Dialogue sur le processus de paix à l’arrêt, coalition des ex-entités rebelles avec une volonté affichée de militarisation du côté de Kidal; alors que l’Etat malien glose sur la montée en puissance de l’armée. Les velléités bellicistes ne sont-elles pas désormais affichées ?
Depuis plusieurs mois, les ex-mouvements rebelles, abusivement qualifiés de « mouvements signataires » de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, semblent opter pour le retour à l’état de belligérance. Ce qui ne devrait point émouvoir l’Etat malien, désormais décidé à défendre sa « souveraineté retrouvée » et célébrée chaque 14 janvier.
Paralyser le processus de paix ?
En effet, les ex-rebelles ont récemment décidé de paralyser le processus de paix, notamment les discussions au sein du Comité de suivi de l’Accord (CSA). Comme si cela ne suffit, ces mouvements exigent des pourparlers avec le gouvernement pour réactiver le CSA, mais « hors du Mali ». Ils estiment que les réunions et discussions du CSA n’apportent aucune avancée significative, surtout si elles ne sont pas organisées au niveau ministériel.
Dans la foulée, le Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA), le Mouvement Arabe de l’Azawad (MAA) et le Mouvement National de Libération de l’Azawad, (MNLA) ont signé un acte de fusion, le mercredi 8 février dernier à Kidal, et cela au sein de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA).
Cet acte hautement stratégique, qui éloigne les deux parties signataires de l’Accord, de sa mise en œuvre, semble non seulement être le début de la rupture, voire de la radicalisation des positions, mais surtout fait suite à un autre acte, qui est la mise en place d’un Etat-major commun à ces trois mouvements, assortie de la nomination d’un chef d’Etat-major et de son adjoint. C’est dans ce sens que le président de la CMA, Algabass Ag Intalla, proche du chef jihadiste Iyad Ag Ghali, a nommé un nouveau chef d’État Major et son Adjoint à la tête de la Coordination. Ces nouveaux Chefs d’Etat Major, nommés à Kidal, le jeudi 02 février 2023, sont le Colonel Hamad Rhissa Ag Mohamed Assaleh et Alhousseyni Ag AHmedou.
S’y ajoute que Iyad Ag Ghali a récemment rencontré un certain nombre de personnalités du nord, dont des responsables de la CMA….
Avec cette évolution des choses, des questions se posent : s’achemine-t-on vers un conflit armé entre les deux parties signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation ? L’escalade de la violence est-elle évitable dans une telle situation délétère empreinte de suspicion et de manque de confiance? Et si toutes ces manœuvres consistaient seulement à faire une démonstration de force pour peser lourd sur les décisions à prendre en cas de reprise de dialogue pour la mise en œuvre de l’Accord. N’est-ce la phase poignante d’illustration de l’adage selon lequel qui veut la paix prépare la guerre ?
Dans un récent article, notre confrère « Jeune Afrique » a indiqué qu’un responsable prédit la reprise des hostilités à Kidal. Et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) a dénoncé, le dimanche 12 février, les propos d’un responsable soutenant les autorités maliennes et prédisant la reprise prochaine des hostilités dans le Nord.
Dans une vidéo publiée vendredi 10 février sur Facebook, Amadou Albert Maïga, membre du Conseil national de la transition (CNT) l’organe législatif, déclare que l’armée malienne va bientôt engager les opérations pour reprendre le contrôle de Kidal, le fief de la CMA.
« Déclaration va-t-en-guerre » prise au sérieux
La CMA prend cette déclaration « au sérieux », a dit sur les réseaux sociaux l’un de ses porte-parole, Mohamed Elmaouloud Ramadane. « Nous condamnons cette déclaration va-t-en-guerre d’un responsable de l’une des premières institutions » du pays, et « nous prenons la communauté internationale à témoin contre de tels agissements », a-t-il martelé.
Mais, en attendant, la radicalisation des positions entre l’Etat et les ex-rebelles est plus qu’une réalité. Ce qui fait craindre que les voies de la paix se rétrécissent au profit de celles de la reprise des hostilités. Ce qui ne fera que compliquer la situation de crise multidimensionnelle que le Mali traverse depuis 2012. Car, tout crépitement des armes dans le septentrion est remettra en selle la Transition militaire en cours. Et le chef de la Transition, le Colonel Assimi Goïta se donnera de facto un pouvoir quasi-légitime de chef suprême des armées, pour mener la guerre. Ce sera aussi une remise en cause complète du processus électoral devant amener au retour à l’ordre constitutionnel.
En outre, la communauté internationale devrait s’inviter à ce conflit et le Mali pourrait devenir le théâtre d’expression de bien d’hégémonies. Il urge donc que le chef de l’Etat, dont nul ne doute du patriotisme, use de toute son énergie pour sauver la République en danger.
Bruno D SEGBEDJI
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