C’est dans la stupeur générale que l’on a appris jeudi et vendredi derniers l’enlèvement et l’assassinat barbares d’Européens à Hombori et à Tombouctou. Ici, le théâtre d’une telle barbarie n’était autre que «l’Auberge Lafia», cadre idéal dans la cité mystérieuse de Tombouctou. Une triste nouvelle qui, comme une traînée de poudre, a rapidement fait le tour du monde. Devant cette situation, aucune réaction de la classe politique. A l’exception du Président de la République, Amadou Toumani Touré qui est monté au créneau à Dioïla sur ses grands chevaux. Histoire de condamner fermement ces «actes odieux, excessifs et inutiles (…) par des bandits armés».
«Tous ensemble, nous devons serrer nos rangs, isoler les malfaiteurs et nous consacrer à l’éducation de nos enfants. Je renouvelle ma confiance à nos forces armées et de sécurité pour détruire tous les bandits nuisibles. Le terreau du terrorisme est la précarité et la pauvreté», a martelé le Président de la République Amadou Toumani Touré. A lire entre les lignes de ces mots acerbes du Président de la République, on comprend bien qu’il veut passer à la vitesse supérieure pour mettre fin à l’insécurité grandissante dans le Nord du pays. En effet, l’intervention d’ATT à Dioïla était véritablement attendue. Solennelle, elle l’a été. Enflammée aussi. Amadou Toumani Touré décide, en tout cas de changer d’épaule. Lui qui, jusque-là avait prôné le dialogue, l’entente et la paix, se rend finalement compte que la politique de la carotte a une limite quand il s’agit des bandits armés.
Ainsi, aura-t-il compris toute la philosophie odieuse de ces hommes. Ce qui les intéresse surtout, c’est notamment l’enlèvement des Européens puisqu’ils ont bien compris qu’il s’agit là d’un «marché bien juteux», car en contrepartie, ils ont des rançons qu’on leur paye.
ATT a donc finalement compris qu’il faut bien dépasser le simple cadre du dialogue et de la négociation pour appliquer la loi du Talion : «œil pour œil, dent pour dent».
Mais il faut le reconnaître, dans ce dossier brûlant du Nord, ATT a été abandonné par la classe politique malienne, voire par son PDES. Cette classe politique préfère avaler sa langue. En se confinant dans un mutisme suicidaire, elle espère voir le bout du tunnel. Jusqu’où le président de la République ira ? C’est la lancinante question qui taraude la classe politique. Autant dire que c’est son successeur qui héritera de ce lourd dossier qui avait également donné du tournis au président Alpha Oumar Konaré. C’est le grand temps ou jamais d’accompagner le Président. A regarder de près, la classe politique joue à l’hypocrisie au moment où l’intégrité et l’unité du Mali sont menacées et, à quelques encablures des élections présidentielles. L’Union fait la force, dit-on. Ce n’est pas l’apanage d’ATT.
Que veut faire la classe politique au Président ? Peut-être qu’elle tente de lui mettre des bâtons dans les roues afin qu’il sorte par la petite porte ! Et cela ne serait ni à l’honneur du Mali ni à l’honneur des hommes politiques. Preuve que tous les politicards-pardon, tous les politiciens ont les yeux rivés sur la présidentielle du 29 avril 2012. Ce qu’ils oublient, c’est que sans la sécurité et la paix, il sera difficile d’aller aux élections. Hier, ces enlèvements et assassinats d’Européens ne se faisaient pas au Mali ; mais aujourd’hui, ils se pratiquent bien sur le sol malien, notamment en pleine ville et en plein jour, au vu et au su de tout le monde. Hier aussi, on parlait essentiellement de la région de Kidal comme nid et refuge de ces bandits armés ; mais aujourd’hui, le phénomène s’est étendu aux régions de Gao, Tombouctou, Mopti, et peut-être demain Sikasso…
Donc, ce phénomène qui devient de plus en plus grandissant, doit être géré avec parcimonie et rigueur. Le mutisme de la classe politique n’est qu’une offense à l’honneur et à la dignité des Maliens tout court. C’est dire qu’elle ne doit pas assister au pourrissement de la situation pour enfin intervenir comme des sapeurs pompiers. Tout en songeant donc à la présidentielle de 2012, les hommes politiques maliens, notamment ceux qui se sont déjà ouvertement déclarés candidats, doivent jouer leur partition pour lutter contre une situation qui fait perdre à notre pays sa valeureuse note d’hospitalité.
Bruno LOMA