Après la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali, nous avons donné la parole à certains de nos compatriotes. Ils se prononcent sur la signature par la CMA, le comité de suivi qui sera basé à Bamako avec des réunions mensuelles, et le rôle que doit jouer le peuple malien dans l’application de l’accord.
Balla Mariko, malien vivant à Bruxelles :
«Le peuple doit être vigilant»
Quelles sont vos impressions après la signature par la CMA?
J’ai toujours dit que la solution pour récupérer le nord est essentiellement militaire. Depuis 1992, nous signons des accords de paix sans cesse violés. La CMA est une espèce de coalition dans laquelle certains sont hostiles à la signature de cet accord. Sa viabilité me laisse sceptique.
Comment trouvez-vous l’application de l’accord avec le comité de suivi qui sera basé à Bamako ?
J’aurais aimé voir le comité de suivi basé à Gao ou Kidal, c’est-à-dire près de la zone de conflit.
Quel rôle doit jouer le peuple malien dans le cadre de l’application de cet accord ?
Dans un premier temps, le peuple doit être vigilant et exigeant quant à la formation et à l’équipement de notre armée. Dans un second temps, nous devons accueillir à bras ouverts ceux qui sont pour la paix et qui n’ont pas de sang malien sur leurs mains. Troisièmement, nous devons exiger la justice pour que nos militaires tombés ne le soient pas pour rien.
El Hadj Tandina président Mouvement Soni Ali Ber :
«Le chef de l’Etat doit rassembler tous les maliens»
Quelles sont vos impressions après la signature par la CMA ?
J’ai des impressions mitigées. L’application de cet accord sera très difficile. Je me demande pourquoi les 40% du budget pour le nord, cela va nous éloigner des autres régions du Mali. C’est une faveur qui n’amènera pas une bonne gestion au Mali. Ça ne peut pas aboutir à la stabilité, la cohésion et encore moins le vivre ensemble souhaité. Moi, je n’ai jamais accepté cet accord parce que son application causera plus de problème par rapport même à la nationalité malienne. Les quotas et les avantages pour les ressortissants du nord seront sources de division grave dans l’avenir.
Que pensez-vous de l’application de l’accord avec le comité de suivi qui sera basé à Bamako ?
J’ai combattu l’accord de façon idéologique et politique. Cet accord n’est pas un bon. Le président de la République devrait écouter l’ensemble des Maliens, de Kayes à Kidal. Cela n’a pas été fait. Tout le monde sait aussi que lors des rencontres à Alger, les protagonistes n’ont jamais fait un face- à -face sur l’avenir du Mali. Chacun a été écouté séparément. Ceux qui ont engagé l’Etat, doivent tout faire pour assurer la sécurité, donner la confiance à tout le Mali. Le comité de suivi seul ne peut pas faire revenir la confiance. Le président doit réunir les Maliens pour les écouter avant toute autre chose.
Quel rôle doit jouer le peuple malien dans le cadre de l’application de cet accord ?
Le Mali, c’est tout le monde, le chef de l’Etat doit rassembler tous les Maliens, car sa responsabilité politique est engagée dans cette affaire. S’il pense que la signature est une fin en soi, il n’a rien compris. Il doit même faire revenir ATT ; travailler avec Alpha Oumar Konaré, plus les autres présidents, pour la paix au Mali et dans l’intérêt du peuple malien. IBK a une lourde responsabilité dans cette histoire parce que les Maliens retiennent que c’est sous lui que cet accord a été signé et imposé aux Maliens.
Me Mamadou Ismaïla Konaté avocat :
«Restons vigilants et regardons l’avenir en face et en rose»
Quelles sont vos impressions après la signature par la CMA ?
Un sentiment de satisfaction et d’accalmie qui donne une lueur d’espoir à une nation et à un peuple qui veulent se normaliser et goûter ainsi au calme, à la sérénité et à la paix. Entendre des balles siffler, des bombes sautées et des grenades exploses ne sont pas choses aisées.
