Entre Nous : Des questionnements autour de la réconciliation ?

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« Ayons le courage d’affronter la vérité, de chérir la Vérité, d’assumer la Vérité avec dignité », a déclaré, les 25 et 26 février dernier au Centre international des conférences de Bamako, le ministre de la Réconciliation nationale et du Développement des régions du nord, Cheick Oumar Diarrah. C’était à l’occasion de la cérémonie d’ouverture des Journées de concertation interrégionale dont le thème était « Réconciliation et Réinsertion socioéconomique des Femmes et des Enfants affectés par la Crise au Mali ».

 

 

Le gouvernement d’Oumar Tatam Ly a décidé de transformer la ‘’Commission dialogue et réconciliation’’ mise en place par les autorités de transition en ‘’Commission vérité, justice et réconciliation’’. L’ordonnance qui parachèvera l’existence de cette entité dans sa nouvelle version est sur le bureau de l’Assemblée Nationale pour ratification. L’examen de ce texte va de report en report. Motif officiel : complément d’informations. Mais au fond, le report de l’examen de cette ordonnance pose un certain nombre de questionnements autour de la réconciliation.

 

 

Le mandat de la nouvelle commission doit-il remonter jusqu’à 1960 ? Faut-il proposer une amnistie aux criminels en échange de leur confession publique ? Les gens ont-ils peur de certaines vérités ? Faut-il remuer le couteau dans les plaies ?  Faut-il opter pour la loi du silence ?

 

 

Les questions sont à la fois complexes et délicates, mais le silence n’est pas non plus la solution. Car, Eric Laurent, un grand reporter français et spécialiste de questions internationales, auteur de plusieurs livres dont « la face cachée du 11 septembre », estime que « le silence est le plus sûr moyen de tuer la vérité ».

 

 

Le peuple a besoin de savoir la vérité sur ce qui lui est arrivé. Le peuple a besoin de se réconcilier avec lui-même. Le peuple a besoin de justice. Mais on ne peut pas construire une grande nation sur la base du mensonge, de la haine, du règlement de comptes. On ne peut pas réconcilier un peuple sur la base du mensonge. On ne peut pas réconcilier un peuple avec une justice sélective ou partiale. Certaines vérités soulagent quand elles sont dites surtout publiquement et pour ce faire, il est indispensable de surmonter les rancœurs.

 

 

Compte tenu de la délicatesse et de la complexité de la mission, le succès de cette commission dépendra largement de son indépendance, sa neutralité mais aussi de sa crédibilité notamment de ceux qui sont chargés de l’animer. La conduite des investigations approfondies pour faire la lumière sur tous les contentieux non vidés, toutes les sources de colères, de ressentiments, de crispations doit être confié à des hommes et des femmes au-dessus de tout soupçon. Ces hommes et femmes doivent être irréprochables sur toute la ligne. Ce qui n’a pas été le cas dans le choix de certains membres de l’actuelle commission qui a peiné à marquer ses pas par la réalisation des actions concrètes.

 

 

Dans le choix de futurs membres de la commission Vérité, Justice et Réconciliation, il faut éviter des choix controversés ou contestés ou encore contestables. A la commission, il faudra donner toute indépendance. Et le ministère de la Réconciliation nationale et du Développement des régions du nord ne doit pas se substituer à la commission qui invitera les victimes à venir s’exprimer et aux auteurs des exactions à avouer leurs forfaits et à se repentir.

Par Chiaka Doumbia

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1 commentaire

  1. CVJR en panne en Mars 2014

    Même si « le silence est le plus sûr moyen de tuer la vérité », relativement à la CVJR en panne en Mars 2014, de mon humble point de vue d’observateur attentif de ce thème majeur au Mali en crise de « la question touarègue », ce n’est pas à une commission de “bruits et vacarmes”, quel que soit son statut et sa crédibilité, qui réussira à amener les auteurs des exactions et certaines victimes à venir s’exprimer et avouer publiquement, respectivement leurs forfaits et à se repentir et à décrire leur malheur.

    Le seul exemple que je connais est celui de la “Commission de Repentance, Pardon et Concorde” (je ne suis pas sûr de la bonne terminologie, c’est l’esprit qui compte) en Algérie suite à la décennie de la guerre civile en Algérie des années de braise, 1990-2000 qui a vu des mouvements politiques d’obédience islamique radical du salafisme (FIS, GIA, GSPC) qui voulaient instrumentaliser l’Islam pour prendre le pouvoir politique en Algérie à se repentir et demander le pardon et la réhabilitation civile suite à leur défaite après le massacre de plus de 100.000 personnes.

    Le processus de CVJR qui doit être conduit par une commission de « bons offices » (pas de niveau ministériel mais rattaché à la Présidence de la République) intéresserait trois cibles :
    1. Au premier degré, les irrédentistes indépendantistes rebelles touaregs qui, depuis 20 ans, ont alimenté 3 épisodes de banditisme armé (dont le dernier est accompagné de la colonisation du Nord par des terroristes djihadistes narcotrafiquants) qui ont déstabilisé et déstructuré d’abord la communauté touarègue (au nom de laquelle ils disent avoir pris les armes pour son mancipation) et le Mali en général ; ceux-là doivent être amenés, dans le cadre des négociations en cours de DDR, à reconnaitre leur erreur et demander le pardon aux communautés touarègues, arabes, peuhles et sonraïes et ensuite au GRM ;
    2. Les organisations de la société civile et des chefferies traditionnelles du Nord Mali, toutes ethnies confondues, se réuniront pour « laver le linge sale en famille » et « recoudre le tissu social-ethnique déchiré » suite aux exactions d’enfants turbulents ;
    3. Le GRM, sur la base des résultats des points 1 et 2, accorderait l’amnistie et réhabiliterait, juridiquement, matériellement et civilement, ceux qui l’auraient mérité.

    Sincèrement

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