La médiation internationale a-t-elle réussi la mission à elle confiée ? Certes, elle a pu faire asseoir sur la même table de négociations des acteurs aux points de vue plus que divergents. Comme résultat, elle réussira à proposer un projet d’Accord de paix qui même controversé n’en demeure pas moins un compromis acceptable dans le contexte actuel du Mali. Les désaccords sont tels que ce document se retrouve aujourd’hui uniquement paraphé par l’Etat malien et ses alliés de la Plateforme.
La résurgence des tensions au nord montre les limites de l’Accord d’Alger
La résurgence des tensions dans le nord malien prouve un seul et même constat : l’Accord de paix d’Alger jouit d’un très faible consensus. Il ne fait l’unanimité, ni dans les rangs des groupes rebelles, ni au sein de la population malienne. La médiation internationale en octroyant des prérogatives déséquilibrées et disproportionnées à ceux qui ont pris les armes, les revendications des populations civiles, principales victimes concernées sont restées presqu’inaudibles. Elle s’est bornée à tenter d’accorder les violons entre les rebelles et l’Etat malien. Octroyer une voie aux populations locales du nord et même à celles du reste du pays aurait donné une autre dimension aux négociations. Et la version finale de l’Accord de paix aurait fait beaucoup plus l’unanimité. Il s’agit là d’une grossière erreur de casting de l’équipe de la médiation. Une erreur qui pourrait anéantir considérablement dans les sables mouvants du désert nord malien, tous les efforts pour la paix et la stabilité dans le Sahel.
Le risque de voir l’Accord d’Alger mourir dans l’œuf reste mince, il n’en demeure pas une préoccupation réelle. Tout doit être mis en œuvre pour préserver l’intérêt des populations civiles. Alors que les cadres du MNLA et alliés voyagent de ville en ville en Europe et que les diplomates impliqués se contentent de déclaration de principe, les populations locales continuent de souffrir le martyre. Elles sont et demeurent les seules véritables victimes de la crise du septentrion malien.
Un référendum au septentrion malien serait-il finalement l’ultime solution ?
A quelques encablures du jour j, les rebelles touaregs sentant le vent tourné en leur défaveur, violent impunément le cessez-le-feu en vigueur dans le nord malien. S’agirait-il d’une tentative désespérée de gagner des positions sur le terrain afin de faire valoir leurs revendications autonomiste à défaut fédéraliste ? Les enfants gâtés de la République, habitués de voir tous leurs désirs pris pour des ordres, ne peuvent se contenter d’une décentralisation même avancée. Ils n’ont certainement pas compris qu’en négociation, l’on ne peut pas tout avoir. Le moteur de toute négociation est le compromis. L’Etat malien l’a compris et a consenti des efforts énormes au risque de provoquer le courroux de son opinion publique. Les lignes rouges que sont la laïcité, la forme républicaine et unitaire de l’Etat n’ont pas été assez respectées dans le projet d’Accord de paix. Entre les lignes, l’on peut aisément lire que ce projet concède une large autonomie aux régions dites du nord du pays au détriment de celles du sud. Avec les évènements de Ménaka, on se rend compte que les rebelles de la CMA ne sont pas représentatifs des populations locales. Ce qui rend absurde la position de la Communauté internationale qui s’engage dans un dangereux jeu d’équilibrisme entre le MNLA et les populations qu’il n’a jamais représentées. Si les populations nord maliennes pouvaient exprimer leur sentiment par rapport à cet imbroglio qui mêle à la fois la géopolitique des ressources à la diplomatie expansionniste des grandes puissances qui soutiennent les renégats de la République. Alors pour en avoir le cœur net, pourquoi ne pas proposer en dernier recours un référendum d’auto détermination aux ressortissants du nord ? C’est seulement en cela que la France et alliés verraient que l’Unité du Mali est d’une « évidence absolue » et que sur cette terre des grands empires qui ont fait la fierté du continent que la Nation a bel et bien précédée l’Etat.
Les cadres de la CMA : de véritables marionnettes du Ben Laden national, Iyad Ag Ghaly
Le tout puissant chef d’Ansar Dine, issu de la noblesse locale des ifoghas est le maitre penseur des groupes rebelles, surtout du MNLA. Car en réalité, cette situation de ni paix ni guerre arrange grandement les jihadistes. L’anarchie et la misère humaine sont les seuls terreaux fertiles des revendications salafistes. Partout à travers le monde, on constate que les groupes terroristes ne prolifèrent que là où l’autorité publique fait défaut comme c’est le cas en Iraq, en Syrie et en Libye qui sont devenus les sanctuaires de l’Etat Islamique. Le sud libyen est devenu le ventre mou de la bande sahélo saharienne encore plus que le nord malien. Là où l’autorité publique sévit avec tous ses démembrements aussi bien militaire que civil, le jihadisme ne peut prospérer. C’est cela qu’Iyad a compris et il met tout en œuvre pour empêcher le retour de l’Etat malien sur ses terres. Signer un Accord de paix voudrait dire que de manière progressive, l’Etat malien et ses partenaires s’implanteront dans le septentrion. Toute chose qui réduira considérablement le terrain de chasse d’Ansar Dine et alliés. Actuellement, aussi bien les rebelles que les terroristes ne cherchent qu’à entretenir le désordre en place. De surcroit, entre touaregs d’une même tribu l’entraide est de mise, que l’on soit barbu extrémiste, ou indépendantiste laïc.
Qui veut la paix, prépare la guerre
Croire que l’Accord de paix d’Alger résoudrait la crise du septentrion malien comme par un coup de baguette magique relève de la pure utopie. Partout qui veut la paix, prépare la guerre. La paix est toujours assise sur les bouts des canons. La mauvaise foi des groupes rebelles, la méfiance légitime des autorités maliennes à leurs égards et le péril jihadiste qui menace toujours le Mali sont les principaux obstacles à la paix. La paix véritable et durable ne peut être obtenue que par l’Etat malien, à qui il revient de défendre son intégrité territoriale et d’assurer la pleine protection de ses populations. L’Etat doit s’engager dans une nouvelle dynamique, celle de la refondation et de la reconstruction de ses Forces Armées de Défense et de Sécurité afin qu’elles soient à mesure de faire face aux défis géostratégiques, tellement complexes pour un pays qui a partagent des milliers de kilomètres avec ses pays voisins et dont le sous-sol attire de plus en plus la convoitise des grandes puissances. L’Armée malienne devra être mieux équipée et mieux formée pour assurer la survie de la Nation malienne.
Un Etat ne peut exister sans une Armée forte et républicaine. Il suffit de jeter un regard rétrospectif sur le passé très récent du Mali pour s’en rendre compte. « Le passé ne sert que dans la mesure où il peut servir le présent », disait un jour l’ancienne première dame du Mali, Mme Adam Ba Konaré. Il est nécessaire et même vital que nous tirions les leçons du passé afin de nous projeter sereinement dans l’avenir.
Ahmed M. Thiam