Point Presse 14 Janvier -Questions-Réponses- Chef d’Etat Major MINUSMA Général Hervé Gomart

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Journaliste:  Je voudrais savoir ce qui est des sites de Likrakar… Selon les infos qu’on a du terrain c’est que la MINUSMA est venue, ils ont pris les mesures, ils ont vu les terrains, après ils se sont retirés du site. Alors, la question que je pose, c’est est-ce que

vous n’avez pas peur que les éléments d’AQMI viennent miner la zone, sachant qu’il n’y a personne sur le site pour le moment, contrairement à ce que vous venez de dire ?

 

Général Gomart  : Au départ la Force a été chargée de commencer les travaux avec UNOPS. Il y a eu des marquages au sol. Ils n’avaient pas tous les équipements, donc tout est reparti. Et là ils reviennent cette semaine. La Force restera en permanence jusqu’à ce que le début

des travaux soit fait et que la Plateforme puisse totalement sécuriser. C’était cette semaine. Je dirais même depuis hier que la Force est de façon permanente à Likrakar pour sécuriser.

 

Journaliste: Le Ministre des Affaires étrangères, le Chef d’Etat-major adjoint des armées malien disent chaque fois qu’il faut le mandat de l’ONU soit encore plus robuste. Est-ce que vous, en tant que militaire sur le terrain vous pensez que ce mandat est suffisant, ou est-ce qu’il faut le renforcer davantage ?

 

Général Gomart: D’un, c’est une question politique. Mais de deux je vais essayer de vous donner des éléments concrets. Aujourd’hui, la MINUSMA a un mandat qui lui permet de sécuriser les populations, de soutenir le processus de paix. Ce qu’aimerait une partie des Maliens,

c’est que le mandat de la MINUSMA lui permette de faire des opérations contre les terroristes. Ça c’est la communauté internationale, c’est le Conseil de sécurité des Nations unies qui n’a pas donné cette possibilité à la MINUSMA.

 

Journaliste: Pourquoi ?

Aujourd’hui, sur le Mali, il y a les Forces de défense et de sécurité maliennes, et il y a l’Opération

Barkhane pour faire ce genre d’opération. Donc aujourd’hui vous ne verrez pas de troupes de la MINUSMA faire des opérations de contre-terrorisme. Ce n’est pas du tout notre mandat. Mais comme nous sommes dans les zones que je vous ai montrées. Quand on contrôle  des zones, on sécurise la population. Est-ce que la sécurisation de la population ne participe pas un tant soit peu au contre-terrorisme. En fait on empêche les terroristes de venir. Si vous voulez, on n’est pas offensifs. Mais le fait d’être présents participe

quelque part à empêcher les terroristes d’étendre leur influence.

 

Journaliste: Vous avez dit que dans l’Accord de paix, il n’est pas prévu que la MINUSMA sécurise les sites de cantonnement, bien que vous y êtes actuellement. Vous l’avez dit également, après vous allez vous désengager. Que doit-on entendre par «désengager»?

 

Général Gomart:  Les Accords d’Alger disent bien que le DDR (Désarmement-Démobilisation-Réinsertion) est avant tout un processus qui appartient aux Maliens et qui est dans leurs mains. Donc à partir du moment où les groupes signataires sont d’accord pour mettre en œuvre le

processus de paix, quand on rentre dans le processus de cantonnement et DDR, ça veut dire que théoriquement ces zones-là sont sécurisées, et que la MINUSMA n’a pas besoin d’être présente. Pourquoi la MINUSMA a décidé d’être présente ? C’est parce que les groupes

nous disent que pour le moment ils ne peuvent pas y être. Nous à partir du moment où on déploie du personnel des Nations unies, on est obligé de le protéger.

