujourd’hui sûre et certaine que l’armée malienne ne peut rien contre elle, c’est pourquoi elle n’hésite pas à venir camper à 15 km de Tombouctou.

AQMI est en campagne de recrutement à présent !

Le fait de proposer à un enseignant de tripler son salaire contre son enrôlement, est une preuve tangible qu’AQMI est en pleine campagne de recrutement. Et si cet enseignant était un chômeur ? Que fera-t-il ?

AQMI est entrain de se faire estimer par les populations !

« Nous ne faisons rien aux musulmans et nous ne cherchons pas l’armée malienne… » sont des propos qui sont de nature à faire croire aux populations que ces gens ne sont pas dangereux, qu’ils sont plutôt bons musulmans. AQMI va plus loin en offrant des cadeaux aux gens qu’ils rencontrent en brousse, en distribuant des bonbons aux enfants. Une autre façon de se faire facilement aimer, c’est qu’il ya des gens qui parlent toutes les langues du pays (sonrhaï, peul, bambara…). Quelle proximité aux populations !

D’ailleurs, aujourd’hui à Tombouctou, dire que j’ai vu ou rencontré des éléments d’AQMI est banal. Ceux qui les ont rencontrés, n’ont plus le même jugement à l’endroit d’eux.

Et l’Etat malien dans tout ça, quelle est sa stratégie ?

La stratégie de l’Etat malien semble être actuellement : tu ne t’attaques pas à mes populations civiles ni à mon armée et je ferme mes yeux sur toi. Je ne te vois pas !

Est-elle une bonne stratégie ? Tout le problème est là.

Pour notre part, il faut modestement reconnaître que l’Etat malien n’a pas les moyens de combattre ces extrémistes sur le plan armé. Mieux équipés, certainement plus entraînés et moralement plus prêts que nos soldats, les militants d’AQMI sont certainement à leur apogée. La crise libyenne est passée par là. L’Etat malien n’a donc aucun intérêt à envoyer les soldats à l’abattoir avec des conséquences inestimables. Même avec la coalition des pays qui partagent la bande sahélo-saharienne, il faut faire beaucoup attention. Si d’aventure ces pays déclenchent conjointement une lutte armée contre AQMI, le Mali qui regorge plus de lieux de cachette risque d’être le principal champ de bataille. Or ce serait une guerre que nul ne peut prévoir la fin. Notre territoire risque d’héberger, dans ce cas, des troupes étrangères. La partie nord de notre pays se transformerait en champ de bataille. Et tous nos efforts de développement seraient mis sous l’eau pour on ne sait quand. Il faudrait donc une analyse bien profonde et un décryptage professionnel de la situation avant de prendre une quelconque décision par rapport à ce problème.

La rédaction

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