Autant AQMI au Sahel conteste cette légitimité dont se prévaut le chef de l’Etat Islamique, Abou Bakr al-Baghdadi autoproclamé «khalife des Musulmans», autant les Talibans d’Afghanistan et du Pakistan en Asie refusent de lui prêter serment au motif qu’il «n’est pas un khalife». Très farouchement opposées à l’hégémonie de l’Etat islamique, les deux tendances sont donc susceptibles de se rapprocher. Mais et le Mali dans tout cela ? Eh bien, les cellules dormantes de toutes les parties concernées sommeillent là, dans nos villes et campagnes. Ici, s’ouvrira un front anti-DAECH et…, la guerre !
L’Asie et le Sahel, deux contrées certes, très distantes l’une de l’autre, mais beaucoup plus proches qu’on l’imagine au regard de la présence de réfugiés Syriens au Mali. En clair, la distance n’est qu’apparente surtout quand on sait que Syriens, Afghans et Pakistanais, entre autres peuples d’Asie, commerçaient, de par le passé, avec ceux du Sahel. Un constat qui reste encore d’actualité. Le lien est donc vite établi. Mais c’est surtout à une guerre par procuration entre DAECH et AQMI au Sahel que nous risquons d’assister dans un avenir très proche, avec de fortes interférences extérieures. Mais comment risque-t-on d’en arriver là ?
«Al-Baghdadi n’est pas un khalife» selon les Talibans
C’est le journal Pakistanais «Dawn» qui l’annonce. Les talibans Pakistanais, à l’instar des talibans Afghans, révèle le quotidien «Dawn», ont refusé de prêter serment au groupe terroriste Etat islamique (EI, DAECH) et à son leader Abou Bakr al-Baghdadi. «Al-Baghdadi n’est pas un khalife car selon l’islam, cela signifie qu’il guide un certain peuple sur un certain territoire. Son choix ne correspond pas aux règles islamiques» indique le journal attribuant les propos aux talibans. Et à propos, les «Etudiants coraniques» (les Talibans) affrontent en ce moment les combattants de DAECH sur la bande frontialère afghano-pakistanaise. Les deux groupes bénéficient chacun de soutien extérieur selon les tendances. Et ironie du sort, les ennemis publics N°1 d’hier, à savoir ces Talibans aussi bien d’Afghanistan que du Pakistan sont censés, non intégrer officiellement la coalition internationale contre DAECH, mais participer aux opérations contre celui-ci, du moins, dans cette partie du continent asiatique. Pas seulement en Asie.
Les forces en présence au Mali
Si au début, des alliances contrenatures se sont scellées au Mali (coalition MUJAO – AQMI, par exemple), les différents camps ont aujourd’hui tendance à se donner une identité propre et fusionner selon les orientations et invitations.
A l’origine (au temps de l’occupation du Nord du pays), chacun des groupes en présence se contentait en effet d’occuper une partie du terroir, d’y installer son autorité et de signer un pacte surtout de non-agression avec l’autre, quand bien même, ils restaient différents, voire antagonistes (l’Etat du Mali restait la cible commune).
Tenez par exemple : le MUJAO (Mouvement pour l’Unité du Jihadiste en Afrique de l’Ouest) s’avérait une réponse à AQMI (Al Qaïda pour le Maghreb Islamique) exclusivement tourné vers le Maghreb, du moins, à l’origine. Aujourd’hui, le premier (MUJAO) a fait allégeance à l’Etat Islamique (DAECH) pendant qu’AQMI est farouchement opposé à celui-ci. Ils sont donc, dorénavant opposés.
Pour sa part, Ançar-dine d’Iyad Ag Ali, Almourabitoune (ou les Almoravides) d’El Moktar, le Front de Libération du Macina (FLM) d’Amadou Koufa, entre autres, ont fait allégeance à AQMI dirigé par Drukel pendant que ce groupe connaît des fissions au profit de DAECH comme l’atteste la naissance du groupe dénommé les «Soldats du Califat», courant semaine dernière.
