Les divergences persistent toujours. Et l’accord de paix soumis à l’appréciation des participants des pourparlers d’Alger n’est qu’une façon de faire croire à la Communauté internationale que le processus de paix continue son bonhomme de son chemin. Tout le monde se rappelle avec quel enthousiasme, le chef de la diplomatie algérienne Ramatane Lamamra déclarait que ces négociations pourraient aboutir à un accord de paix dans seulement 100 jours. C’était le 15 juillet 2014 lors de l’ouverture de la première phase. Plus de 200 jours après, la médiation algérienne semble montrer ses limites. Et le président IBK pour ne pas être celui qui aura été à l’origine de la partition du Mali a intérêt dès maintenant à préparer la guerre pour asseoir la paix même si le courroux du parrain français est à craindre.
Le document remis dans la nuit du mercredi à jeudi dernier n’est qu’une programmation annoncée de la division du pays. 20 chapitres, 67 articles et 30 pages sont consacrés à des domaines divers comme les réformes institutionnelles ou la défense. Certes, dès le préambule, la souveraineté, l’intégrité territoriale du Mali, la forme républicaine et laïque de la République sont mises en avant mais la reconnaissance plus loin du terme Azawad comme étant « une réalité socio-culturelle, mémorielle et symbolique partagée par différentes populations du nord Mali, constituant des composantes de la communauté nationale » sonne comme un non-sens. La médiation internationale appelle à une « reconnaissance commune » de cette appellation qui servira de base au consensus nécessaire dans « le respect du caractère unitaire de l’Etat malien et son intégrité territoriale. » La reconnaissance, noir sur blanc du terme Azawad est une victoire pour les groupes armés qui jugeaient dans leur proposition de texte qu’il était « une entité géographique et politique spécifique, ayant sa personnalité propre et nécessitant une gouvernance construite sur les fondements de son histoire, de ses réalités sociales, économiques et culturelles ». En faisant cela, la médiation sanctuarise son utilisation à jamais pendant que les autorités maliennes s’y sont toujours opposées.
Ce qui attire l’attention à la lecture de ce projet d’accord, c’est que la médiation veut attribuer un traitement de faveur aux « ressortissants du nord » comme si ces derniers méritaient plus de la nation que les autres citoyens du pays. Ce qu’elle devrait faire, et ceci peut faire l’objet d’un amendement de la part de l’Etat malien, c’est que tout privilège accordé aux régions du septentrion malien ou aux ressortissants de cette partie de notre pays soit également octroyé à ceux du « sud ». L’Etat ne doit-elle pas être équitable envers tous ses fils ? Pourquoi attribuer, par exemple, un plus grand quota à un groupe précis de population dans la fonction publique au détriment d’un autre ?
La discrimination positive, seule conduite ayant guidé la médiation
Dans tous les domaines, l’intérêt des groupes rebelles est mis en avant.
Pour le partage des richesses, la médiation laisse finalement le soin à l’Etat malien la distribution des clefs de répartition des richesses minières. Elle estime que jusqu’à 30% des richesses budgétaires doivent revenir aux régions dites du nord, selon l’article 14. Sur le plan sécuritaire, la médiation propose la réintégration des combattants rebelles dans des « polices régionales » sans aucune forme de procès. Un corps de police relevant de la compétence de chaque région devrait être mis en place. Les risques d’insurrection et de rébellion seront ainsi permanents.
Pour une réorganisation des collectivités locales, le texte prévoit dans un délai de 18 mois prévu pour la transposition de l’accord dans la législation malienne, des nouvelles élections locales uniquement, encore une fois, pour les régions du nord.
Pour l’administration politique, le texte semble avoir opté pour un fédéralisme qui ne dit pas son nom. Les autorités locales élus aux suffrages directs pourront prendre leurs propres décisions concernant l’aménagement, les services sociaux, les budgets, le développement ou la sécurité, sous le contrôle de l’État. « le président de l’Assemblée régionale est élu au suffrage universel direct. Il est également le chef de l’Exécutif et de l’Administration de la Région » (Art 6). Un élu peut profiter de sa toute-puissance dans sa région pour faire naitre au sein de sa population des velléités séparatistes, contraire à la cohésion nationale. Dans ce même article, il est reconnu le droit à chaque région, du nord bien sûr, « d’adopter la dénomination officielle de son choix ». Cette disposition en plus de plusieurs autres allant dans le même sens peut bel et bien faire naître chez une certaine frange de la population malienne des sentiments de se prendre en charge afin de profiter d’une large autonomie dans la gestion d’une région.
En parallèle, la création d’une deuxième chambre au Parlement, qui permettra une meilleure représentation des populations du Nord dans les institutions est également proposée.
En ce qui concerne le développement du nord, la médiation propose la création d’une zone de développement prioritaire. Il s’agit de mettre en place des dispositifs de soutien « de façon prioritaire » au septentrion malien.
Une autre proposition d’amendement que l’on pourrait faire à l’Etat malien, est de bannir l’article 32 du texte que l’on peut qualifier de main du diable : « Deux ou plusieurs autres régions peuvent dans des conditions déterminées par la loi, mettre en place les instances appropriées, afin de mieux promouvoir leur développement économique et social, dans les limites de leurs compétences telles qu’énoncées dans le présent ». Il s’agit clairement d’une fenêtre ouverte à la partition du pays et d’un clin d’œil fait aux groupes rebelles.
