Occupation du nord du Mali : Le Mnla dépouillé et nu

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Le Mnla, principal auteur de l’attaque de Ménaka, élément déclencheur de la rébellion en cours, après avoir rêvé de grandeur et d’indépendance, est aujourd’hui réduit à se contenter d’expédients et de petits larcins, méprisés par ses alliés.

Le 17 janvier 2012, la garnison militaire de Ménaka est attaquée. Le Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla) revendique cette agression qui donne le top départ d’une rébellion qui est loin d’être encore terminée. Le mouvement indépendantiste est venu avec le rêve affiché de « libérer l’Azawad » (les trois régions du nord du Mali), d’en proclamer l’indépendance et d’y régner en maître. Il va gagner les deux premiers paris : le 1er avril 2012, les régions de Kidal, Gao et Tombouctou sont successivement occupées et contrôlées par les forces rebelles, le 06 avril, leur indépendance est proclamée. Mais le Mouvement est en train son troisième pari de régner en maître. En effet, pour arriver à leurs fins, les pouilleux anciens bergers, gardiens de troupeaux, vendeurs de dattes formant le Mnla avaient eu la « brillante » idée de s’associer avec des mouvements jihadistes, dont Ansar eddine et Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest), et des groupes terroristes comme Aqmi et Boko haram. Si l’objectif principal de toute cette association de malfaiteurs était de faire main basse sur le nord, ils vont très vite diverger sur la gestion de leur conquête et ce qu’ils comptent en faire.

Le Mnla, qui l’a unilatéralement proclamée, reste attaché à l’indépendance de l’Azawad. Mais pour les autres, il n’en est pas question. Le groupe Ansar eddine conduit par Iyad ag Ghali, le chef historique de la rébellion des années 90, qui est en réalité l’allié de Boko haram et du Mujao avec lesquels il partage l’idéologie islamiste, et d’Aqmi, ne veut pas d’indépendance mais de l’imposition de la loi islamique (charia) sur tout le territoire national.

Cependant, pour s’acheter la moindre légitimité, l’un et les autres doivent compter avec les populations locales composées en grande partie de communautés sédentaires noires. Et là, les approches sont différentes voire antagonistes.

Dès leur entrée dans les differentes localités conquises, les éléments du Mnla se sont livrés à des actes de vandalisme, de saccages, de pillages, de vols et, pire, de viols, mutilations, exécutions sommaires. Certains de ces actes sont dénoncés dans un récent rapport que vient de publier l’Ong Human right watch. Ce rapport, qui épingle principalement les indépendantistes, confirme de nombreux témoignages en provenance des localités concernées d’où des habitants continuent à actionner la sonnette d’alarme. Et toutes ces voix s’accordent pour dire que les monstres qui sont en train de terroriser les populations restées sur place ne sont autres que les hommes de Mohamed Ag Najim et de Bilal Ag Cherif. Ceux qui, pour justifier leur agression, se plaignaient du manque de développement d’un nord négligé par les autorités centrales ont réussi le tour de force de détruire tout ce qui avait été péniblement consenti en termes d’efforts de développement depuis des décennies. Plus grave, aucune action n’est possible pendant longtemps, les partenaires au développement ayant déserté les lieux. Ils ne sont pas les seuls : plus de 350 000 personnes, toutes communautés confondues, ont préféré prendre le chemin de l’exil plutôt que de cohabiter avec leurs nouveaux maîtres, les monstres en turban. En un peu plus d’un mois, « les hommes en bleu » ont revêtu les atours repoussoirs des « démons à l’âme noire ». La cause ? Après avoir dépensé en armes et en munitions tout le magot qu’ils se sont constitués quand lis faisaient le mercenaire en Libye, les Touaregs en sont réduits à vivre d’expédients, rackettant dans les petits villages, s’emparant de petits bétails. Pourquoi les petites localités ?

Parce que du côté des alliés également, la lune de miel est terminée. Le Mnla est contenu aux confins des localités voire dans les campagnes où ses « combattants » sont priés avec insistance d’aller s’occuper de leurs chèvres et de leurs poux.

Dans les villes, les islamistes sont parvenus à entretenir des relations privilégiées avec les autochtones. Ayant commencé leur implantation depuis longtemps, avant même de commencer leur prosélytisme actif, les jihadistes se sont mélangés aux populations. Nombreux sont ceux d’entre eux qui se sont mariés avec des femmes du milieu, un milieu dans lequel ils se fondent aisément maintenant.

Dans différentes localités du nord, les jeunes (y compris ceux issus des communautés noires sédentaires) ont rejoint les rangs des islamistes, espérant gagner quelque chose (emploi, fonds de commerce, occupations, etc.). Récemment, depuis son refuge, le maire de Gao, Sadou Diallo, attirait l’attention des autorités qui tardent à tenter la reconquête du nord, notamment sur les risques d’endoctrinement de cette jeunesse vulnérable parce que désœuvrée et sans perspective réelle, avec un avenir des plus incertains. Aujourd’hui, ce sont les groupes islamistes qui assurent la police et la justice (selon la charia), ravitaillent les habitants (en vivres et en carburant), remettent les gens au travail, organisent l’administration et la société civile.

Et si les populations du nord étaient préoccupées parce qu’elles avaient le sentiment d’avoir été abandonnées (quoiqu’en dise le nouveau Premier ministre) par la classe politique, la société civile et les forces armées et de sécurités (toutes beaucoup plus occupées à se disputer un leadership sur la période de transition), elles le sont de moins en moins avec l’assurance qu’elles ont que les islamistes s’occupent bien d’elles.

Et bientôt, c’est du retour des autorités légales qu’elles ne voudront plus. Alors islamistes et terroristes, qui finiront bien par se débarrasser des indépendantistes, seront plus que jamais en territoire conquis.

Cheick TANDINA

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