L’heure n’est plus au dialogue dans la crise malienne. Longtemps attendue (c’est selon) l’intervention militaire pour la libération du Mali est effective depuis le vendredi 11 janvier 2013. Avec l’opération « Serval », la France a entamé la guerre qui devrait mettre « les barbus » hors d’état de nuire. En plus de l’hexagone, de l’armée malienne, de l’aide multiple et multiforme, des puissances mondiales telles que la Mission internationale pour la sécurité au Mali (MISMA) sont au front. « Loin des yeux, près du cœur », les réfugiés maliens résidant à Bobo-Dioulasso, depuis février 2012, suivent de près l’évolution de la situation. Voici ce qu’ils en pensent.
Il était 10 heures au stade Wobi de Bobo-Dioulasso ce jeudi 17 janvier 2013. A l’entrée de cet espace sportif était dressé un bureau où officient trois hommes pour le compte du Haut-commissariat des réfugiés des Nations unies (UN-HCR) et Internationale emergency development aid (IEDA Relief). Ils travaillent en collaboration pour assurer le bien-être des réfugiés. Près du bureau, deux touaregs, usés par l’effet du temps sont assis sur des chaises métalliques. Ils ne parlent ni le français, ni le dioula. Ils viennent d’arriver du Mali pour se refugier à Bobo-Dioulasso. « Ce sera difficile avec eux. Puisque nous avions cherché un interprète pour les échanges.
Mais il vient tout de suite de partir », nous indique un agent du UN-HCR. Fadimata Wallete, une jeune réfugiée fait son entrée au stade. Voilée jusqu’à la tête, elle vient de la ville où elle est juste allée se promener. A l’intérieur du camp, les femmes s’affairaient à faire la cuisine. Des enfants comme à leur habitude s’amusent et courent entre les tentes. Fatim Kounta est la présidente des femmes réfugiées du camp. Mère de trois enfants, elle ne vit qu’avec sa plus jeune fille de 7 ans. « Mes deux autres enfants sont refugiés vers la Mauritanie avec ma sœur », confie-t-elle. Belle et la trentaine bien sonnée, elle ne portait pas le foulard, et avait du vernis sur ses orteils et ses ongles. Elle portait aussi un collier à la cheville gauche, et au nez et vers le haut de son oreille gauche également ; elle était bien maquillée.
« Nous ne sommes pas des islamistes. Enlève ton voile. Fais-toi belle », s’amuse-t-elle à dire à Fadimata. Refugiée depuis février 2012, Fatim Kounta dit ne mener aucune activité génératrice de revenues, mais ne se plaint pas de sa vie grâce aux soutiens de toutes natures (dons de vivres, matériels…) des Burkinabè, mais aussi de la communauté internationale. Sur la question de l’intervention militaire pour la libération du Mali, c’est « on ne peut plus évident » pour elle. « J’apprécie positivement l’intervention militaire pour libérer notre pays. Mais je suis tout de même inquiète. Les islamistes qui sont au Nord sont très armés. Ce qui me taraude l’esprit, est de savoir si les troupes pourront véritablement les chasser », se demande-t-elle.
Des nouvelles des familles restées au Mali ?
La plupart des réfugiés soutiennent avoir, ne serait-ce, qu’un parent au Mali. Les appels téléphoniques ne manquent donc pas. « Mon grand frère était chauffeur dans une société étatique. Il dit que tout va bien depuis l’intervention militaire. Car les affaires courantes ont recommencé et qu’ils sont en sécurité », informe la présidente de femmes refugiées. Quant à Fadimata dont le mari est retourné au Mali, elle s’inquiète beaucoup pour lui. Ag Tazoudine Aboubakrine est le représentant des jeunes sur le site. Il a son frère à Tombouctou qui le rassure du bon déroulement des choses.
« Deux fois réfugié, ç’en est de trop ! »
Mohamed Asalek Mohamed a un handicap au pied gauche. Sous la tente, il s’apprêtait à faire du thé. Il dit apprécier plus ou moins positivement l’intervention militaire pour la libération du Mali. « Si toutefois, dit-il, cela pouvait ne pas faire de victimes au niveau des civils ». Il ajoute : « Il n’y a pas beaucoup de différences entre les islamistes et les populations du Nord. Ils ont la peau claire ou noire comme nous. Ils s’habillent comme nous avec des turbans ». Mohamed pense alors que des innocents risquent de laisser leur peau dans cette « opération serval » surtout pendant les frappes aériennes. « La crise malienne incombe à tous », souligne le représentant des jeunes qui sans toutefois pointer du doigt une responsabilité particulière, pense que le MNLA a un rôle à jouer dans la quête de l’intégralité du territoire malien.
Chose que Mohamed réfute. Le ton monte, les échanges virulents sous une tente quasi-insupportable à cause d’une torride chaleur. « Cette histoire du Nord date de longtemps. Nous sommes fatigués. En 1991, nous étions réfugiés, 20 ans après, nous le sommes encore. C’est trop ! », s’indigne Mohamed. Les avis des Maliens du Nord divergent sur les différents groupes islamistes, (MUJAO, Aqmi, Al-quaida, Ansar-dîne…). En tout cas, pour le président du camp, Alphadi Iman, peu bavard sur la question de l’intervention, il salue simplement toutes solutions qui pourraient ramener la paix au Mali. Non loin du bureau des agents du HCR, deux autres Touaregs discutaient sérieusement. Ils avaient des positions extrêmement différentes sur la question du Mali, chacun défendant sa position avec véhémence. C’est de bonne guerre !
Bassératou KINDO
L’express du Faso