La plateforme des groupes armés, qui combattent aux côtés de l’Etat malien dans le processus de négociation à Alger, a organisé, le samedi 13 décembre 2014 dans la salle Wa Kamissoko du Centre international de Conférences de Bamako, une conférence de presse pour partager ce qu’elle pense du projet d’accord signé à Alger. Si la plateforme a apprécié le contenu du document dans son ensemble, elle est toutefois inquiète sur certains points.
Ont pris part à cette conférence de presse tous les représentants des cinq mouvements armés constituant la plateforme créée en juin 2014 pour peser plus lourd dans la balance dont elle partage le même côté que le gouvernement malien. Il s’agit notamment de la CMFPR, dirigée par Me HarounaToureh et non moins porte-parole de la plateforme, du GATIA représentée par Fahad, du MPSA (Mouvement populaire pour le salut de l’Azawad) dirigé par Ahmed Al Ansari, du MAA piloté par le professeur Ahmed Sidi Mohamed et de la Coalition pour le peuple de l’Azawad dont HamadiOuld Cheick est le président.
A l’entame de leurs propos, les différents groupes ont réaffirmé leur souhait le plus ardent à savoir le retour définitif de la paix dans un Mali uni territorialement, laïc et prospère dans sa diversité ethnique et culturelle. ” Il n’est pas question pour nous de dire quoi que ce soit qui puisse compromettre l’unité nationale du pays “, dit d’entrée de jeu le porte-parole de la Plateforme.
Oui aux urnes non aux armes
Ces propos sont repris par le Pr Ahmed Sidi Mohamed du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) pour qui l’essentiel “ demeure la paix ” et qui espère voir le pays profiter de cette ” paix ” arrachée à l’affection du pays depuis les douloureux évènements de 2012.
Même son de cloche chez les trois autres groupes armés dont le GATIA qui, à en croire son président, n’a jamais cautionné la prise des armes. ” Ce que les autres cherchent par les armes, nous les cherchons par les urnes et laissons les armes à nos frères qui sont dans les rangs de l’armée nationale, mais nos illusions sont tombées après les évènements du 21 mai dernier où tous ceux qui ne possédaient pas d’armes étaient censées se soumettre… “, a-t-il dit en substance avant de préciser que ” nous ne sommes pas en belligérance avec l’Etat malien, mais nous ne sommes pas l’armée malienne…Il y a des gens que le contribuable paie pour assurer sa défense, mais ce ne sont pas nous “.
” Nos propositions prises en compte”
Concernant le contenu du projet sur la base duquel un accord de paix définitif va être établi par l’équipe de la médiation et qui sera signé dans la capitale malienne en janvier 2015, les cinq groupes armés, qui ont activement pris part aux différentes phases de négociations à Alger, se disent ” globalement satisfaits ” Car, à les croire, la Plateforme est le principal contributeur à l’élaboration dudit document. ” Ce sont nos propositions qui ont été largement reprises par l’équipe de la médiation et nous en sommes fiers “, s’est félicité un intervenant. Par ailleurs, pour Me HarounaToueh, ” institutionnellement il y a tout ce qu’il faut dans le document, pour permettre aux populations du nord du Mali de légiférer…Sur ce point il n’y a pas d’échec à partir du moment où les populations auront la possibilité d’élire leurs propres chefs exécutifs “. Au plan sécuritaire, la Plateforme, à travers son porte-parole, a affirmé que c’est une question prioritaire pour le retour de la paix dans le pays et ” là aussi, les points que nous avons proposés à la médiation ont été pris en compte “. Cela est aussi valable sur le plan développement où les intervenants ont rassuré qu’il y aura assez de projets pour le nord du pays qui vont dissuader les populations de faire parler les armes.
“Points de divergences “
En dépit du fait qu’elle soit le principal contributeur au document du projet d’accord, la Plateforme se dit, tout de même, inquiétée par certains points qui, selon eux, sont de sérieux problèmes. Cela concerne notamment, au niveau institutionnel, la mise en œuvre de la nouvelle forme de gouvernance, car, précise le porte-parole de la Plateforme, ” nous avons peur de nous-mêmes “.
Mais là où, il y a un véritable problème est relatif à la question sécuritaire où il y a des divergences sur la réintégration des éléments qui ont déserté les rangs de l’armée nationale. Pour la Plateforme, il serait préférable d’étudier ces cas individuellement car, à l’en croire, il y a lieu de préciser que les gens n’ont pas déserté pour les mêmes motifs. “ Il y a ceux qui, à cause des préjugés liés à leur couleur de peau, ont fui pour se mettre à l’abri et ceux qui ont tout simplement regagné les rangs de l’ennemi avec armes et bagages “. Toute chose que la médiation n’a pas jugé nécessaire de prendre en compte et qui peut menacer le retour de la paix. Autre point préoccupant qui n’a pas été retenu par les médiateurs dont l’Algérie est le chef de file, c’est le redéploiement de l’armée nationale républicaine dans toutes les régions du nord. ” Cela fâche beaucoup “, a dit Me HarounaToureh
Disparité entre nord et sud
Aussi, l’article 8 du projet d’accord, qui stipule que toutes les régions du nord soient une ”Zone de développement’‘ constitue un autre goulot d’étranglement pour la Plateforme. ” En prenant toutes les régions comme une seule zone de développement, cela risque de créer une disparité entre le Nord et le Sud…Nous préférons que le mot ”Zone” soit mis au pluriel et que des zones soient identifiée dans toutes les régions “, a affirmé Me HarounaToureh.
Du reste, selon Sambel Diallo, expert de la CMFPR ” on peut parler de zone économique partagée par deux ou trois régions, mais en constituant toutes les régions comme une seule zone de développement, c’est effectivement inquiétant…De surcroit, chaque région est libre de choisir son modèle de développement “.
Aboubacar DICKO
Me HarounaToureh sur la libération de Wadoussène
« Il n’y a pas de raison de ne pas applaudir ce geste»
Me HarounaToureh a d’abord assuré qu’étant avocat ” je peux être tenté d’être heurté par sa mise en liberté…Il peut être repris demain car son dossier n’est pas encore classé. En gros Wadoussène est libre, mais il est toujours en prison car tous les pays sont à sa recherche“. Mais étant un simple citoyen, Me HarounaToureh se dit choqué par sa libération surtout que les autorités n’ont pris aucun soin pour faire le comprendre à la population.
En tant que citoyen avisé, le porte-parole de la Plateforme a affirmé que toute vie est sacrée. ” Il a été libéré en contrepartie de la vie d’un citoyen français, un pays qui nous a beaucoup aidés…Dans les circonstances que nous connaissons, il n’y a pas de raison de pas applaudir ce geste “. AD