Rapport 2015/16 d’Amnesty International sur le Mali : Insécurité malgré la signature de l’accord de paix

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Exactions perpétrées par des groupes armés

Recours excessif à la force

Arrestations et détentions arbitraires

Crimes de guerre et crimes contre l’humanité 

Impunité

Le mercredi 24 février 2016, Amnesty International a publié son rapport annuel 2015/16 sur les droits humains dans le monde. Dans le rapport, Amnesty International met en garde contre la tendance de nombreux États à porter délibérément atteinte aux institutions créées pour protéger les droits humains. Cette mise en garde vaut également pour le Mali, où la gestion des menaces sécuritaires, selon le rapport, se fait au mépris total du droit international humanitaire et des droits humains. Selon Amnesty, le conflit armé intérieur a maintenu un climat d’insécurité, surtout dans le nord du pays, malgré la signature d’un accord de paix. Et dans différentes régions du pays, note le rapport, des actes constitutifs de crimes de droit international ont été commis et des groupes armés se sont rendus coupables d’exactions. Amnesty international fait aussi mention des arrestations et détentions arbitraires au Mali dont l’arrestation et la détention de 17 membres de l’association Yélimané Dagakané à Yélimané, dans la région de Kayes, suite à une manifestation pacifique de quelque 200 personnes contre le niveau élevé des impôts.

Le conflit armé intérieur a maintenu un climat d’insécurité, surtout dans le nord du pays, malgré la signature d’un accord de paix. Dans différentes régions du pays des actes constitutifs de crimes de droit international ont été commis et des groupes armés se sont rendus coupables d’exactions.

Contexte

Les violences et l’insécurité ont menacé plusieurs régions, des attaques ayant été menées contre les forces gouvernementales et la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). En juin, le gouvernement et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) ont signé à Alger (Algérie) un accord de paix qui prévoyait notamment de poursuivre la décentralisation et de créer une commission internationale chargée d’enquêter sur les crimes de droit international, y compris les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, le crime de génocide et les crimes de violence sexuelle. Cet accord énonçait également qu’il n’y aurait pas d’amnistie pour les personnes soupçonnées d’avoir une responsabilité pénale dans les crimes énoncés. Pour qu’aucun obstacle ne vienne entraver la signature de l’accord de paix par la CMA, les mandats d’arrêt délivrés contre 15 membres de la CMA inculpés notamment de sédition et de terrorisme ont été levés ; d’autres membres qui étaient détenus à Bamako, la capitale, ont été remis en liberté par la suite. Toujours en juin, le mandat de la MINUSMA a été prolongé d’un an. À la fin de l’année, Kidal, l’une des principales villes du nord du pays, demeurait sous le contrôle des groupes armés. En novembre, l’état d’urgence a été décrété sur tout le territoire à la suite d’une attaque contre l’hôtel Radisson, à Bamako. L’état d’urgence a été prolongé jusqu’en mars 2016.

Les affrontements entre les groupes armés, la MINUSMA et les forces gouvernementales se sont poursuivis, faisant plus de 250 morts dont une soixantaine dans la population civile.

En août, un ancien ministre et membre de l’opposition, Ousmane Oumarou Sidibé, a été nommé président de la Commission vérité, justice et réconciliation.

Plus de 130 000 Maliens étaient toujours réfugiés dans les pays voisins et plus de 60 000 restaient déplacés sur le territoire national.

Exactions perpétrées par des groupes armés

En mars, un tireur encagoulé a ouvert le feu dans un bar-restaurant de Bamako, tuant trois Maliens et deux étrangers. Le groupe armé Al Mourabitoun a revendiqué l’attentat.

En juillet, sur la route entre Goundam et Tombouctou, des membres du groupe armé Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) ont attaqué les forces de la MINUSMA. Ils ont tué six soldats et en ont blessé cinq. En août, un groupe armé a attaqué une résidence hébergeant des sous-traitants de l’ONU à Sévaré ; plus de 10 personnes ont trouvé la mort, dont des étrangers.

En octobre, six civils ont été tués et deux blessés après que des hommes armés eurent utilisé des mines et des lance-roquettes contre un convoi de véhicules entre Gossi et Gao, dans le nord du pays. Les véhicules des sous-traitants de la MINUSMA étaient les principales cibles visées.

En novembre, des groupes armés ont tué 19 civils lors du siège de l’hôtel Radisson, à Bamako, au cours duquel plus de 150 personnes ont été prises en otage. L’attaque a été revendiquée à la fois par Al Mourabitoun et par le Front de libération du Massina.

À la fin de l’année deux hommes, Stephen McGowan et John Gustafsson, étaient toujours retenus en otage ; ils avaient été enlevés par des membres d’AQMI dans le nord du Mali en 2011.

Recours excessif à la force

En janvier, des soldats de la MINUSMA ont tiré à balles réelles sur des civils devant une base de l’ONU à Gao, tuant trois personnes et en blessant quatre autres, lors d’une violente manifestation contre le projet de l’ONU de créer une zone tampon à Tabankort, dans le nord du pays. En mars, les familles des victimes ont porté plainte contre la MINUSMA pour meurtre ; une enquête de l’ONU a conclu à la responsabilité de membres de la MINUSMA et à l’utilisation par cette unité d’une force excessive et non autorisée. Le rapport complet de l’enquête n’a pas été rendu public.

Arrestations et détentions arbitraires

En août, quelque 200 personnes ont manifesté pacifiquement à Yélimané, dans la région occidentale de Kayes, contre le niveau élevé des impôts. Le lendemain, la police a arrêté 17 membres de l’association Yélimané Dagkane, qui ont par la suite été inculpés d’incitation à la révolte, d’opposition à une autorité légitime et de participation à une manifestation non autorisée. Deux autres membres de l’association, Bakary Diambou et Daman Konté, ont été arrêtés à Bamako et inculpés d’incitation à la révolte. Tous ont été remis en liberté provisoire en novembre.

Impunité

En mars, sept organisations de défense des droits humains ont porté plainte à Bamako contre 15 personnes, au nom de 33 victimes, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité ; cette plainte était liée à des faits qui se sont déroulés en 2012. En juin, les autorités ont levé les mandats d’arrêt délivrés contre 15 membres de la CMA soupçonnés de crimes de droit international.

En octobre, l’expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Mali a vivement déploré la lenteur des enquêtes et des poursuites judiciaires concernant les crimes de guerre et les violations des droits humains commis pendant le conflit de 2012. Le même mois, huit partisans du général Amadou Sanogo, chef de la junte militaire qui a dirigé le Mali pendant une partie de l’année 2012, se sont évadés de prison. Ils devaient être jugés pour le meurtre et l’enlèvement de « bérets rouges » qui s’étaient opposés au coup d’État de 2012. À la fin de l’année, le général Sanogo et 29 autres personnes, dont le général Ibrahim Dahirou Dembélé, étaient toujours détenus dans l’attente de leur procès pour meurtre et complicité d’enlèvement dans l’affaire des « bérets rouges ».

Justice internationale

En septembre, le Niger a remis Ahmed Al Faqi Al Mahdi à la Cour pénale internationale à la suite d’un mandat d’arrêt décerné contre lui. Cet homme était membre du groupe d’opposition armé Ansar Eddin et chef présumé de la brigade des mœurs (Hesbah), qui a occupé le nord du Mali en 2012. Il est soupçonné de crimes de guerre en raison de la destruction de neuf mausolées et d’une mosquée à Tombouctou, en 2012. Les audiences préliminaires doivent se tenir en janvier 2016.

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