Jeudi dernier à Kidal, l’Amenokal des Ifoghas, Intallah Ag Attaher, est décédé. Pendant qu’à Kidal on se soucie de sa succession finalement revenue à Mohamed Ag Intallah, Bamako redoute les contrecoups de la mort du père de l’Azawad.
Celui qui fut le chef d’un micro Etat dans un Etat durant un demi-siècle fut aussi l’homme le plus influent de la minorité touarègue jusqu’à ses derniers jours. Malgré ses 87 ans, le père de l’Azawad s’en est allé au moment où l’on s’y attendait le moins, à l’heure où les négociations de paix entre Bamako et les groupes armés ont du plomb dans les ailes. Témoin de toutes les rébellions touarègues contre la République du Mali, Intallah Ag Attaher a, auparavant, joué le rôle de médiateur entre les rebelles et l’Etat malien. Son influence a beaucoup compté dans les rébellions touarègues de 1962-1964, de 1990-1995 et de 2007-2009, avant de s’afficher ouvertement dans la dernière grande rébellion pour l’indépendance de Kidal. En 2012, Intallah Ag Attaher cautionne l’ascension du Mnla ; Alghabass Ag Intallah devient le principal responsable diplomatique d’Ansar Dine ; un autre de ses fils, Mohamed Ag Intallah, fonde le Hcua en mai 2013. En juillet 2014, lorsque les pourparlers s’ouvrent à Alger entre les rebelles et les autorités de Bamako, le vieil Intallah Ag Attaher défend une union des différents groupes rebelles afin qu’ils présentent un front commun face à Bamako. Maintenant, après la mort du patriarche, les pseudo-séparatistes de Kidal sont comme des oisillons sans nid.
A Bamako, l’heure est aux plus grandes appréhensions. On en veut pour preuve, le communiqué du président de la République, IBK, selon lequel c’est un « très sage et très respecté patriarche qui nous quitte au milieu du gué». La première des conséquences de cette mort sera, sans aucun doute, l’émiettement, dans les jours à venir, des groupes armés. Une autre conséquence, et non la moindre, sera la démotivation des leaders du Mnla, du Hcua, du MAA et autres. Cela pourrait paraitre incroyable aux yeux de beaucoup mais c’est vrai : Le véritable dessein du patriarche Intallah était de séparer Kidal du Mali, mais le combat réel de ses fils et filleuls, qui dansent la farandole entre Ansar Dine, Mnla, MAA et Hcua, est tout autre chose. En plus, sans leur guide, nos rebelles ne seront plus d’humeur à leurs activités lucratives au profit de la paix et de la stabilité dans le nord du Mali.
Pour le vieux Intallah, il s’agit avant tout d’un indépendantisme intellectuel, culturel, social. Que le peuple de Kidal n’ait plus peur d’affirmer son identité, qu’il soit autoritaire sur sa terre, qu’il soit le seul à pouvoir y prendre des décisions. Retrouver la souveraineté perdue, en un mot. En tout cas, son combat pour l’autonomie de Kidal, il l’aura mené jusqu’à son dernier souffle.
Rokia DIABATE