Otages d’AQMI : Al Qaïda monte les enchères

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L’Elysée envisage de retirer ses soldats d’Afghanistan en 2011. Selon le ministre français de la Défense, Hervé Morin, qui en a fait l’annonce hier jeudi à Paris, cette intention n’a aucun lien avec les menaces actuelles d’Al Qaïda.

En tout cas, la confirmation que c’est bien l’ennemi public numéro un des Occidentaux qui pilote l’affaire des otages du Sahel nigérien ne peut que plonger Paris dans l’embarras. Car la question se pose de savoir si vraiment la France est en mesure de répondre favorablement aux exigences de Ben Laden et de son organisation. Comment donc parvenir à sauver les otages sans renier les principes et valeurs chers à l’Occident, et prendre le risque de s’attirer les foudres des alliés qui combattent en Afghanistan au nom des mêmes intérêts ? Un vrai dilemme pour le président Sarkozy qui doit à la fois résoudre les conflits sociaux qui divisent la France, et reconquérir l’électorat mécontent.

Après des mois d’attente, la France connaît à présent les exigences d’Al Qaïda, le parrain d’AQMI qui a enlevé les 7 otages en question. Dans un message diffusé mercredi dernier sur la chaîne de télévision Al-Jazira, Ben Laden s’en est pris directement à la France qu’il invite à retirer ses troupes d’Afghanistan. Le chef d’Al Qaïda va plus loin en désignant l’Hexagone comme étant une cible légitime pour les islamistes et ce, depuis l’adoption de la loi interdisant le port du voile intégral, la burqa.

L’ascendance d’Al Qaïda sur AQMI signifie que le dossier est encore plus corsé qu’on ne l’avait pensé. Reste à savoir si les revendications contenues dans le message de Ben Laden aux Français sont réalistes. Le niveau des revendications paraît, en effet, fort élevé. La barre a été placée très haut sans doute en vue d’embarrasser les autorités françaises qui étaient dans l’attente. Elles doivent à présent se trouver coincées, d’autant que le message met en évidence un véritable conflit de valeurs. « Si vous exercez l’oppression et jugez qu’il est de votre droit d’interdire aux femmes libres de porter le voile, n’est-il pas de notre droit de pousser au départ vos hommes envahisseurs en leur tranchant la tête ? », dit le message.

En parvenant dans des conditions rocambolesques à enlever des otages en plein Sahel, Al Qaïda a confirmé qu’il est effectivement à même de nuire partout et à tout moment aux intérêts français. Aussi n’hésite-t-il pas à lancer une mise en garde à la France à laquelle il reproche en particulier son implication militaire en Afghanistan dans ce qu’il qualifie de « maudite guerre de Bush ». Il s’agit pour le chef d’Al Qaïda d’une « injustice à l’égard de la nation islamique ». Maintenant que les revendications des ravisseurs sont connues, que va faire la France ? Peut-elle envisager des actions en oubliant qu’en plus des otages du Sahel, deux journalistes de France 3 croupissent depuis bientôt un an (304 jours) dans les geôles afghanes ? Mais peut-on vraiment croire que l’Elysée acceptera d’abroger une loi aussi controversée que celle de la burqa ? Il faut tout de même reconnaître que les marges de manœuvre des autorités françaises sont bien réduites. On sait le contexte sociopolitique national fort perturbé. Le pays est divisé ces derniers temps par des conflits sociaux ayant pour source un train de mesures dont la fameuse loi sur l’âge de départ à la retraite. C’est dire que face à Al Qaïda, Sarkozy aura bien du mal à abdiquer. Autrement dit, il sacrifiera difficilement les grands principes, les valeurs fondamentales de la république (liberté, droits de l’homme, etc.).

Par ailleurs, la France sait qu’il faut ménager les alliés, les Américains notamment. Le président Obama a des soucis en cette période électorale. Il lui faut sauver le peu qui lui reste du Congrès, et par ricochet, redorer son mandat présidentiel. Sarkozy n’a donc aucun intérêt à remuer le couteau dans la plaie par ces temps de tsunami politique et économique. Car, en dépit de tout, la France ne manque pas d’atouts. Elle passe en effet pour le pays occidental le plus islamisé. Et la diplomatie française, l’une des plus vieilles et des plus expérimentées au monde, a aussi ses forces. Elle réside dans la solidité de ses liens historiques avec les pays arabes, son accueil de nombreux réfugiés dont un grand nombre de leaders musulmans très influents. Des carnets d’adresses qui ouvrent bien des portes, et permettent au finish de modérer les ardeurs de l’adversaire. Enfin, le passé instruit. Et il faut se demander si tout ce cirque médiatique ne finira pas un jour par l’incontournable solution discrète du paiement de rançons. On reprendra alors les spéculations sur la réalité des faits, l’ampleur du montant versé, les pertes et les gains au change, l’identité réelle des différents intervenants et le lieu des transactions.

Les otages, eux, auront peut-être déjà recouvré la liberté, du moins ceux qui auront eu la vie sauve. Pour l’heure, il va falloir attendre que les principaux acteurs de la situation prennent langue, et trouvent ensemble une porte de sortie honorable, et surtout réconfortante pour tous. Quant aux Africains, ils semblent aujourd’hui dépassés par la tournure des événements. A leur corps défendant, ils devront attendre de voir venir. Car, avec Al Qaïda, les enchères ne pourront que monter, monter…

 

Le Pays

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