Paix et réconciliation : Privilégier la communauté de destins dans une République

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Janvier 2012-janvier 2017 ! Bientôt quatre ans que le Mali est embourbé dans une crise institutionnelle et sécuritaire. Le facteur déstabilisateur, l’insécurité, est plus que jamais une menace comme l’épée de Damoclès. Tout comme la pression que la France ne cesse de faire peser sur le gouvernement tout en fermant les yeux sur le double jeu de ses protégés. Signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, ceux-ci sont aussi complices des réseaux terroristes dans leur opération de sabotage de la mise en œuvre de cet engagement. Les institutions de la République ont retrouvé une relative stabilité. Mais l’intégrité territoriale est loin d’être acquise.

En plus des régions septentrionales, une grande partie du centre du pays échappe au contrôle de l’exécutif. Certains cadres véreux du pays ayant fait de la création des milices une affaire économiquement et politiquement juteuse. Toujours est-il que la paix est toujours un mirage. Et il en sera ainsi tant que le gouvernement va continuer à se plier aux injonctions de la France qui adoube la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) tout en sachant que ses leaders pactisent aussi avec les réseaux terroristes opposés au processus d’Alger qui a abouti à l’Accord de Bamako en mai et juin 2015. C’est le cas du HCUA avec Ançar Dine d’Iyad Ag Ghali.

Kidal ne s’ouvre au Mali que lorsque les dirigeants de la CMA sont sûrs de pouvoir y tirer le maximum de profits politiques et militaires. Ainsi, le ministre Malick Alhousseyni a beau vouloir maquiller la réalité, mais nous savons tous qu’il a été accepté à Kidal parce qu’il est un pion. Il a été accueilli par la CMA car elle a besoin d’eau et d’électricité pour éviter une révolte qui couve au sein de la population. Aujourd’hui, les habitants de Kidal (ville et région) sont en effet dans un besoin urgent des services sociaux de base. Une population majoritairement (90%) acquise à la République du Mali. Malheureusement, elle est l’otage d’une minorité (8%) qui a pris les armes pour défendre ses propres intérêts politiques et sauvegarder leurs business (trafics de drogues et d’armes). Une minorité qui impose sa volonté à toute la République parce qu’elle est adossée à des lobbies puissants et soutenue par nos «amis» comme la France, l’Algérie et la Mauritanie. Par hypocrisie diplomatique, on parle de la communauté internationale. Mais, c’est la mainmise de la France qui fait que cette crise perdure. Elle a signé un pacte avec des mercenaires pour déstabiliser le Mali à son profit. En récompense, elle utilise tous les moyens de chantage sur le pouvoir malien pour que ses pions ne sortent pas les «bras vides».

Un inacceptable manque de respect de Jean-Yves Le Drian à l’égard de nos autorités

Sûr de ses moyens de pression, le ministre français de la Défense continue à traiter les plus hautes autorités de notre pays comme s’ils étaient ses valets. «Comme s’il ne comprend pas que le Mali s’échine à ramener tous ses enfants dans l’enclos commun, il continue de semer la discorde en pointant d’un doigt accusateur nos autorités», déplorait récemment un doyen sur les réseaux sociaux. «Le Mali ne refuse pas d’aller à la paix. Ceux qui refusent d’y aller c’est vous qui les entretenez et les couvez sous vos ailes. Ceux qui refusent d’aller à la paix ce sont ceux-là à qui vous voulez soumettre leurs frères les Imghads», avait-il poursuivi.

Il est donc clair pour tous les observateurs sincères de la crise malienne que, «le Mali ne refuse pas la paix». Mais plutôt la France qui lui «lance des peaux de banane sur le chemin de la paix». Malheureusement, nos dirigeants prêtent le flanc à ce jeu malhonnête de la France sur notre territoire. Comment un régime responsable peut-il rester insensible à de telles accusations hypocrites d’un ministre d’un pays, puissant fut-il ? Quelle est sa notion de la souveraineté alors ? Comment notre gouvernement peut-il courber l’échine jusqu’à laisser un ministre s’attaquer au président de la République chaque fois qu’il en a l’opportunité ? Le plus important aujourd’hui, c’est que les Maliens comprennent, du nord au sud et d’Est en ouest, qu’ils sont les premiers acteurs de la paix. C’est leur volonté de s’unir et de se donner la main qui va éteindre le feu et nous permettre de tourner la page. C’est notre unité qui permettra de cerner et d’isoler les ennemis de la paix obligeant ainsi leurs parrains à agir le visage découvert.

