Le ministre des Affaires étrangères, et de la coopération internationale a expliqué le contexte et la méthode des négociations en cours
En prélude au troisième round des pourparlers d’Alger qui doit s’ouvrir à la mi-octobre, le ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et de la Coopération internationale, Abdoulaye Diop a animé samedi une conférence de restitution des discussions en cours entre le gouvernement et les groupes armés du Nord.
En introduisant son exposé liminaire, le chef de la diplomatie malienne et négociateur en chef de la délégation gouvernementale est revenu sur le caractère préoccupant de la situation au nord de notre pays. Selon lui, les soubresauts qui secouent cette partie du pays sont bien différents des situations antérieures. La situation actuelle se distingue par sa complexité et la menace terroriste. Celle-ci est un élément nouveau dans la zone du Sahel.
Abdoulaye Diop a rappelé que le processus de négociation a été engagé à la mi-juillet. Cette première phase a abouti à la conclusion d’une feuille de route. La seconde phase a démarré le 1er septembre et s’est étendue jusqu’au 27 septembre. Le troisième round va démarrer bientôt.
Le ministre a tenu à rappeler les repères qu’il convient de tenir à vue. Le premier repère renvoie à la pertinence des discussions en cours. Selon lui, il y a lieu de comprendre que la méthode de négociations actuellement en cours tranche avec les précédentes discussions. Que ce soit avec l’accord de Tamanrasset, le Pacte national ou l’Accord d’Alger de 2002. Les précédents accords ont été conclus entre parties maliennes et l’Algérie. Cette fois-ci, les discussions sont plus complexes. Au-delà de l’Algérie, il y a un certain nombre d’organismes régionaux et internationaux et des pays voisins qui sont impliqués. En outre, les précédentes discussions n’incluaient que les deux protagonistes : le gouvernement d’un côté et les mouvements armés de l’autre. Cette fois, les mouvements sont assez hétéroclites. Il y a beaucoup de divergences entre eux et même à l’intérieur de certains groupes. Ce qui peut rendre le processus encore plus complexe. Sans compter la dimension internationale et régionale de la crise actuelle.
Un autre élément non négligeable, a noté Abdoulaye Diop, c’est le facteur temps et les opportunités à saisir dans les discussions. Il a invité les uns et les autres à la sincérité et à la patience. « Les négociations actuelles nécessitent de la sincérité, de l’engagement et de la compréhension mutuelle » a-t-il insisté, avant de rappeler que les négociations ayant abouti au Pacte national avaient duré 6 mois. « Au début des discussions actuelles, on s’était engagé à conclure un accord en 100 jours de discussions. C’est l’idéal, mais le processus actuel est différent, il est complexe avec l’élément nouveau qu’est le terrorisme », a ajouté Abdoulaye Diop.
« Nous souhaitons faire mieux que le Pacte national. Il mais il faut que les uns et les autres soient patients parce que certains s’attendaient qu’au retour d’Alger, on viendrait avec un accord dans la poche. Le plus important, c’est l’engagement des uns et des autres à aller vers la paix. Tous les mouvements étaient représentés par leurs principaux responsables et tous sont restés pendant près d’un mois. Personne n’a quitté la table des discussions, cela veut dire que le processus en soi s’est avéré crédible », estime le ministre des Affaires étrangères. Selon lui, la situation est intenable pour tous les acteurs car les populations en ont assez, elles sont fatiguées. « Nous devons tous être conscients de cette donne », a poursuivi Abdoulaye Diop.
Une autre spécificité à saluer pour les présents pourparlers, c’est l’audition de la société civile, notamment les représentants des communautés, qui dans la plupart des conflits n’ont pas voix au chapitre. Cette fois, les communautés ont été écoutées et ont eu l’occasion d’exprimer directement leurs ressentiments et leur désir de vivre ensemble en dépit des événements douloureux subits.
Les préoccupations soulevées par les communautés ont été bien notées par les négociateurs et par les représentants du gouvernement. Ces points feront l’objet de traitement particulier, a indiqué le négociateur en chef de la délégation gouvernementale.
Le ministre s’est par ailleurs réjoui des manifestations de soutien à l’unité et l’intégrité territoriale du Mali organisées dans plusieurs grandes villes du pays. Répondant à une question relative au fédéralisme proposé par des groupes armés, Abdoulaye Diop a tenu à minimiser sa portée, en estimant que c’est une simple proposition de départ. Le gouvernement a les siennes. « Le plus important est d’être à la table des négociations, a insisté le chef de la diplomatie. Il n’est pas dit que si la proposition de départ n’est pas acceptée on va quitter la table. Chacun garde sa place. Ce qui est sûr, c’est qu’il ne sera jamais question de désintégrer l’Etat pour créer des Etats fédéraux ».
Le ministre a admis que la notion de fédéralisme cristallise les passions. Mais une identité de vues s’est dégagée sur plusieurs autres questions. La proposition de fédération a d’ailleurs été récusée par la troïka des négociateurs qui a fait savoir qu’elle est contraire aux dispositions de l’Accord préliminaire de Ouagadougou.
A.O. DIALLO