Le projet d’accord de paix pour mettre fin à la crise militaire et politique dans le nord du Mali ne traite pas de manière adéquate de la nécessité de rendre la justice pour les crimes internationaux graves commis pendant le conflit, a estime Human Rights Watch dans un document intitulé : « Mali : la justice, un élément indispensable des pourparlers de paix ».
« Les pourparlers de paix du Mali doivent réussir là où les accords précédents ont échoué en traduisant en justice les responsables des atrocités », a souhaité Corinne Dufka, chercheuse senior sur l’Afrique de l’Ouest à Human Rights Watch, pour qui « l’accord final devrait inclure des dispositions pour soutenir les poursuites pour crimes de guerre, renforcer la commission de recherche de la vérité et garantir la vérification minutieuse des antécédents du personnel des forces de sécurité ».
Human Rights Watch et d’autres organisations ont documenté des centaines de crimes de guerre présumés et d’autres abus graves commis pendant le conflit armé de 2012-2013. Ceux-ci incluent l’exécution sommaire de 153 soldats maliens à Aguelhok par des groupes d’opposition armés, les cambriolages, les pillages et les violences sexuelles généralisés perpétrés par le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), ainsi que le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats, les amputations illégales et la destruction de sanctuaires par les groupes armés islamistes.
La libération conditionnelle de plusieurs dizaines d’hommes arrêtés dans le cadre du conflit, dont plusieurs commandants de groupes armés du Nord vraisemblablement impliqués dans des abus, a soulevé des inquiétudes quant à une amnistie de facto pour ces crimes. « Il est temps de mettre fin au cycle de plusieurs décennies de conflit, d’abus et d’impunité. Tout accord qui ferme les yeux sur la nécessité de justice non seulement ignorera les droits des victimes et de leurs familles, mais encouragera également les abus futurs et sabotera l’instauration d’une paix vraiment durable », souligne Corinne Dufka.
L’intégration dans les négociations de mesures pour lutter contre l’impunité de longue date est d’autant plus urgente que la situation sécuritaire se détériore et que les groupes armés dans le Nord intensifient les attaques, les actes criminels et les actes de banditisme, constate l’organisation internationale.
Le projet d’accord présenté aux parties à la fin du mois d’octobre 2014 et intitulé « Éléments pour un accord pour la paix et la réconciliation au Mali » soutient une « réforme profonde de la Justice » pour contribuer à mettre un terme à l’impunité, affirme le « caractère imprescriptible des crimes contre l’humanité » et appelle toutes les parties à coopérer avec une commission d’enquête internationale. Mais il ne fournit aucun détail sur le mandat de la commission ni de calendrier pour sa mise en place, et ne prévoit pas spécifiquement de rendre justice pour les crimes commis pendant le conflit, regrette Human Rights Watch.
L’organisation internationale souhaite que l’Accord mentionne, entre autres, qu’aucune immunité ne sera octroyée à tout individu qui a commis ou commandité des crimes de guerre et d’autres crimes graves en violation du droit international ou qui avait une responsabilité de commandement dans ce contexte et demande au gouvernement une enquête sur les violations présumées du droit humanitaire et des droits humains internationaux perpétrées par toutes les parties pendant et depuis le conflit armé de 2012-2013.
Human Rights Watch souhaite également que le gouvernement soutienne les cellules d’écoute mobile envisagées par le ministère de la Justice pour réunir des témoignages de victimes et de témoins du conflit de 2012-2013.
Rappelons que le gouvernement négocie actuellement avec plusieurs groupes armés : le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le Haut-Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), la Coordination des mouvements et forces patriotiques de résistance (CMF-PR 2) et la Coordination du peuple pour l’Azawad (CPA).
L’équipe de médiation internationale facilitant les pourparlers est dirigée par l’Algérie et inclut des membres de l’Union africaine, de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’Union européenne, des Nations Unies et de l’Organisation de la coopération islamique, ainsi que des membres des gouvernements du Burkina Faso, du Nigeria, du Tchad, du Niger et de la Mauritanie.
Be COULIBALY
Accueil Nord-Mali