 

Mais on a bon espoir sur les deux premiers sites qui commencent à être construits, donc Fafa et

Likrakar, qu’on laisse une section pour un mois. Au bout d’un mois, soit on considère que l’équipe des Nations unies sur place pourra se désengager, et il restera l’entreprise locale, sécurisée par soit la plateforme, soit par la CMA. Les personnels des Nations

unies chargés de la construction des sites iront de temps en temps voir l’avancée de travaux, et ils seront en ce moment-là, en permanence sécurisés par la Force MINUSMA.

Il y a 24 sites qui ont été demandés par la CMA et la Plateforme. S’il fallait que la Force soit en permanence présente sur chacun des sites, on ne pourrait plus faire d’escortes de convois, on serait obligé de se désengager de certains endroits où on est. Mathématiquement, on n’y arrivera pas. Je pense que c’est très bien que ce soit les Maliens qui  sécurisent eux-mêmes ces sites de cantonnement.

 

Journaliste:  Vous avez tout à l’heure donné l’effectif, à savoir 10 511. Je voudrais savoir quel est le plus grand pays contributeur en matière de troupes. On a parlé entre temps du Burkina qui aurait au moins deux bataillons. Pourriez-vous nous donner davantage de précisions?

Ensuite, moi je voudrais savoir, ça ressemble à quoi, un site de cantonnement? Parce qu’on en parle tellement. Est-ce une zone où on va rassembler les combattants, ou une cité où ils vont se reposer, après avoir combattu si longtemps?

 

Général Gomart: Pour répondre à la première question sur la nation ayant le plus grand effectif ici au Mali, je préciserais que c’est le Burkina

Faso. Je vais donner de chiffres arrondis, et c’est 1700 soldats. Ensuite viennent le Bangladesh avec 1500, et le Tchad avec 1100. Il y a donc trois nations qui contribuent à plus de 1000 soldats. Il y a 46 nations contributrices.

Pour certaines, c’est quelques-uns. Moi je suis Français, et on n’est que 29 à la MINUSMA. Mais il y a l’Opération Barkhane pour la France aussi.

 

Sur la deuxième question, un site de cantonnement, je pense qu’il faudra qu’on vous montre des  photos. Mais au départ, il n’y a rien. Il y a du sable. Il faut construire. Les sites de cantonnement ont bien été décidés par la CMA et la Plateforme. Ils ont fait l’objet d’une reconnaissance technique : il y en a déjà 17 qui sont reconnus, donc il y en

reste encore 7 à reconnaitre par des équipes techniques composés du personnel des Nations unies, des membres de la CMA et de la Plateforme, pour se mettre d’accord. Et le site de cantonnement, une fois qu’il est techniquement viable- ça c’est surtout en termes d’accès à l’eau- il est validé en Commission technique de suivi de l’Accord.

 

Après, qu’est-ce qu’il est prévu de construire sur ce site ? C’est à la fois une partie qui sera  sous tentes, une partie qui sera en dur : tout ce qui est latrines, etc. Après, ce qui est prévu dans le processus DDR, c’est que les combattants, une fois qu’ils sont admis sur ces sites de cantonnement, qu’ils n’y restent pas des années. Théoriquement le

temps que tout le processus DDR se fassent, ce qui devrait durer 2 ou trois mois. Mais ce qui est prévu, c’est qu’après le processus, ces constructions pourraient rester au bénéfice du Mali et des populations locales.

 Journaliste : Vous avez bien expliqué qu’à terme, il était prévu que ce soient les groupes armés eux-mêmes qui sécurisent les sites dans lesquels, ils sont eux-mêmes cantonnés et vous n’avez pas mentionné du tout le rôle de l’armée malienne, on comprend

qu’ils ne doivent pas être sur les mêmes sites de cantonnement, mais par contre est-ce qu’il y a un mode de conduite qui est prévu ? Est-ce que ça veut dire qu’ils sont persona non grata dans ces zones ?

 

Général Gomart  : Merci pour cette question. En fait, en parlant de la sécurisation des sites cantonnement, j’ai séparé les groupes, mais effectivement je n’ai pas été assez loin. La sécurisation de tout cela, elle doit être faite et réalisée par les patrouilles mixtes. Et

dans les patrouilles mixtes, on a bien la CMA, la Plateforme et l’armée malienne.

