Rapt de diplomates Algériens au nord: Le MUJAO déclare sa responsabilité

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C’est dans un message diffusé le dimanche dernier qu’un groupe dissident d’AQMI répondant au nom de « Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJALO)  a revendiqué l’enlèvement, à Gao, du Consul d’Algérie et de six membres de sa mission. Les sept diplomates algériens ont été enlevés le jeudi dernier dans la ville de Gao récemment tombée aux mains de rebelles touaregs et de groupes islamistes armés.

En fin octobre 2011, le MUJAO a revendiqué le rapt, dans l’Ouest algérien, de deux Espagnols et d’une Italienne qui sont toujours retenus par ces djihadistes. Face à cette situation, le conseiller du Président algérien, Kamel Rezzag Bara, a prévenu que la situation chaotique au Mali  constitue « un  facteur de tension » pouvant engendrer « des implications majeures » dans la région du Sahel.

En fait, les islamistes radicaux tentent de tirer partie de l’instabilité au Mali pour imposer leur propre programme dans la région. Actuellement, le gouvernement algérien est totalement mobilisé pour obtenir leur libération. Mieux,  ils ont mis en place une cellule de crise pour suivre l’évolution de la situation. Le MNLA a imputé cette attaque au groupe « Jamat Tawhid Wal Jihad Fi Garbi Afriqqiya » (Mouvement pour l’unité et le djihad en Afrique de l’Ouest : MUJAO), issu des rangs d’Al-Qaïda. Selon le porte-parole du MNLA, Hama Ag Sid Ahmed, des djihadistes portant des ceintures explosives avaient entouré le consulat d’Algérie le jeudi dernier et menacé de les faire exploser si les gardes de sécurité du MNLA qui entouraient le bâtiment refusaient de partir. Cet incident ayant  suscité une forte désapprobation des habitants de Gao, les dirigeants du MNLA ont organisé une réunion publique pour tenter de les rassurer. Ils ont expliqué que la sécurité ne pouvait être garantie dès le premier jour, mais qu’ils feront de leur mieux pour la garantir.

D’obédience plus laïque, le MNLA a réclamé un Etat indépendant alors qu’il luttait aux côtés des rebelles islamistes d’Ansar al-Din. Dans un communiqué, le responsable de la communication de l’Azawad, Bakai Ag Hamad Ahmed, a expliqué que le groupe condamnait fermement cette attaque et a dénoncé tout acte visant des diplomates ou des ressortissants étrangers dans l’Azaouad. « Nous considérons cet acte comme faisant partie d’une campagne visant à discréditer le MNLA qui tente de rétablir la sécurité et restaurer une vie normale dans les villes libérées », précise-t-il. Le MNLA a déclaré un Etat indépendant vendredi dernier, après avoir unilatéralement déclaré un cessez-le-feu mercredi dans la soirée. Les sécessionnistes touaregs, qui ont exprimé leur volonté d’engager un dialogue basé sur la demande d’autodétermination, ont vivement réfuté tout lien avec des organisations terroristes et se sont engagés à débarrasser l’Azaouad de ces groupes armés.

Situation désastreuse à Tombouctou

A Tombouctou, la situation n’est pas meilleure qu’à Gao. Al-Hasan Cissé, un chauffeur de la ville, explique : « Les habitants de Tombouctou sont extrêmement effrayés par les mesures prises par les groupes islamistes, dont je ne sais pas s’ils appartiennent à Al-Qaïda ou à Ansar al-Din. Ils font usage de la violence contre les habitants  en restreignant leur liberté et en les emprisonnant ». Il ajoute : « Cette situation m’a contraint à fuir la ville avec ma famille, notamment parce que le principal problème que connaissent les habitants est le manque de nourriture ». Pour leur part, les Etats du Sahel se sont réunis ce dimanche 8 avril à Nouakchott pour discuter de cette crise. Avec le Mali, ces trois pays ont mis en place une alliance essentielle au Sahel en créant le Comité d’Etat major opérationnel conjoint dans la région du Sahel (CEMOC) qui doit lui-même se réunir à Nouakchott à la fin de la semaine. La crise dans le Nord du Mali a été précipitée par le putsch du 22 mars qui a renversé le Président ATT. En attendant la Transition qui sera assurée par le président de l’Assemblée nationale, le Pr. Dioncounda Traoré, les consultations se poursuivaient le dimanche dernier dans la capitale avec la classe politique. Un accord-cadre conclu vendredi entre la junte et des représentants de la CEDEAO prévoit le transfert du pouvoir aux civils et la désignation d’un Président de la République et d’un Premier ministre de Transition jusqu’à la tenue des élections.

