Paix et réconciliation nationale : Redonner aux recommandations de la CEN leur légitimité

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Conférence d'entente nationale au Mali: salle comble à la cérémonie de clôture
Conférence d'entente nationale au Mali (photo archives à titre illustratif

15 mai 2015-15 mai 2017 : Voilà deux ans qu’un accord pour la paix et la réconciliation nationale, issus du Processus d’Alger (les négociations ont eu lieu à Alger, en Algérie) a été signé entre le gouvernement et les mouvements armés du Nord du Mali. Une signature qui a suscité l’enthousiasme de la communauté internationale qui était ainsi parvenue à mettre le Mali sous son joug impérialiste et néocolonialiste. Mais, les Maliens étaient restés majoritairement sceptiques, voire stoïques parce que convaincus que cet accord arrangeait plus ceux qui veulent prolonger le pays dans ce chaos pour en récolter les dividendes. Et la suite des événements leur donne raison.

Qu’est-ce qu’un bon accord ? Logiquement, c’est celui qui est applicable pour mettre fin à une situation donnée. A notre humble avis, ce n’est pas celui qui contient toutes les meilleures dispositions du monde, mais dont la mise en œuvre crée plus de problèmes que ceux qui ont engendré la crise.

C’est malheureusement l’image que nous avons de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale, issu du Processus d’Alger, signé le 15 mai et parachevé le 20 juin 2017. Loin de conduire le pays vers la paix et la stabilité souhaitées, cet engagement nous fait perdre un temps énorme qui profite à ceux qui tirent les ficelles dans l’ombre et qui ont tout intérêt à une présence prolongée des forces françaises Barkhane et de la Minusma.

Que font d’anciens soldats français à Nampala qui regorgerait des gisements insoupçonnés d’or ? Pourquoi Tessalit est devenue la base arienne la plus importante du Mali où des avions atterrissent à longueur de journée ? Ils arrivent chargés et décollent pleins. De quoi ? Interrogez IBK et son gouvernement !

Aujourd’hui, tout démontre que cet accord ne lie que le gouvernement malien qui doit consentir tous les efforts et faire toutes les concessions pour ne pas fâcher la CMA, le chouchou de la France. Nous devons nous accommoder de leur double visage (rebelles trafiquants et terroristes) de leur manque de sincérité dans un processus qu’il intègre ou dénonce en fonction des avantages financiers du moment.

L’attentat du 18 janvier 2017 contre le Mécanisme opérationnel de coordination (Moc), avec près de 80 morts, est venu rappeler aux plus optimistes cette réalité : la paix et la réconciliation nationale ne sont pas le vœu de tous les signataires de l’accord d’autant que cet acte criminel a été commis avec un véhicule volé au Moc par un élément de la CMA. D’ailleurs, les vols se poursuivent. Le Moc est pourtant supposé être une pièce centrale de la mise en œuvre des accords de paix entre les différentes parties.

Aujourd’hui, les autorités intérimaires ont été mises en place dans les régions du Nord (Kidal, Gao, Ménaka, Tombouctou et Taoudéni). Après Gao, le Moc est presqu’opérationnel à Tombouctou. Le processus du DDR est en mode accélérée. La Conférence d’entente nationale a eu lieu du 27 mars au 2 avril 2017 sans aboutir à la Charte pour la paix, l’unité et la réconciliation dont ne voulait pas la CMA, assurée qu’elle ne sera pas en sa faveur.

Mais, en réalité rien ne bouge d’autant plus que la CMA ne fait aucune concession. Ainsi Kidal, confiée au sanguinaire Hassan Ag Fagaga, demeure une citadelle interdite à toute représentation de l’Etat malien.

Pis, les Maliens assistent impuissants à la recrudescence des attaques terroristes dans le Nord et le Centre du pays malgré les opérations anti-terroristes menées dans le pays. Les Français dépensent plus dans la communication faisant de l’opération la plus insignifiante un fait de guerre héroïque.

Tout comme la Minusma qui met en avant ses stratégiques réalisations sociopolitiques pour saupoudrer ses carences militaires. Au même moment, l’armée continue à compter et enterrer ses morts (Gourma Rharous, Nampala, Almoustarat…) Dans l’indifférence du régime parce que même le président IBK ne semble plus s’émouvoir des victimes maliennes de cette guerre asymétrique que les groupes terroristes livrent à nos forces armées et de sécurité.

Comment sortir de l’impasse ? Il faut avoir la lucidité et le courage de s’affranchir de cet accord qui nous met sous tutelle de la France et de la communauté internationale dont elle est officiellement le chef de file au Mali.

Bouée de sauvetage : les conclusions de la CEN

A notre avis, ce sont les conclusions de la Conférence d’entente nationale qui nous offre réellement des remèdes aux maux qui ont poussé notre pays au bord du chaos politique et sécuritaire. Elles  ont plus de légitimité que l’accord issu du Processus d’Alger parce qu’elles sont le fruit d’un dialogue national inclusif. Même si l’opposition a boycotté les travaux, elle a néanmoins pu partager ses griefs avec les participants.

Ces recommandations reflètent les préoccupations, les déceptions et les désillusions, mais aussi leurs attentes et leur espoir dans le vivre ensemble. N’en déplaisent à ceux qui ont fait de l’autonomie, voire de l’indépendance leur gagne-pain ou un instrument de chantage sur le pouvoir de Bamako.

Les débats ont été souvent houleux, notamment sur la question de l’Azawad, mais ils sont restés courtois dans le strict respect les uns des autres. Les Maliens se sont retrouvés pour prouver aux faux observateurs (en réalité les vrais acteurs de la crise) qu’ils pouvaient se parler sans se dévorer comme des loups affamés de vengeance ou de revanche.

Les résolutions de la CEN pouvaient donc mettre le pays résolument sur la voie de la paix et de la réconciliation nationale si IBK avait le courage de les appliquer, pas à lettre, mais en étant le plus fidèle possible à leur esprit. Ce qui n’est pas sûr puisque le chef de l’Etat avait déjà céder à la CMA sur une exigence qui change fondamentalement les enjeux de la CEN : l’élaboration de la Charte pour la paix, l’unité et la réconciliation ! Une prérogative dont les participants ont été privés à la demande de la CMA qui en faisait une condition sine qua pour monter dans le train de l’attente nationale.

Nous ne disons pas que l’accord signé le 15 mai et le 20 juin 2015 à Bamako ne va pas nous conduire à la paix et à la réconciliation nationale, mais le chemin risque d’être trop long avec, malheureusement, trop de vies sacrifiées.

Il est vrai que la paix à un prix et nécessite des sacrifices. Mais, ce n’est pas une raison de prendre volontairement le chemin qui conduit toujours à la même impasse, donc condamnant a toujours revenir à la case départ.

Moussa Bolly

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