Depuis la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation, l’on croyait que sa mise en œuvre allait s’accélérer. Mais devant un gouvernement laxiste qui se laisse «trimballer» par les groupes armés du Nord du pays, regroupés au sein de la Cma et de la Plate-forme, il fallait s’attendre à des tergiversations. De compromis en compromissions, on nous parle aujourd’hui de l’organisation d’un Forum pour la paix et la réconciliation à Kidal, du 27 au 30 mars 2016, en vue de clôturer le processus d’Anéfis. Mais en réalité, il s’agit de satisfaire, une fois de plus, les caprices des groupes armés qui ont entre-temps traîné ce pays dans la boue.
Clôturer le processus d’Anéfis. C’est du moins ce qui ressort du récent communiqué conjoint signé entre le gouvernement malien, la Plate-forme du 14 juin 2014 et la Cma (Coordination des mouvements de l’Azawad), suite à une série de concertations tenues à Bamako du 19 au 26 février 2016 sur la conjoncture actuelle. Ainsi, il a été décidé de : l’organisation du Forum pour la paix et la réconciliation à Kidal du 27 au 30 mars 2016, qui clôturera le processus d’Anéfis ; l’adoption d’un chronogramme sur 2 mois (mars-avril 2016) de mise en œuvre des activités garantissant la sécurité publique et l’instauration d’une vie sociale normale sur tout le territoire, à travers différentes activités. Il s’agit notamment de la mise en place des autorités intérimaires ; de la mise en place d’un dispositif de sécurité commun pour contribuer à la protection des personnes et des biens et la libre circulation des personnes dans le pays ; de la concrétisation urgente du cantonnement des combattants à travers le processus de DDR (Désarmement, démobilisation et réintégration) ; de l’accélération de la mise en œuvre des différentes dispositions de l’accord par l’adoption des textes qui y sont liés…
Deux choses sont choquantes dans ce communiqué conjoint gouvernement malien/Plate-forme/Cma. Tout d’abord, l’organisation dudit Forum pour la paix et la réconciliation à Kidal était un projet en gestation des groupes armés du septentrion de notre pays. Pour y parvenir, il faut réunir plus de 100 millions de nos francs et on sait que ces groupes armés n’ont pas les moyens de le faire. Dans la foulée, le gouvernement malien a décidé de voler à leur secours, en récupérant leur initiative. Rien que pour leur faire plaisir, sous une prétendue réconciliation nationale dont le chef d’orchestre n’est autre que le président de la République.
Que reprochait-on alors à l’ex-président déchu ATT, actuellement en exil à Dakar au Sénégal ? D’avoir dorloté ces «ex-rebelles» revenus de Libye avec armes et bagages. Et que fait aujourd’hui IBK ? Il est bien sûr sur les traces d’ATT et risque même de faire pire que ce denier. En tout cas, il est fort probable que ce Forum, énième du genre, accouche d’une souris.
Le second point choquant, c’est cette décision issue du Conseil des ministres du mercredi 24 février 2016, tenu dans la salle de délibérations au Palais de Koulouba, sous la présidence du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta. En effet, au chapitre des mesures législatives, notamment au titre du ministère de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat, on parle des autorités intérimaires en substitution aux délégations spéciales des collectivités territoriales qui présentent des limites au regard, notamment, de leur taille réduite, de leurs attributions restrictives et de la durée de leur mandat. Un accent est mis sur les conditions de mise en place, le régime des incompatibilités, la composition et la durée du mandat des autorités intérimaires de commune, de cercle et de région qui remplacent respectivement les Conseils communaux de cercle et de région en cas de dissolution, de démission de tous les membres ou lorsqu’ils ne sont plus fonctionnels pour quelle que cause que ce soit.
«La mise en place des autorités intérimaires s’inscrit dans le cadre du renforcement de la continuité des organes élus des collectivités territoriales. Ainsi contrairement aux Délégations Spéciales, elles sont chargées, sans restriction, des attributions dévolues aux conseils des collectivités territoriales qu’elles remplacent. Leurs membres proviennent des services déconcentrés, de la société civile, du secteur privé ainsi que des conseils sortants», précise le communiqué.
Autrement dit, dans les structures transitoires qui seront mises en place dans les 703 communes, une attention particulière sera accordée aux «ex-rebelles» vêtus désormais de tuniques d’«apôtres de la paix au Mali». Pourquoi privilégier ces gens, en tuant le jeu politique ? Ces groupes armés sont-ils devenus des partis politiques ?
Nous devons en tout cas savoir tirer les leçons de ce qui nous a conduits au bord du gouffre actuel. La prudence doit donc être de mise, en méditant sur cette assertion d’André Maurois dans Sentiments et coutumes : «Les caprices ont de la grâce, mais le crime est, pour satisfaire un caprice, d’éveiller une passion durable».
Bruno E. LOMA