Depuis la semaine dernière, les choses semblent réellement bouger à Bamako. En effet, d’un côté les experts de la CEDEAO, de l’Union africaine et de l’ONU sont à pied d’œuvre pour définir clairement les modalités d’une éventuelle intervention militaire dans le Nord-Mali, de l’autre côté, les rebelles s’activent pour une résolution pacifique de la crise. Toutes choses qui font naître de nouveaux espoirs et de nouvelles donnes.
L’intervention militaire au Nord semble imminente car les experts de la CEDEAO de l’Union africaine et de l’ONU ont en réunion pour « élaborer un plan dynamique, officiel et pratique» d’intervention militaire au Mali. Cependant, les mouvements de rebelles (Ançardine, MUJAO…) qui sèment la terreur dans le Nord du pays depuis près de huit mois saisissent l’opportunité du dialogue qui leur est offerte par la médiation burkinabè. En effet, depuis samedi dernier, pendant que les responsables de Ançardine effectuent une tournée de négociation en Algérie et au Burkina-Faso, leurs pairs du MUJAO ont libéré les 5 nigériens enlevés il y a quelques mois. Objectif principal de ces opérations de charme : obtenir de la CEDEAO une résolution de la crise sociopolitique malienne sans une confrontation militaire. Pour le moment, Ançardine semble avoir gagné son pari car à l’issue de leur concertation avec la médiation, les deux parties semblent satisfaites. Par ailleurs, Ançardine exige un cadre légal pouvant l’aider à participer pleinement à la résolution de la crise. Mais le consensus issu de cette rencontre ne met pas fin au projet d’intervention militaire. Seulement, de nouvelles donnes entrent en jeu. « Tout sauf une intervention de forces militaires étrangères dans le Nord du Mali ! » : c’était la position « non négociable » du Médiateur de la crise malienne, le Président Blaise Compaoré qui, il y a quelques semaines, le faisait savoir lors de son passage sur une chaîne de télévision. Déjà à mi-parcours de leur rencontre, les experts de la CEDEAO en réunion à Bamako constatent qu’à elles seules, les forces africaines de la Communauté ne peuvent pas faire le travail. Une présence de forces étrangères est donc nécessaire d’après desdits experts. Les heures à venir permettront d’avoir une idée plus claire de ce plan d’intervention militaire qui doit être validé par les Chefs d’Etat du continent.
Que fait-on donc ? On fait la guerre ou on négocie ?
Après de longs mois d’hésitations, de tergiversations et de polémiques plus ou moins stériles tant au niveau des acteurs sociopolitiques maliens qu’à celui de la communauté internationale, on pensait que l’heure était enfin à la mobilisation et aux grandes manœuvres en vue d’une intervention pour débarrasser le Nord-Mali du « cancer » islamiste qui le ronge depuis mars 2012. Mais alors qu’on s’attelle aux détails pour obtenir l’accord définitif du Conseil de sécurité des Nations Unies, voici que des délégations d’Ançardine (un des groupuscules salafistes qui sévissent dans le « no man’s land » sahélo-saharien) sont envoyées à Ouagadougou et à Alger pour…discuter. Mais discuter de quoi ?. Là est la question, comme disait l’autre. Les bruits de bottes se rapprochent donc du Nord, mais les partisans de la négociation ne désarment pas. Blaise Compaoré et Abdel Aziz Bouteflika redoutent peut-être que le remède soit pire que le mal. En fait, ils n’ont jamais fait preuve d’empressement particulier à monter au front, si ce n’est à reculons. Et s’ils ont semblé se ranger aux arguments et sollicitations, voire aux pressions amicales des interventionnistes, ils n’ont jamais vraiment été convaincus à 100% du caractère incontournable et surtout efficace d’une expédition qui sera tout sauf une virée touristique. Il est vrai que l’affaire n’est pas aussi simple, et ceux qui traînent des pieds ont peut-être de bonnes raisons de se hâter lentement. C’est l’évidence même : on ne pourra pas poster un Casque blanc derrière chaque dune de sable, et il faudra bien qu’à terme, les soldats maliens puissent remplacer les contingents étrangers une fois leur mission terminée. Et que dire du risque de déstabilisation des pays dits du champ et même du nôtre ca, chassés de «leurs» terres, la tendance naturelle des traqués sera de se replier dans les Etats voisins aux frontières poreuses, nonobstant les mesures de sécurité préventives qu’on aurait prises ici et là. Difficile équation aux multiples inconnus donc. Pour autant, on se demande bien ce qu’on va négocier avec des gens qui veulent instaurer la charia à coups de machette. C’est quand même trop facile de lapider jusqu’à ce que mort s’ensuive des couples adultères, d’amputer des voleurs et de détruire des monuments historiques souvent classés au patrimoine mondial de l’UNESCO pour vouloir maintenant s’asseoir autour de la table de négociation à Kosyam où on se demandera même si l’eau qui est servie est « halal » (propriété personnelle). Ceux qui, à la force du sabre, veulent imposer un islam moyenâgeux vont-ils d’abord renoncer à leur sombre dessein d’érection d’un Califat avant tout pourparler ? Même si, selon Clausewitz, la guerre n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens, l’idée de ceux qui s’accrochent désespérément à la négociation pour éviter d’en arriver aux armes serait de couper le cordon ombilical qui lie Iyad Ag Ghaly qui, lui, a le mérite d’être Malien, à l’Algérien Abdelmalek Droukdel, émir d’AQMI, pour mieux isoler et frapper la filiale de la multinationale du terrorisme.
Paul N’Guessan