Ouverture officielle des pourparlers de paix inter maliens à Alger : La solution peut –elle venir du fédéralisme ?

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Une vue de l'ouverture de la rencontre d'Alger
Une vue de l’ouverture de la première rencontre d’Alger

Tant bien que mal, des contacts ont été noués entre les autorités maliennes et les groupes rebelles. Sous l’égide de l’Algérie et grâce à l’appui de la Communauté internationale, « la feuille de route des négociations dans le cadre du Processus d’Alger » a été adoptée et signée par les différentes parties, le 24 juillet dernier.

 

Aujourd’hui, 1er septembre 2014, débuteront les pourparlers de paix inter maliens censés trouver une solution durable à la crise du septentrion. Vue la complexité de la tâche, difficile d’imaginer une solution qui pourrait satisfaire tout le monde tant les revendications des uns et des autres, divergent.

 

 

Le principe d’une négociation c’est que chaque partie cède une partie de ses revendications pour arriver à un produit final qui ferait leur bonheur commun. Or, dans le cas d’espèce, bien malin qui peut imaginer, en l’état actuel des choses, une issue heureuse à la crise du septentrion malien, tant les parties en présence, malgréleurs différentes déclarations de bonne intention, restent camper sur leurs positions. En effet, les nouvelles autorités maliennes, ne veulent entendre parler ni d’indépendance, ni d’autonomie, ni même de fédéralisme. Les groupes rebelles de leurs côtés, semblent bien avoir mis la croix sur l’indépendance de la région du Mali qu’ils nomment Azawad, mais espèrent bien décrocher une sorte de statut d’autonomie de ladite région.

 

 

L’Eta fédéral et ses principes de base

Quant au fédéralisme, si l’on s’en tient strictement à sa définition, elle peut être l’unique option qui pourrait arranger le Mali. Selon une définition largement répandue, un État fédéral est un Étatsouverain, composé de plusieurs entités autonomes dotées de leur propre gouvernement, nommées entités fédérées. Le statut de ces entités est généralement garanti par la Constitution, et ne peut être remis en cause par une décision unilatérale du gouvernement central fédéral. C’est un ensemble d’États qui se sont unis et qui ont une certaine autonomie tout en reconnaissant une autorité supérieure commune. Si notre pays acceptait de faire ce choix, l’on s’acheminera tout droit vers une 4èmeRépublique et un changement profond de l’appareil étatique.

 

Un détail de taille devra être retenu : cette relative liberté accordée aux différentes entités fédérées ne signifie aucunement qu’elles sauraient se retrouver une autre identité nationale quelconque. Les États composants une fédération ne possèdent généralement aucun pouvoir concernant la politique étrangère, et n’ont pas le statut d’États indépendants au sens du droit international.

 

 

Dans le cas d’un hypothétique Etat fédéral malien, les ressortissants du nord comme ceux du sud resteront bel et bien maliens. Néanmoins, la réticence de nos autorités par rapport à cette éventualité est largement fondée. Les rebelles touaregs et arabes nous ont, de tout temps, montré leur grande capacité à afficher plusieurs visages en même temps en témoigne les différents accords signés en vue de pacifier le septentrion malien mais qui, en fait, n’ont servi à rien. Difficile donc de leur faire confiance. Ils pourraient bien profiter de cette relative liberté pour concrétiser leur revendication indépendantiste. Et dans ce cas, nos autorités se retrouveraient prises dans un piège dont elles ne pourront en sortir. De plus, à l’heure actuelle, l’opinion publique malienne voit d’un mauvais œil le fédéralisme, soit par méfiance ou soit par ignorance de ce qu’il est réellement.

 

 

La seule éventualité qui pourrait aboutir à la bonne application du fédéralisme dans notre pays, c’est que tout d’abord, l’administration IBK accepte d’y aller et qu’un accord soit signé par les différents groupes armés devant l’ensemble de la communauté internationale au cours d’une conference nationale bis où ils accepteront le caractère malien du Nord et s’engageront à ne jamais reprendre les armes contre l’Etat. Evidemment, plus tard, toute une panoplie juridico politique devra être mise en place pour assurer la bonne application du fédéralisme.

