« On prend les otages ailleurs et on les emmène au Mali » !Amadou Toumani Touré démenti par les faits 

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Le président de la République aimait répéter que le Mali n’avait rien à voir avec les prises d’otages et que notre pays était injustement catalogué ‘’zone rouge’’ par les occidentaux. Mais, les faits sont têtus.

Les vendredis, les Maliens s’habillent à la manière traditionnelle (au sens islamique du terme) pour aller à la grande prière. Mais ce 25 novembre, Someylou Boubèye Maiga-SMB- arborait un costume gris-clair de bon goût ; même s’il était un peu froissé en fin de journée. Il faut dire que le ministre en charge des affaires étrangères était sur la brèche, seul face aux chancelleries occidentales. En effet, et comme si de rien n’était, ATT était allé se balader dans un pays voisin et Mme le Premier ministre présidait tranquillement des événements sur place. Abandonné et seul face aux événements terribles qui secouent le pays, SMB est sur les braises, sonné comme un boxeur à côté de la plaque.

Normal, car ce jour-là, trois occidentaux sont pris en otage en plein jour à Tombouctou-la mystérieuse, à visage découvert et un quatrième, qui était un peu en retard et qui a fait des problèmes pour monter dans la voiture avait été froidement abattu d’une balle dans la tête. La veille, deux autres avaient été enlevés à Hombori- centre du Mali. Des Touaregs (le gérant de l’hôtel est affirmatif : « ils parlaient Tamasheq’’) étaient venus en nombre et en armes tranquillement « faire leur marché » dans l’un des hôtels de la place. Ils avaient tenu à rassurer le patron des lieux subitement rencontré dans les couloirs : ‘’Nous n’en voulons qu’aux Blancs !’’, avait affirmé le chef du commando, infiltré dans les lieux vers une heure du matin pour enlever deux français. Le « travail » avait été fait sans aucune difficulté et les preneurs d’otages ont pu repartir avec la même facilité vers le grand nord. Interrogé par un confrère occidental, ahuri par la facilité avec laquelle les choses se sont déroulées et qui lui demandait si l’hôtel et les touristes n’étaient pas sécurisés, le Maire a simplement répondu pour justifier l’absence de toute mesure de sûreté à ce point : « Nous, on ne connaît pas ça !… ».

Zones de turbulences

A sa défense, il convient de rappeler que jusqu’ici, les plus hautes autorités du pays n’avaient cessé de marteler deux choses. D’abord, elles s’indignaient du classement du nord Mali comme zone ‘’rouge’’ (donc pas sûres) par les chancelleries occidentales. On affirmait au contraire que le Mali était tout ce qu’il y a de plus sûr et que les touristes ne risquaient rien chez nous ; et certains Blancs innocents sont intervenus sur l’écran de la télé d’Etat qu’eux passaient un bon séjour dans la zone prétendument dangereuse et que tout se passait bien. En second lieu, ATT lui-même aimait répéter cette phrase qui avait l’air de le fasciner à chaque fois : « On prend les otages ailleurs et on les emmène au Mali. » C’est bel et bien le président de la République qui a lancé la thèse du complot contre notre pays pour l’appauvrir en éloignant les touristes. On brossait alors le sombre tableau des chefs de famille au chômage et des zones rendues miséreuses par la mensongère propagande lancée contre le pays. Même la presse non d’Etat, celle qui n’est pas soumise à ‘’La passion de la servitude publique ‘’ a été sensible à ce discours et a embrayé derrière le grand manitou de Koulouba.

Désormais, le Mali est entré dans une nouvelle zone de turbulence dont on ignore où elle nous mène.
Ce qui est sûr est que le général ATT ne pourra plus lancer sa phrase fétiche selon laquelle on ne prend pas d’otages au Mali. Désormais, on ne peut plus faire des incantations culpabilisantes sur l’occident pour dire qu’il faut laisser venir dans le paisible Mali sans prise d’otages, les touristes blancs afin de féconder notre économie. Assurément, ATT vient d’être contredit par les faits.

Ceci dit, il continue à accuser les occidentaux d’être à l’origine de ce qui se passe au Mali. En effet, après les incidents gravissimes survenus à Tombouctou et à Hombori, il a fait une sortie qu’il voulait virile et martiale pour pointer le doit accusateur vers les occidentaux. Car pour lui, ce qui est arrivé n’est que la manifestation des « effets collatéraux de la crise ». Il nous expliquera sans doute dans les prochains jours les liens profonds que la prise d’otage au Mali et la situation économique en occident. Nous au journal « Le Matin », on a eu la perspicacité nécessaire pour établir le lien de causalité entre les deux choses. On aurait été moins surpris si l’on nous avait dit que l’après Kadhafi y avait joué un rôle. Mais là, on glisserait forcément sur le facteur touareg, un pas que le général ne peut pas, vraiment pas du tout, franchir. Au contraire, après avoir accusé Sarkozy, l’Otan et l’occident, il a tenu, dans son speech dont il est question, à blanchir les « Hommes bleus ». Et ce, dans un raisonnement abracadabrant qu’on peut résumer comme suit : la communauté touarègue n’est pas la seule à prendre les otages et à en tuer. Ce ne sont pas les Touaregs seulement qui agissent ainsi, toutes les autres communautés en font autant (au Mali). Conclusion, il ne faut pas indexer les Touaregs. Mais, se rendant compte qu’il y a là quelque chose qui cloche et qui risque de ne pas satisfaire les Maliens, il développe un complément de défense des Touaregs : ce ne sont pas tous les Touaregs qui agissent mal alors, il ne faut pas les frapper tous avec le même bâton.

En 2006 déjà, ATT avait brandit ce dernier argument qu’il voulait comme un bouclier pour défendre les Touaregs habitant le sud Mali et surtout Bamako. En effet, les Touaregs avaient attaqué par surprise et tué des soldats maliens et ATT était en déplacement à l’intérieur du pays. Et le premier souci du chef de l’Etat avait été de construire un mur de défense mentale autour des Touaregs qui vivent à Bamako et ailleurs parmi les Noirs pour les protéger contre les mécontents. Il avait lancé au peuple son cri de cœur selon lequel les Touaregs qui ont attaqué l’Armée malienne n’étaient pas les mêmes qui ‘’habitaient avec nous’’. Manifestement, quelque chose de très fort lie à cette communauté.
Amadou Tall

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