Plus d’un an après l’intervention de l’armée française qui a mis en fuite les groupes islamistes, le nord du Mali semble avoir retrouvé une certaine stabilité. Mais les réfugiés maliens, selon le bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unis, du camp de Mentao, situé au Burkina Faso, hésitent à rentrer à chez eux, en raison des inquiétudes en matière de sécurité et des problèmes politiques non résolus.
En effet, les réfugiés se plaignent de leurs conditions de vie qui se détériorent de jour en jour car l’accès à la nourriture, à l’eau et à la santé reste très difficile.
Selon le bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies, les réfugiés évoquent d’autres problèmes comme la présence parfois envahissante des forces de sécurité, le manque d’occupation pour les jeunes gens. Mais la plupart des réfugiés se plaignent des rations alimentaires et affirment que les rations de riz, d’huile, de mélange de maïs et de soja, et de sels distribués chaque mois ainsi que les paiements « complémentaires » en espèces sont insuffisantes et mal planifiés.
En janvier 2014, suite à une consultation des réfugiés, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et le Programme alimentaire mondial (PAM) ont mis en place un programme de distributions de rations alimentaires et d’espèces. Les réfugiés reçoivent une allocation mensuelle d’un montant de 3 500 francs CFA (7 dollars) pour acheter des produits très demandés comme le lait, les condiments et la viande afin de compléter les rations de riz et d’autres produits reçues du PAM.
Cependant, les réfugiés du camp de Mentao (et d’autres encore) disent que le programme ne fonctionne pas et expliquent que l’argent versé pour compenser la réduction de moitié des rations de 12 kilos de riz distribuées chaque mois est loin d’être suffisant. Comme quoi, «lorsque l’on entend dire que des réfugiés repartent au Mali, ce n’est pas parce qu’ils se sentent suffisamment en sécurité pour rentrer, c’est parce qu’ils ont faim », a dit Mohamed Ag Mohamed Ibrahim, responsable du comité du secteur Sud du camp de Mentao.
Inquiétudes liées à l’insécurité
Les résidents du camp de Mentao restent méfiants à cause des attaques sporadiques qui se produisent encore dans les principales villes du nord du pays comme Tombouctou, Gao et Kidal. Et, les réfugiés émettent également des critiques à l’égard du processus de paix en apparence paralysé (sans réel dialogue) entre le gouvernement et les groupes armés.
D’autres à Mentao disent que le camp sera déserté d’ici un mois, si les conditions de vie ne s’améliorent pas en dépit des inquiétudes liées à la sécurité et à la précarité de la vie.
Le HCR souligne que le retour spontané est un droit élémentaire pour les réfugiés et un droit auquel l’agence ne s’oppose pas, mais elle veut suivre les rapatriés et savoir comment ils s’en sortent. Les responsables des secours d’urgence et les réfugiés indiquent que des Maliens traversent la frontière avant de revenir un peu plus tard.
Le rapatriement de masse pas à l’ordre du jour
Quelles que soient les améliorations survenues dans le nord du Mali (baisse du nombre d’incidents de sécurité, implication étendue des Nations Unies, restauration graduelle de l’administration publique) le HCR indique que le rapatriement de masse des réfugiés n’était pas prévu pour 2014. « La situation au Mali restera fragile et ne permettra pas le rapatriement à grande échelle des réfugiés », a indiqué l’agence.
Selon le HCR et la Commission nationale burkinabé pour les réfugiés (CONAREF), le nombre de réfugiés a baissé de manière significative, passant du chiffre record de près de 50 000 réfugiés en 2012 à un peu moins de 34 000 réfugiés en février 2014. Selon les projections du HCR, il devrait y avoir environ 14 300 réfugiés maliens sur le territoire du Burkina Faso à la fin de l’année 2015.
Le HCR et ses partenaires ont admis avec tristesse que le niveau de services à Mentao et dans d’autres camps est menacé en raison des coupes budgétaires et d’un manque perçu d’intérêt de la part des bailleurs de fonds, ce qui renforce le sentiment d’abandon ressenti par les réfugiés.
A noter que le budget consacré par le HCR aux opérations relatives aux réfugiés au Burkina Faso en 2014 s’élève à 25,7 millions de dollars contre 32,8 millions de dollars en 2013 ; cette baisse est due au retour attendu de 5 000 réfugiés.
Le budget est ventilé entre 30 différentes catégories, couvrant la totalité des opérations, de la fourniture de l’eau à la mobilisation des bailleurs de fonds.
Dieudonné Tembely