Restons Maliens et fiers de l’être

À ce sujet, nous avons beaucoup apprécié la réaction de l’un des dix-sept cardinaux intronisés le 19 novembre par le Pape François. Il s’agit principalement de l’archevêque de Bangui, Mgr Dieudonné Nzapalainga, qui est ainsi devenu le premier cardinal de l’histoire de la Centrafrique et le plus jeune (49 ans) des cardinaux. «Musulmans, chrétiens, nous avons un seul destin. Avant d’être musulmans ou d’être chrétiens, nous sommes d’abord Centrafricains», avait-il répondu comme invité du journal de 5h30 (TU) de RFI le 26 novembre 2016. De la même manière, nous sommes convaincus que «sudistes» ou «nordistes», «blancs», «rouges», «bleus» ou «noirs», nous sommes avant tout des Maliens. «Le gouvernement français est souverain. Si les Centrafricains continuent à attendre toujours de l’extérieur, notre guerre sera pour 100 ans», avait rappelé l’homme d’église au journaliste qui voulait sans doute lui faire reconnaître que l’opération française Sangaris (retirée du pays quelques semaines plus tôt) était indispensable à la paix en Centrafrique. Tout comme la France et ses médias néocoloniaux font croire au monde que la Minusma et Barkhane sont indispensables pour éviter aux Maliens de s’entre dévorer.

«Si nous avons nos intérêts particuliers, intérêts partisans, et que nous voulons prêcher pour notre région, pour notre ethnie, pour notre tribu, notre problème demeurera entier. Il est temps de voir plus grand, plus large, plus national, pour ne pas dire être un patriote», avait poursuivi Mgr Nzapalainga. Et pour clouer le bec aux oiseaux de mauvais augure, l’archevêque de Bangui avait insisté sur le fait que «la Centrafrique est en voie de sortir de cette crise… La Centrafrique a un avenir et cet avenir commence d’abord dans la tête, dans le cœur des Centrafricains avant que la communauté internationale intervienne… La Centrafrique aux Centrafricains et maintenant, les autres peuvent aussi venir aider». C’est dommage que nos autorités concèdent tout aux supposés partenaires techniques et financiers (PTF) qui nous imposent des programmes pour mieux nous assujettir, pour mieux mettre le pays sous leur joug.

Forger la paix dans les cœurs

À l’image du processus de DDR (Désarmement, Démobilisation et Réinsertion) qui a fait l’objet d’une table-ronde le jeudi 8 décembre dernier pour mobiliser 30 milliards de francs CFA. Un processus discriminatoire (exclusion des vrais méritants comme les jeunes patriotes de Gao, entre autres) qui touche 10.000 ex-combattants des mouvements signataires. Du Pacte national (Document conclu le 11 avril 1992 entre le gouvernement de la République du Mali et les mouvements et Fronts Unifiés de l’Azawad consacrant le statut particulier du nord au Mali) à nos jours, combien de «rebelles» (des mercenaires en réalité) ont été intégrés  dans les forces armées et de sécurité du Mali ? Combien d’entre eux et combien de temps sont-ils restés dans les rangs ? Cela a-t-il empêché les instigateurs de ces rebellions de reprendre les armes chaque fois qu’ils avaient besoin d’argent où qu’ils étaient manipulés par une puissance étrangère ?

Pis, ces «intégrés» sont dans leur majorité des vraies chevaux de Troie qui ont contribué et accentué la défaite de nos forces armées dans le nord entre janvier et avril 2012. Et on continue de croire naïvement que c’est un programme financé à coup de milliards de francs CFA qui va ramener des terroristes et des trafiquants dans les rangs ! Les partenaires du Mali savent que c’est de l’utopie. Mais leur ambition est d’accroître la vulnérabilité de notre pays afin de continuer à nous maintenir dans leur domination, d’exploiter nos richesses pour entretenir leur économie. Comme le fait si pertinemment l’archevêque de Bangui, Mgr Dieudonné Nzapalainga, les autorités maliennes doivent changer de stratégie et travailler à provoquer un sursaut dans le cœur des Maliens afin qu’ils se disent, «il est temps de bâtir ce pays, il est temps, il est temps… il est temps de voir ce pays et de travailler pour l’intérêt de ce pays» ! Les conflits et les crises naissent dans la tête des hommes. Mais, c’est dans le cœur des citoyens qu’on forge la paix. Et, à notre humble avis, une chose est évidente, «personne ne peut changer le destin du Mali» à la place des Maliens !

Moussa BOLLY

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