« Pour mieux avancer, il faut au préalable avoir mesuré le chemin parcouru », dit un proverbe africain. Et si l’on se souvient qu’il n’ya pas si longtemps que ça, que l’existence même de notre Nation était menacée, l’on ne peut que saluer le grand bon en avant qui vient d’être effectuer vers la normalisation. Certes, d’autres grands défis se dressent devant nous, notamment le péril jihadiste. Mais, avec de la bonne foi et de l’abnégation, le développement et la stabilisation de la partie septentrionale de notre pays, sera demain, une réalité.
Le troisième round des pourparlers de paix réunissant les groupes rebelles du nord malien et le gouvernement ont pris fin jeudi dernier. Cette phase a été caractérisée par la collecte des propositions de paix côté gouvernement malien et côté groupes armés. Sur la base de ces deux propositions, la médiation internationale composée de l’Algérie, du Burkina-Faso, de la Mauritanie, du Niger, du Tchad, de la Cédéao, de l’Union africaine, de l’Union européenne, de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) et des Nations unies, a soumis aux différents belligérants un document de travail intitulé «Eléments pour un accord de paix et de réconciliation au Mali». Les thèmes abordés au fil des différentes étapes des pourparlers y figurent. Globalement, l’on peut dire que le Mali sort gagnant de ces négociations puisque l’ossature étatique reste la même : point de fédéralisme ni encore d’autonomie.
Un grand pas vers la stabilisation du nord malien et de tout le pays de façon général a été effectué.
La décentralisation avancée ou la régionalisation prônée par les autorités maliennes trouvent écho dans la proposition de paix de la médiation internationale. Ainsi, le texte propose une « zone de développement des régions du Nord», dotée d’un «conseil consultatif interrégional constitué des représentants des assemblées régionales et chargé exclusivement de la coordination des efforts visant à accélérer le développement socioéconomique local ». La création d’une deuxième chambre parlementaire «représentant les collectivités territoriales et les notabilités traditionnelles et religieuses», qui «émet un avis sur tout projet de loi concernant les relations entre l’Etat et les collectivités territoriales et participe à l’évaluation des politiques publiques» a également été proposée.
Le texte précise que cette deuxième chambre qui sera le sénat «pourrait créer une commission chargée de la défense des spécificités culturelles régionales» et qu’un «quota de sénateurs pourrait être réservé aux notabilités traditionnelles régionales». Pour une meilleure représentativité des populations du nord malien, la médiation internationale propose la modification de la loi en vigueur en matière de circonscription électorale. Ainsi, elle recommande la mise en place d’un ratio d’un député pour 30 000 habitants au lieu d’un pour 60 000 actuellement. Elle propose aussi de revalorisé le rôle des chefs religieux et coutumiers «notamment en ce qui concerne la médiation civile et pénale».
Le secteur militaire sera mis à rude épreuve
Pour la « confiance et la stabilisation », le document propose la mise en place d’un état major mixte pour une période d’un an. Concrètement, durant cette période, un Etat Major de Coordination (EMCO) basé à Gao serait placé «alternativement sous le commandement d’un officier de l’armée malienne et d’un représentant des mouvements armés, avec l’appui de la Minusma». Le souhait des médiateurs, c’est que cette période soit mise à profit pour instaurer la confiance entre les combattants rebelles et les soldats maliens et pour, également contribuer à faire baisser la tension qui n’a cessé de croitre ces derniers temps.
Ainsi donc, il sera beaucoup plus facile de procéder au cantonnement des combattants, à la réinsertion, à la réintégration et au redéploiement de forces de défense et de sécurité «qui devront inclure un nombre significatif de ressortissants des régions du Nord, y compris dans le commandement».
Une autre partie du texte exhorte à une «mobilisation nationale en faveur du développement des régions du Nord». Entre autres, il propose «l’adaptation des programmes d’enseignement aux réalités socioculturelles des régions», la consécration de 10% de l’aide internationale aux trois régions du septentrion malien ainsi que des mesures urgentes comme la réhabilitation des établissements scolaires, des structures de santé, des puits et la «distribution gratuite de produits alimentaires aux ménages en situation de précarité».
Afin d’y arriver, le document prévoit une «conférence d’appel de fonds pour le financement de la stratégie de développement des régions du Nord» soutenue par la Banque mondiale et la Banque Africaine de Développement.
Consciente du fait que la récurrence des crises dans cette partie du nord de notre pays est due au non respect des principes exprimés lors des accords précédents, la Communauté internationale envisage de mettre en place un «comité tripartite de suivi de la mise en œuvre de l’accord» composé des médiateurs, du gouvernement du Mali et des mouvements signataires de l’accord et qui assurerait «le suivi, le contrôle, la supervision, la coordination et l’application effective» dudit accord. Elle se porte garante et s’engage à jouer «le rôle de dernier recours en cas de graves difficultés de nature à compromettre les objectifs» de l’accord.
Le gouvernement malien pas tout à fait satisfait
Toutes les revendications des groupes rebelles tombent à l’eau. Ils avaient proposé une grande région qui se nommerait Azawad avec pour capital Mopti dans un Etat fédéral du Mali. Cet état fédéré aurait eu tous les attributs d’un Etat souverain : fonction publique, armée, organisation administrative propre à lui…
Les cadres du MNLA et du HCUA n’ont pas manqué d’exprimer leur mécontentement à la lecture de la proposition de la médiation internationale, s’étonnant du fait qu’aucune de leurs revendications n’avaient été reconduites contrairement à celles de l’Etat malien. Les mouvements proches de Bamako que sont CMFPR, le Gatia et le MAA ont approuvé le texte.
Même si l’Etat malien peut être considéré comme celui qui a gagné la partie, il a émis quelques réserves concernant certaines propositions de la médiation internationale qui, selon lui, ne respecte pas sa souveraineté nationale.
Qu’à cela ne tienne, toutes les parties en présence, sur la base des «Eléments pour un accord de paix et de réconciliation au Mali» fourniront des propositions d’amendement. Une ultime session est prévue à partir du 26 novembre au cours duquel sera finalisé l’accord définitif.
Ahmed M. Thiam