 

Au départ, quand je prends le cas de Likrakar, pour l’instant il n’y aura que la Plateforme, parce

que les premières patrouilles mixtes ne sont pas encore opérationnelles. C’est bien pour cela qu’il y a urgence de mettre en œuvre les patrouilles mixtes pour pouvoir rapidement rentrer dans le vif du sujet et sécuriser les sites de cantonnement.

 

Journaliste : Mon général, vous avez expliqué des choses très intéressantes par rapport à votre présence et votre

contact avec les populations, mais malgré tout mon Général, de temps à autre, vous avez également dit que le cessez-le-feu n’a jamais été violé ; d’accord c’est vrai, mais malgré tout, de temps à autre, il y a des enlèvements, il y a des attaques par-ci, par-là.

Qu’est-ce qui se passe concrètement ? Avec la communication, est-ce qu’il y a un boulon qui saute ou qui ne marche pas et qui fait que vous n’êtes pas avisés au temps opportun pour sécuriser et pour empêcher qu’il y ait des enlèvements ou qu’il y ait des attaques

et souvent, contre vos propres convois ?

Général Gomart  : Vous savez la sécurité elle existe au Mali mais elle existe un peu aussi dans les autres pays. A Paris aussi on n’est pas forcément sécurisé à 100%, où que ce soit en France on ne l’est pas. Des enlèvements, du grand banditisme il y en a partout. L’armée

malienne, les Forces de Défense et de Sécurité malienne, c’est à elles d’abord de sécuriser les zones dans lesquelles elles sont. Elles sont dans plus d’endroits, à l’exception du grand nord, elles sont dans plus d’endroits que la MINUSMA. Là où sont les Forces de Défense et de Sécurité malienne, elles doivent agir contre ce grand banditisme et elles le font.

On a beaucoup parlé de l’opération Seno à l’Est, entre Mopti et la frontière burkinabè. Depuis

cette opération Seno, je ne sais si vous l’avez remarqué, à priori, il y a moins d’actions de banditisme dans ces zones. Même si on était le double des forces de sécurité malienne, si on était le double du nombre de soldats de la MINUSMA, je pense qu’on aurait de toutes les manières des actes de grand banditisme. Après ma réponse peut ne pas être satisfaisante mais cela fait partie de la réalité.

 

Je pense qu’il y a des zones sur lesquelles on a empêché d’avoir des actes de vol et des morts,  etc. Je prends un exemple, on ne sait jamais de quoi demain sera fait. Le village d’Echelle, au sud de Goundam, c’est un village qui était attaqué en permanence il y a trois ou quatre mois. Il y avait des vols de bétails les jours de marché. Un jour, on a

eu un appel de la population, on a envoyé deux hélicoptères pour survoler pour démontrer un peu la force et pour dissuader. Ensuite on a envoyé une section du bataillon burkinabè sur place qui est restée trois ou quatre jours. Moi ensuite, j’ai pris contact  avec l’armée malienne, en disant : écoutez, nous on a pour l’instant une section et celle-là j’en ai besoin pour autre chose. Est-ce que vous ne pouvez pas maintenir une permanence ?

 

L’armée malienne est venue, ils ont laissé également une section qui a relevé  la nôtre. Ils sont restés quelques jours, après ils nous ont dit qu’ils ne pouvaient pas rester en permanence mais tous les jours de marché, on ira et on fera de la présence. C’est comme cela qu’on agit mais il faudrait qu’on puisse le faire partout et dans  toutes les zones mais il n’y a pas assez de monde. Ce n’est pas totalement satisfaisant, mais je pense qu’il y a quand même des endroits où on a pu sécuriser, on continue de le faire et continuera de le faire, les Forces de Défense et de Sécurité malienne et les Forces de la MINUSMA.

La Minusma

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