Il est étonnant que les médias français continuent à penser que le raid du 22 juillet s’est déroulé dans le cercle de Tessalit. Le fameux site wikileaks qui donne des cauchemars au Pentagone a enquêté et voici sa vérité. Qui ressemble à la vérité tout court.
On commence à mieux comprendre la manière dont les choses se sont déroulées, jeudi matin, au cours de l’opération contre Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI), grâce à une source proche du dossier. Il s’agissait à l’origine d’une opération de l’armée mauritanienne, sur laquelle s’est greffée une intervention française. Début juillet, la Mauritanie a été avertie par des sources occidentales et par leurs propres réseaux dans la région qu’un groupe d’AQMI préparait une opération contre un poste sur le territoire mauritanien, pour la fin du mois de juillet. Le président Abdel Aziz a alors prévenu Paris qu’il allait monter une vaste opération contre AQMI, en utilisant le “droit de poursuite” que s’accordent mutuellement la Mauritanie, le Mali et le Niger pour la lutte antiterroriste.
Made in Paris
Une première réunion a eu lieu à Paris le 13 juillet au soir et on se souvient que le président mauritanien a été reçu brièvement à l’Elysée, juste avant le défilé du 14 juillet. Les Mauritaniens, sans doute aidés par les Français, avaient repéré un camp d‘AQMI en plein désert malien, à environ 150 kilomètres de la frontière entre les deux pays. Ce camp secret n’avait jusqu’alors jamais été identifié. Il servait de point de ravitaillement pour la katiba de Yahia Abdulaman, qui dépend du groupe d’Abou Zeid.
Des photos semblaient indiquer que l’otage français Michel Germaneau pouvait être détenu sur ce site, mais les services français n’ont en jamais eu la preuve. Paris a alors décidé de se joindre à l’opération mauritanienne, au cas où… Les Français ne souhaitaient participer qu’à cette partie de la plus vaste opération d’attaque préventive menée par l’armée mauritanienne, qui visait au moins un autre site. Il s’agissait, pour la France, de pouvoir récupérer Germaneau dans les meilleures conditions possibles. Parallèlement, les Groupes spéciaux d’intervention (GSI) de l’armée mauritanienne voulaient empêcher le regroupement des 150 hommes environ de la Katiba d’AQMI en détruisant leurs bases de ravitaillement.
Les militaires français connaissent bien les GSI, puisqu’ils sont formés par un détachement d’assistance opérationnelle fourni par le COS. Une opération qui dure depuis plusieurs mois dans la plus grande discrétion. Plus de 400 “forces spéciales” de l’armée mauritanienne ont déjà été formés, ainsi que plus de 200 Maliens et bientôt des Nigériens.
Pour participer à l’opération, des “militaires” français sont arrivés de la métropole. Selon toute vraisemblance, il s’agissait d’hommes du Service action de la DGSE, qui connaissent bien le Sahel. La France fournissait un soutien en matière de renseignement, de transmissions et de santé. Un hélicoptère avait été prépositionné en Mauritanie, afin d’évacuer Germaneau si nécessaire.
Attaqué à l’aube
Le point de départ a été une base située non loin de la frontière, où les forces spéciales françaises et mauritaniennes s’entraînent. Le raid a pris la forme d’une colonne de véhicules tout-terrain. Entre 20 et 30 militaires français accompagnaient quelques dizaines de Mauritaniens. La colonne a roulé de nuit et les derniers kilomètres, environ dix, ont été parcourus à pied pour ne pas donner l’alerte. L’attaque contre le camp a eu lieu à l’aube à environ 150 kilomètres de la frontière avec la Mauritanie, au nord-ouest de Tombouctou. Les militaires français ont foncé sur une tente dans laquelle un otage pouvait être détenu, alors que les commandos des GSI mauritaniens s’occupaient des autres tentes. Les combats ont été brefs.
Contrairement à ce que nous écrivions, il n’y a donc pas eu d’opérations aériennes. Par ailleurs, le site de Tessalit (nord-est du Mali) n’était pas concerné, contrairement ce qu’affirmaient des sources locales citées par l’AFP.
Six membres d’AQMI ont été tués et quatre ont pu prendre la fuite. Le chef de la Katiba ne fait pas partie des morts. Aucune victime n’est à signaler côté français. Lorsque les commandos français ont fouillé le camp, ils n’ont pas trouvé trace d’un quelconque otage. En revanche, ils ont mis la main sur des armes (AK 47), des explosifs, des téléphones portables, divers documents, des pièces de rechange pour les véhicules, etc.
Faute d’otage, la colonne française est rentrée en Mauritanie et l’opération a été “pliée”. En revanche, les Mauritaniens ont poursuivi la traque d’AQMI jusqu’à ce samedi. Ils sont actuellement sur le chemin du retour.
Aucune preuve de la présence de l’otage
Nous pouvons confirmer que les autorités françaises n’avaient aucune preuve de la présence de Michel Germaneau avec la “Katiba” d’Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI), mais simplement des “faisceaux de présomption”. “S’il avait été là, cela aurait été une bonne nouvelle” assure une source proche du dossier. En tout cas, les autorités françaises récusent totalement l’idée d’un “fiasco” d’une tentative de libération de l’otage français.
Par ailleurs et contrairement à ce que nous écrivions hier, les Américains n’ont pas fourni de renseignements permettant de déclencher l’opération commando mauritanienne, avec le soutien militaire français. Enfin, contrairement à ce que la presse espagnole écrivait, les autorités espagnoles ont bien été “consultées” et pas seulement “informées“, mais des désaccords semblent exister au sein même des autorités espagnoles sur la stratégie à suivre dans les affaires d’otages au Sahel.
Par ailleurs, une information circulant sur internet en provenance d’un site islamiste fait état de pertes chez les Français. Il est affirmé que neuf membres du Service action de la DGSE auraient été tués et leurs noms sont fournis. Cette “information” est un faux total, destiné à la propagande islamiste : aucune perte n’a été enregistrée par les Français. D’ailleurs, le communiqué d’AQMI annonçant l’assassinat de Michel Germaneau ne fait pas état de pertes françaises. Enfin, concertant les revendications supposées de la part d’AQMI, il a été fait état dans la presse d’une demande de libération de Rachid Ramda, l’Algérien détenu en France et condamné pour les attentats à Paris en 1995. Selon les sources de Libération, jamais une revendication aussi précise n’a été formulée. Il s’agissait d’une déduction de services de police à la suite de l’analyse des messages laconiques d’AQMI.
Adam Thiam
Source : wikileaks, topsecretdéfense.
Les intertitres sont de la rédaction