L’accord stipule que le poste de Chef de l’Etat intérimaire doit être occupé par le président de l’Assemblée nationale qui, avec son gouvernement, dispose théoriquement de 40 jours au maximum pour organiser des élections. Mais le texte prend acte de « l’impossibilité » de tenir ce délai vu les « circonstances exceptionnelles » et la crise au Nord, sans fixer une durée pour la Transition. Mais qui sera le chef du gouvernement de crise? De nombreux noms circulent ces dernières heures dont celui d’un Arabe du Nord fonctionnaire de l’ONU au Soudan : Zahby Ould Sidi Mohamed, auquel s’ajoutent les noms de plusieurs candidats à la présidentielle. Mais ce sont des profils beaucoup moins partisans qui sont recherchés. Réunis à Nouakchott, des ministres de la Mauritanie, de l’Algérie et du Niger  (qui, avec le Mali absent, forment le groupe des pays  du champ) ont réclamé, le dimanche dernier,  l’application immédiate et inconditionnelle de l’accord et jugé que la rébellion du Nord est largement noyautée par les groupes armés terroristes. Alors que les putschistes accusaient ATT « d’incompétence » dans sa gestion de la situation du Nord, la moitié septentrionale est passée, il y a une semaine, sous le contrôle de rebelles touaregs, d’islamistes armés et de divers groupes criminels. le vendredi dernier,  le MNLA a proclamé l’indépendance du Nord qui a été rejetée par toute la communauté internationale.

En réalité, le MNLA ne semble plus maître du jeu sur le terrain car il est supplanté par les islamistes du mouvement Ansar Dine d’Iyad Ag Ghaly (la figure des ex-rébellions touarègues des années 1990) appuyé par AQMI dont trois principaux chefs ont été vus à Tombouctou avec lui. L’un d’eux, Mokhtar Belmokhtar, est arrivé à Gao dans la nuit de vendredi à samedi. Ce week-end, la CEDAO a brandi de nouveau la menace d’un recours à la force pour mettre fin à la partition du Mali. Elle envisage à y envoyer une force de 2 à 3 000 soldats, mais pour le moment, sa mission et ses moyens restent très flous. Le dimanche dernier, dans la capitale mauritanienne, l’Algérie a averti que pour elle, « la solution ne peut être que politique », jugeant qu’un effort militaire pourrait aggraver davantage une situation déjà fragile et complexe.

Jean Pierre James

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1 commentaire

  1. Il convient de se demander en premier lieu pourquoi l’Algérie a maintenu ses diplomates à Gao après la chute de la ville et le retrait des autorités légales. Sans doute pour mieux aider ses amis du MNLA. Je suis affreusement désolé pour ces personnes innocentes qui comme des milliers de Maliens sont des victimes des combinaisons cyniques de Machiavel au petit pied, qui veulent jouer à la super puissance régionale.
    On reste confondu devant la duplicité d’Alger qui après avoir rendu impossible toute véritable coopération régionale ou internationale dans la lutte contre AQMI, tente de rééditer le coup en prétendant être hostile à l’intervention étrangère que son attitude a rendu inévitable. Une chose salutaire sortira de cette crise : les Maliens regardent désormais sans illusion l’Algérie et la Mauritanie.

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