L’an 2023 qui se profile à l’horizon marquera également le huitième anniversaire de la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger. Le moins que l’on puisse dire c’est que sa mise en œuvre n’a jamais été aussi laborieuse à telle enseigne que certains n’hésitent pas à parler de sa caducité. Non seulement, la paix attendue n’a pas été acquise, pire, l’insécurité a atteint son paroxysme.
Nombreux sont ceux qui s’interrogent encore sur la nécessité de parler de la mise en œuvre de l’Accord tellement ses dispositions semblent dépassées. Le seul acquis que l’on pouvait mettre à l’actif de cet accord, c’est le fait d’avoir obtenu le cessez-le-feu entre les parties signataires. Toutefois, l’urgence est aujourd’hui ailleurs.
En effet, l’insécurité au Mali, marquée par une montée du terrorisme, a atteint un niveau jamais égalé. Actuellement, le nombre de morts parmi les civils et même les forces de défense et de sécurité est plus élevé qu’avant la signature de l’Accord.
Indéniablement, il est difficile de ne pas attribuer ce bilan macabre à l’Accord ou plutôt à sa non-application. De nos jours, personne ne connaît réellement le blocage dans la mise en œuvre de ce document. Déjà, cela faisait une année que les parties signataires ne s’adressaient plus la parole.
On se souvient qu’en octobre 2021, lors de la 45e session du Comité de suivi de l’Accord (CSA), organe censé donner des orientations sur la mise en œuvre des dispositions de ce document, les parties s’étaient querellées au sujet d’une nouvelle entité mise en place par les mouvements armés. Il s’agit du Cadre stratégique permanent (CSP) que le gouvernement à travers le ministre Ismaël Wagué voulait non seulement intégrer mais également en prendre la présidence.
Le dialogue de sourds
D’aucuns n’ont pas compris les raisons pour lesquelles le gouvernement tenait tant à cette structure mise en place par les mouvements armés pour unifier davantage leurs rangs aujourd’hui très dispersés. Pourtant, leur unité serait d’un avantage considérable pour l’Etat puisqu’au lieu de plusieurs interlocuteurs, comme en ce moment, on aurait alors qu’un seul interlocuteur.
Ce qui aurait permis d’aller vite dans la prise de certaines décisions. On aurait pensé que l’invitation faite par l’Algérie aux différentes parties signataires de l’Accord à Alger, avant la fin 2021, aurait pu permettre d’aplanir les divergences. Pourtant, ça n’a pas été le cas puisque le dialogue de sourds continue.
Il aura fallu attendre des mois pour voir les représentants des parties signataires s’adresser de nouveau la parole avec leur invitation par l’ONG italienne Ara Pacis à Rome, en février dernier. Là encore, l’entente n’était que de courte durée puisqu’après leur retour à Bamako et une rencontre à Gao, quelques mois plus tard, c’était le retour à la case-départ.
La réunion de niveau décisionnel organisée en août et la 6e session de haut niveau du Comité de suivi de l’accord (CSA), qui s’est tenue, le 02 septembre 2022 à Bamako, ont été une perte de temps plus qu’autre chose. En effet, les discussions n’ont tourné qu’autour de l’intégration de 26 000 ex-combattants dans les corps constitués de l’Etat. Un engagement que les autorités de la transition avaient pris depuis la 45e session du CSA mais qui n’a pas été appliqué à ce jour.
Même le quota de 3000 ex-combattants, dont l’intégration à de l’armée avait commencé depuis 2018, n’a pu être mené à son terme. Et que dire des autres engagements tels que la question des grades et de la chaîne de commandement au sein de l’armée qui n’est toujours pas tranchée ?
Un avenir pour le moment très incertain
La suite a bien fini par donner raison aux plus sceptiques puisque les 46e et 47e sessions du CSA tenues en octobre et novembre de cette année n’ont rien donné. Pire, les travaux ont été à chaque fois suspendus en raison des absences du ministre de la Réconciliation nationale et chargé de la mise en œuvre de l’Accord par le gouvernement, le colonel-major Ismaël Wagué. Lequel s’était fait par deux fois représenter par le secrétaire général de son département.
Une attitude considérée comme un désintérêt vis-à-vis de l’Accord manifesté par les autorités. Le plus étrange c’est que durant chacune de ces deux sessions, la Communauté internationale, garante de la mise en œuvre de l’Accord, et la Médiation internationale présidée par l’Algérie, étaient présentes au grand complet.
C’est à cause de cette situation que la CMA a demandé une réunion d’urgence sur un terrain neutre avec la Médiation internationale pour évoquer l’avenir de l’Accord. Un avenir pour le moment très incertain parce que les autorités n’ont toujours pas clarifié leurs réelles intentions.
L’on sait qu’une frange assez importante de l’opinion a toujours exprimé son hostilité quant à la mise en œuvre de cet Accord. C’est pour cela qu’on parle tantôt de sa révision, tantôt de sa relecture, sinon son abandon pure et simple. C’est donc au centre de tous ces tiraillements qu’on retrouve les autorités qui semblent privilégier la stratégie du clair-obscur. Pourtant, le temps presse et on ne peut continuer dans cette incertitude.
De fait, selon plusieurs observateurs, l’année 2022 a été la plus meurtrière pour les civils depuis le début de la crise il y a une décennie. Et si d’ici à 2023, un cap clair n’est pas donné quant au sort réservé à cet Accord, il faudra s’attendre à pire que ce que nous avons vécu au cours de cette année qui tire vers sa fin. Si l’Etat ne veut plus s’engager dans la mise en œuvre de cet Accord, il est temps de le dire clairement.
Sûrement que beaucoup de Maliens y compris les autres parties signataires comprendront cette démarche. À quoi bon alors s’accrocher à une chimère. Assurément, le temps de la clarification est arrivé et toute autre attitude serait périlleuse pour ce qui reste du Mali.
Cheick B. CISSE
Les rebelles s’inquiètent face aux nouveaux équipements de l’armée malienne. Pourquoi ne combattent-ils pas les terroristes plutôt que de s’accrocher à l’application d’un accord dont le Mali n’a pas, pour l’heure, ni les moyens financiers d’appliquer ?
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