Rappelons, à toute fin utile, qu’AQMI est la synthèse des groupes Salafistes algériens ayant fait allégeance à Ben Laden. Pour sa part, DAECH, une résultante de la guerre en Irak (lire encadré «DAECH, le fruit du mensonge»), a ambition de créer un Etat Islamique mondial, en absorbant tous les groupes jihadistes. Le refus d’allégeance à lui est donc assimilé à un crime passible de décapitation. C’est ce dont il menace les leaders d’AQMI, (Drukel, Belmocktar, etc.), et à l’origine du regroupement des appelés.
En tout état de cause, les interversions et autres bouleversement ne sont pas encore à leur fin. Et c’est la récente prise de positions des Talibans qui risque encore d’impacter sur la situation au Sahel.
La secte DAWA, des pro-Talibans
S’ils sont considérés comme modérés ou presque, il n’en demeure pas moins que les membres de la secte DAWA, très présents au Mali, étaient à l’origine des combattants Talibans. La secte DAWA est en effet d’origine pakistano-Afghane, très proche des Talibans de ces régions. Ils se disent les héritiers de Ben Laden. Et en conformité avec la déclaration de la «patrie mère», selon laquelle Al-Baghdadi n’est nullement le Khalife des Musulmans, ces «Dawaïstes» seront tentés de se rallier à AQMI lequel est également opposé à DAECH pour le même motif. En somme, AQMI, bien qu’ayant ambition de créer son propre Etat Islamique, risque bien de s’ériger en symbole de résistance contre DAECH au Sahel.
En tout état de cause, il faudra s’attendre au réveil de toutes ces cellules jihadistes dormantes, à l’image de la secte DAWA, dans cette partie du continent et plus particulièrement au Mali où la situation reste encore très confuse. A l’Etat de veiller !
B.S. Diarra
Encadré
DAECH : le fruit du mensonge de Tony Blair et de Sarkozy
C’est l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair (1997-2007) qui l’a annoncé au mois d’Octobre dernier : il présente ses excuses pour «les erreurs» de la guerre en Irak. Mais quelles excuses ? Pour avoir engagé le Royaume-Uni dans cette guerre sur du faux. Des mensonges qui seront à l’origine profonde de la naissance de l’Etat Islamique ou DAECH.
Les tabloïdes britanniques ont été nombreux à rapporter les déclarations de l’ancien Premier Ministre sur la Chaîne américaine CNN. Les voici : «pour les faux renseignements qui ont poussé les États-Unis et la Grande Bretagne à entrer en guerre…, je m’excuse aussi pour certaines erreurs de planification et, bien sûr, pour notre erreur d’appréciation de ce qu’il se passerait une fois que l’on aurait fait tomber le régime. Mais je trouve qu’il est difficile de s’excuser pour avoir renversé Saddam»…
Interrogé à propos de DAECH, il ajoute : «Bien entendu, on ne peut pas dire que ceux d’entre nous qui ont fait tomber Saddam en 2003 n’ont aucune responsabilité dans la situation de 2015… Il y a une part de vérité à dire que la guerre en Irak est une des causes principales de l’émergence de l’EI…».
Rappelons qu’au moment des faits, selon un rapport des services secrets britanniques à la suite des «révélations» de la CIA, l’Irak de Saddam Hussein avait détourné de l’uranium nigérian à des fins militaires : les fameuses «Armes de Destruction massive» – ADM)
L’aveu de Tony Blair est de taille : l’invasion de l’Irak en 2003 est, en partie responsable de la naissance de l’Etat Islamique. DAECH est donc un produit du mensonge.
Il s’avère que ses premiers combattants sont les anciens soldats de Saddam Hussein. Vu sous ce prisme, si Sarkozy aussi faisait autant que Tony Blair, l’on comprendra que la chute de Kadhafi n’est, non plus étrangère à la progression fulgurante de ce groupe.
Voilà ce à quoi nous mènent l’injustice et le mensonge.
B.S. Diarra