Autre point à éclaircir, la médiation internationale a-t-elle réellement pensé au coût économique de ces accords ?
Des notabilités et des personnalités du nord ont marqué leur adhésion totale au Mali
Les groupes rebelles ont vu ces derniers jours plusieurs défections au sein de leur rang. La dernière en date, est celle du frère cadet du sulfureux jihadiste Oumar Ould Hamaha, Idriss Ali Hamaha, qui invita ses frères d’armes de Tombouctou, Gao et Kidal à déposer les armes et à se joindre au processus de paix en cours à Alger. Un signal encore plus fort qui présage du futur déclin des revendications séparatistes absurdes des groupes rebelles, est la déclaration du nouvel Aménokal, chef coutumier touareg, Mohamed Ag Intallah : « je suis malien. Kidal ne réclame ni indépendance ni autonomie ». Il dément donc toutes les allégations distillées qui lui attribuaient des propos belliqueux aux antipodes des efforts d’une paix durable. Il va même jusqu’à déclarer que « ce qu’il faut même, c’est de décider que Kidal devienne la capitale du Mali ». Voilà une belle idée pour une réconciliation des cœurs et des esprits, à prendre en considération. Une piste à explorer probablement par le ministère de la Réconciliation Nationale. Dans les jours à venir, l’Aménokal promet de sillonner tout le septentrion malien pour prôner la paix : « Il y aura une mission à l’intérieur de la région de Kidal. La même mission dans la région de Gao pour sensibiliser la société civile. Pour prôner la paix » a-t-il également ajouté depuis Bamako à nos confrères de Maliglobe.
La communauté touareg, une société fortement hiérarchisée : et si c’était l’une des causes de la question touareg au Mali
Contrairement aux autres communautés du Mali qui semblent beaucoup plus soudées, celle touareg paraît plus complexe et vulnérable. Elle est composée de plusieurs tribus et sous tribus où la rivalité est monnaie courante. La lutte pour le leadership est récurrente chez les tribus touaregs qui sont de nature guerrière. Dans cette lutte de suprématie pour la survie à chaque fois qu’une tribu touareg se sent moins favorisée que les autres, elle a tendance à prendre les armes et à fomenter une rébellion. A chaque fois Bamako arrange la situation par la corruption des leaders touareg qui à leur tour s’enrichissent au détriment des conditions de vie des populations locales. Ce cercle vicieux dure depuis vingt-cinq ans. La dernière rébellion n’est autre que le résultat d’une telle politique de nos autorités vis-à-vis des rebelles. Au fil des ans, ces derniers sont devenus les enfants gâtés de la République. Et le comble, c’est que les cadres rebelles prétendent toujours agir au nom des populations locales alors que plusieurs années durant, elles se sont vues octroyer plusieurs prérogatives et avantages dont la bonne utilisation aurait pu justement améliorer leurs conditions de vie précaires. Des privilèges dont ils étaient les seuls bénéficiaires dans une République du Mali où tous devaient arracher leur pain à la sueur de leur front. La discrimination envers les touareg et arabes du Mali est plus que positive ! Que l’on n’oublie pas que la grande majorité des cadres du MNLA sont membres de l’oligarchie politico-financière du Mali. Donc sont tout autant coupables de la difficile situation qui prévaut au nord au même titre que les différentes administrations maliennes qui se sont succédé.
Ahmed M. Thiam
Encadré
Invitation de presse
Conférence de presse sur la situation dans l’Azawad avec Moussa Ag Assarid, le représentant diplomatique en Europe du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA)
Mardi 3 Mars 2015, à 17h00
Bureau de l’ALE à Bruxelles
François Alfonsi, ancien député européen et actuel président de l’Alliance Libre Européenne (ALE) et Moussa Ag Assarid, écrivain et représentant diplomatique du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) en Europe, vous invitent à une conférence de presse sur les dangers qui pèsent sur le processus de paix en cours sur l’Azawad à Alger initié par l’accord de Ouagadougou de juin 2013. Les derniers évènements sur le terrain entre les protagonistes, le gouvernement malien, la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) ainsi que l’implication des forces internationales, Mission intégrée des Nations Unies pour la Stabilité au Mali (MINUSMA) et l’armée française (BARKHANE) sans oublier les crimes quasi-quotidiennes des groupes terroristes tel qu’AQMI. Depuis l’accord de Ouagadougou et l’élection d’Ibrahim Boubacar Keïta à la présidence du Mali, rien n’a vraiment progressé dans le bon sens. En effet : les actes terroristes d’AQMI et d’autres groupes djihadistes se sont poursuivit sur le terrain,
l’armée malienne et ses milices mènent des exactions auprès des populations civiles,
Les casques bleus se sont illustrés en ce début d’année 2015 par deux évènements : le 20 janvier près de la localité de Tabankorte, un avion de combat a visé une unité du MNLA faisant Onze morts et une vingtaine de blessés et le 27 janvier une manifestation contre la MINUSMA à Gao a dégénéré et 3 civiles ont été tué et une quinzaine de personnes blessés.
Cette montée des tensions est très préoccupante nous interpelle tous et les parties en présence doivent trouver une solution politique mutuellement acceptable qui permettent aux populations de auto-gérer et d’être acteurs de leur sécurité et de leur développement.
Date et lieu de la conférence:
Mardi 3 Mars 2015, à 17h00
Bureau de l’ALE
Boomkwekerijstraat 1, 4
BE – 1000 Bruxelles