 

 

Mais, pour que notre payspuisse entièrement mériter l’étiquette d’Etat fédéral, il faudra que sa nouvelle Constitution contienne les quatre principes sacro-saints  du fédéralisme. Le principe de séparation dont l’application répartit les compétences législatives entre le gouvernement fédéral et les gouvernements fédérés en distinguant les matières de législation qui ont une importance nationale de celles qui ont une dimension régionale et locale.Le principe d’autonomie politique qui permet à chaque ordre de gouvernement d’être seul responsable de son domaine de compétence. Il en découle qu’aucun contrôle hiérarchique, aucun droit de tutelle ne peut être exercé par le gouvernement fédéral. Sur ces matières. Certains l’appelleront le principe de subsidiarité. Le principe de participation en vertu duquel les sociétés fédérées sont représentées dans les institutions fédérales, le plus souvent sous la forme d’une deuxième assemblée législative comme le Sénat aux Etats-Unis ou le Bundesrat en Allemagne, et participent ainsi à l’adoption des lois fédérales qui engagent l’ensemble de la société.Enfin l’existence d’un tribunal fédéral indépendant, gardien de la Constitution. C’est un moyen juridique pour faire respecter par les autorités politiques les principes précédents et en particulier d’annuler les décisions contraires à la séparation et à l’autonomie.

 

 

Un État qui respecte ces principes constitutionnels peut être qualifié d’état fédéral. Les Etats-Unis d’Amérique furent la première fédération et ce modèle servit de référence en l’adoptant, le modifiant, ou le transformant à d’autres fédérations à travers le monde.

 

Le fédéralisme, une notion ancrée dans l’histoiredu Mali

Le Mali, berceau de plusieurs empires qui ont rayonné de tout leur éclat à travers l’Afrique et même au delà, si il optait pour le fédéralisme pour une sortie de crise durable, n’en sera pas à sa première expérience. En effet, ces empires couvrant de larges territoires étaient toutes regroupés sous une seule et même bannière, mais l’empereur qui possédait l’essentiel du pouvoir, en déléguait une bonne partie à des gouvernants locaux. Que ce soit l’empire du Mali, du Ghana, l’empire Songhaï ou encore toucouleur, toutes ont adopté un modèle de gouvernance assimilable à plusieurs points au fédéralisme.

 

L’Empire du Mali, par exemple, était une fédération constituée

des états tributaires et des provinces. Les provinces étaient dirigées par des gouverneurs appelés Farins ou Farba, et il y avait un Vizir, qui assumait les fonctions de premier ministre. L’empereur était secondé par un conseil des anciens (chefs militaires, civils et marabouts). Toutes les décisions politiques et administratives étaient prises en conseil.Ce n’est donc pas une notion étrangère à notre pays. Il faut aussi rappeler la fédération du Mali qui a existé entre 1959 et 1960. Même si elle n’a pas été un succès, elle peut servir comme point d’appui pour les différentes parties en présence.

 

Qu’en est –il de la confédération ?

Par essence, la Confédération, telle qu’elle est définie par les spécialistes en gouvernance et en droit public international est une négation du fédéralisme. Elle n’est pas constituée par un processus fédératif entre les différentes entités et, de ce fait, ne crée pas un lien indissoluble entre les différents peuples qui la composent. De même, la Confédération ignore la nationalité commune et ne possède pas de territoire propre ; elle comporte autant de nations et de territoires qu’il y a d’Etats. Ce qui balaye d’un revers de la main tout éventuel projet des groupes rebelles de proposer le confédéralisme comme solution à la crise du septentrion malien.

 

 

En l’état, le Mali ne peut opter pour le confédéralisme d’autant plus que l’acception moderne d’un Etat, sous toutes ses formes, se base sur une nationalité commune dont jouit toute la population. La confédération d’Etats repose sur un traité, donc relève du droit international public. Comme tout traité, le pacte confédéral est assorti de la fameuse clause « Rebus Sic Stantibus » : l’engagement ne saurait survivre à la situation qui l’a engendré. Les conflits dans la Confédération se règlent par voie diplomatique, avec des négociations sans fin, où la politique domine le droit. Elle connaît donc la multiplicité des politiques étrangères particulières, source de frictions et cause de faiblesse.