Comment voyez-vous l’application de l’accord avec le comité de suivi qui sera basé à Bamako?
L’Accord signé par le plus grand nombre ne laisse entrevoir que les perspectives de la paix et non la paix qui elle se bâtit. C’est le génie et le courage de nos hommes politiques qui sont interpellés. Ils devront entendre une fois pour toute que le sujet du nord de notre pays n’est et ne sera pas politique. Voici le prototype de domaine dans lequel les Maliens devraient tous être impliqués et participer à la construction de la paix. Aucune opposition quelle que soit son opiniâtreté face à un gouvernement, malgré l’étendue de sa légitimité ne saurait s’exclure sur l’évocation et le traitement de ce sujet. Au-delà, ce sont toutes les sociétés maliennes politiques, notables, cultuelles, professionnelles et au-delà qui devraient se sentir concernées et s’impliquées.
Quel rôle doit jouer le peuple malien dans le cadre de l’application de cet accord ?
Le peuple malien est le seul légitime et il est souverain. Aucune autre légitimité ne saurait prendre le pas sur lui et parler en son nom sans lui. Simplement, à l’heure des nouvelles technologies, chaque personne ou groupe de personnes derrière le clavier pourrait se prendre un tant soit peu pour le peuple et se laisser aller aux extrémités qui sont source d’arrogance et de manque de raison. Au plus haut de la crise, on a vu les réseaux sociaux Bamakois se prendre pour le peuple et pensant que la décision leur incombe. Malgré la qualité du raisonnement et la beauté des citations, aucun individu ne peut se substituer au peuple au souverain. Maintenant que l’on parle de paix, il faut que nos faits, nos gestes, nos actes y compris ceux manqués vis-à-vis de ces ignorants arrogants qui avancent cette idée saugrenue qu’au Mali cohabitent deux peuples : un au nord et un autre au sud, reflètent la paix et le pardon. Restons vigilants et regardons l’avenir en face et en rose.
Assétou Gologo, artiste :
«Le destin du Mali et des Maliens est désormais piloté par une sorte de comité…»
Quelles sont vos impressions après la signature par la CMA ?
Vous savez, je n’ai jamais été pour cet accord et je fais partie de ceux qui faisaient des sit-in tous les vendredis contre sa signature justement. Donc, vous imaginez bien que je n’approuve pas sa signature. Mais notre démocratie n’entend pas tous ses enfants, car on n’a pas pris le temps de bien nous expliquer le bien-fondé et de répondre aux inquiétudes que «Mali té tila» entre autres ont soulevées.
Comment voyez-vous l’application de l’accord avec le comité de suivi qui sera basé à Bamako?
Ils ont dit qu’ils peuvent non ? L’accord, disons sa mise en œuvre est immédiate non ? Et bien observons-les, ceux qui ont signé et qui disent que la paix va revenir grâce à cette signature. Je ne souhaite que la paix au Mali, et vous savez, la question que je me pose moi : quel sera le rôle de nos autorités ? Car le destin du Mali et des Maliens est désormais piloté par une sorte de comité qui est muni d’une sorte de feuille de route (les fameux accords).
Quel rôle doit jouer le peuple malien dans le cadre de l’application de cet accord ?
Le peuple malien, euh bien, il subira comme d’habitude. Il ne faut pas lui demander de jouer un rôle actif dans la mise en œuvre de quelque chose qu’il ne comprend pas. Je pense que comme d’habitude, des choses seront signées ; formellement tout sera “OK”. Le peuple en ce moment est préoccupé par la crise, les denrées sont chères, le ramadan a commencé, la saison des pluies peine à commencer, les caniveaux sont pleins de déchets, certains craignent les inondations…Je veux dire par là, que je me demande si le peuple malien est vraiment préoccupé par la mise en œuvre de l’accord…sa survie est plus urgente. Mais bien sûr, il acceptera et subira encore et encore…mais pour combien de temps ?
Rassemblés par Kassim TRAORE