La paix au sein de l’ensemble des composantes nationales doit, en effet, venir de cœurs sincères. Un sentiment authentique devant mieux se percevoir dans les actes que dans des discours populistes et fanfarons. Le difficile processus qu’elle constitue, avec chaque fois des avancées incertaines, ne devrait fonctionner que dans les meilleures mesures de confiance. L’amertume des pages les plus sombres de notre histoire durant ces dernières décennies nous oblige désormais à jouer cartes sur table et non nous livrer à des farces grotesques à n’en point finir. Mais voici encore aujourd’hui qu’on tente de nous imposer une paix obtenue à l’issue de compromissions tellement graves que les responsables se gardent soigneusement d’en dévoiler la substance. Nul n’est besoin de dire que l’unité et la souveraineté de l’Etat en seront réduites à leur plus simple expression. Un « processus de réconciliation » essentiellement motivé par des intérêts aussi sournois que vils. D’un côté, nous avons un régime visiblement mal inspiré voulant coûte que coûte pérenniser son règne et de l’autre, des bandits armés « reconvertis » en citoyens ordinaires n’ayant été légitimement mandatés par personne, bénéficiant incessamment d’appui étranger et réclamant illégalement un pouvoir dont ils n’ont aucune claire vision. Cette paix qu’on veut ainsi nous servir, ne peut être autre qu’un « cirque ». La véritable paix à laquelle aspirent les maliens, ne saurait être le fruit insipide d’aucun « Accord » fantaisiste, des signatures « infantilisantes » qui jusque-là, n’ont fait que nous entraîner vers des crises, les unes plus graves que les autres. Des documents chaque fois validés avec quasiment les mêmes adversaires, mais qui n’ont jamais servi à résoudre un conflit qui n’avait objectivement aucune raison d’être. Au Mali, ils sont extrêmement nombreux, ces concitoyens qui ne manquent pas d’occasion pour vanter, brandir leur « Amour » pour le pays. Cependant, à partir de quelle démarche rationnelle serait-on à mesure de prouver « l’Amour » de ceux qui se sont servi des institutions de la République à des fins presque paternalistes pour conduire leur peuple à l’homicide ? Quelle méthode de raisonnement pourrait-elle véritablement nous permettre de démontrer ou comprendre le « patriotisme » de ceux qui n’ont point hésité à prendre les armes contre leur patrie au mépris d’innombrables vies humaines ? Si l’énorme répugnance des maliens vis-à-vis des politiciens du Sud ne peut fondamentalement se justifier que par l’irresponsabilité caractérisée de ceux-ci, il reste aussi indéniable que leur aversion pour certains cadres et chefs nordistes ne peut en grande partie s’expliquer que par l’ethnocentrisme primaire de ces derniers. L’origine de la « bêtise » se trouvant bien des deux côtés. A quoi serviront ces nombreux documents signés si les cœurs ne sont aucunement prêts à s’accorder un pardon sincère ? Que vaudrait réellement une paix sans justice ni repentance ? Que signifierait une signature pour la paix si le document signé en constitue lui-même, une mauvaise semence, un frein à cette paix ? Prétendre jouir d’une paix à l’issue de la signature d’un « Accord » qui en vérité, ne consistera qu’à enterrer l’avenir de toute une nation, ne relève que de l’inconscience pure. Prétendre fraterniser avec les ennemis d’hier en n’ayant nullement cherché à taire les rancœurs à travers la mise en œuvre de mécanismes de réconciliation plus crédibles, ne dénote que de la simple comédie.
« La paix n’est pas un vain mot, c’est un comportement », disait feu Félix Houphouët Boigny. Au Mali, en revanche, les discours pompeux d’élites démagogues n’ont eu autre destin que de nous enfoncer la tête dans le sable. Dans un contexte sociopolitique aussi incertain que celui-ci, ce n’est guère un texte d’une dangerosité rare, signé par un Gouvernement pusillanime, désespérément incapable de toute innovation politique et sociale, qui nous apportera une paix sincère, l’expression d’une fraternité vraie et ciment d’un développement mieux partagé. Mais plutôt, la participation pleine et entière de l’ensemble des maliens aux processus de prises de décisions ; perspective jusque-là écartée voire ignorée par nos différents gouvernements, bien que déterminante et profondément légitime. Voilà la pire trahison que le peuple malien semble encore loin de pardonner à ses dirigeants.
Modibo Kane DIALLO
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