 

 

En effet, dans la mesure où la Confédération maintient la compétence internationale des Etats confédérés, elle sauvegarde le principe de la souveraineté nationale auquel, justement, le fédéralisme porte forcement atteinte en prônant un abandon de cette souveraineté de la part des Etats fédérés. Une option bien évidemment hors de question pour le Mali. D’ailleurs, la Suisse, bien que souvent appelé « confédération helvétique » n’en est pas une. Elle est une fédération depuis l’année 1848. Les différentes populations sont reparties en « canton » et ont toutes la nationalité suisse.

 

 

Tout près de nous, la confédération de Sénégambie n’a pas fait long feu. C’était l’union qui associa entre 1982 et 1989 le Sénégal et la Gambie, afin de promouvoir la coopération entre les deux nations, surtout dans le domaine des affaires étrangères et des communications internes. Malgré les bonnes intentions de la part des sénégalais et des gambiens de voir la confédération servir de base à la construction d’un État sénégambien, la confédération de Sénégambie est d’abord gelée en août 1989 à la demande du président Abdou Diouf, puis dissoute le 30septembre1989 à la demande du Sénégal, car des intérêts trop divergents séparent les deux pays. Ce cas, si proche de notre pays, nos autorités devront s’en servir, si besoin le sera, de contre exemple à l’option du confédéralisme lors des négociations qui débuteront le 1er septembre.

 

 

Quid de l’option confédérale souhaitée par les groupes rebelles ?

 Vraisemblablement, les groupes rebelles, le MNLA à leur tête,envisage un autre cas de figure. La solution idéale à leurs yeux pourrait bien êtreune confédération : un scénario à la soudanaise où deux entités distinctes, le Soudan et le Soudan du sud, ont cohabité pendant quelques années dans un contexte de tensions permanentes. Et finalement, une entité s’est détachée de l’autre.

On aurait le Mali du nord ou Azawad bis et le Mali du sud. Imaginer un tel scénario fait froid dans le dos. Et comme ce genre de cas de figure n’a pas longue vie, il n’est autre qu’un plan machiavélique dont le dessein secret et final est d’obtenir purement et simplement la partition de notre pays.

Que peut être donc la solution idéale ? Fédéralisme, pourquoi pas ? A condition bien sûr que toutes les régions composants le Mali bénéficie de la même marge en ce qui concerne la gestion de leurs affaires internes et qu’elles soient toutes placées sous le contrôle d’une seule et même autorité suprême : l’Etat du MALI.

 

 

 

 

Le fédéralisme en Afrique et dans le monde

Officiellement en Afrique, les Etats fédéraux en bonne et due forme sont au nombre de sept. Il s’agit du Soudan depuis 1956 avec 15 États, des îles Comores avec 3 îles (1975), du Nigéria avec 36 États (1963), de l’Ethiopie composé de 9 Régions (1995) ainsi que de l’Afrique du Sud composé de 9 Provinces (1996). Plus récemment, le Soudan du sud (10 États) dès son indépendance a opté pour le fédéralisme en 2011 ainsi que la Somalie en 2012, 19 Régions, en proie depuis plusieurs années à une guerre sans merci contre les terroristes d’Al Shebab.

 

Le Cameroun à l’origine était un Etat fédéral mais a opté pour l’Etat unitaire. Il vient, d’ailleurs, de fêter son quarantième anniversaire (l’Etat Unitaire du Cameroun mis en place par le président Ahmadou Ahijo en vue de renforcer son pouvoir par la centralisation), le 20 mai 2014. La partie anglophone du pays mécontente de ce choix réclame en partie l’indépendance du territoire où elle est majoritaire.

 

Dans le monde, les principaux Etats fédéraux sont : Allemagne, Argentine, Australie, Autriche, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Brésil, Canada, émirats arabes unis, Espagne, Etats-Unis d’Amérique, Inde, Malaisie, Mexique, Micronésie,Népal,Pakistan, Russie, Saint-Kitts-et-Nevis, Suisse, Venezuela.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ahmed Thiam

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