Nord-Nali : Les mystères du kidnapping des otages français

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Les déclarations de notre source est sans appel : au regard des critères d’obscurité qui sont la règle dans les affaires d’enlèvements dans la région du Sahel, celle qui est en cours, aujourd’hui, au Mali est remarquablement mystérieuse. Dans la nuit de mercredi 23 à jeudi 24 novembre, dans la ville de Hombori, deux hommes sont capturés dans leur chambre d’hôtel, puis emmenés par des hommes en armes. Les hommes d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), qui ont fait de la prise d’otages un négoce pour financer leurs opérations et sont établis dans le nord du Mali, devraient être les destinataires logiques de cette opération, sans doute menée à ce stade par des bandits de la région.

Selon une source concordante, il apparaît que l’identité et l’occupation des deux hommes qui affirmaient être en mission dans le cadre d’un projet de cimenterie de  l’homme d’affaires malien Djibril Camara, soulèvent de nombreuses questions.

Des contours flous

Quelques mois plus tôt, assure et rassure notre source,  le premier d’entre eux, Philippe Verdon avait rencontré Djibril Camara à Paris. Cet homme d’affaires ayant développé sa petite entreprise de bâtiment (Mandé Construction Immobilière) grâce à des marchés publics, cherche à installer une cimenterie au Mali, sans passer par les grands groupes qui se partagent le marché.                                     

Philippe Verdon semble avoir rassuré son partenaire malien qu’il possédait des compétences en géologie capables de mettre le projet en valeur pour des investisseurs potentiels. Philippe Verdon arrivé au Mali est-il le même que l’aventurier de ce nom qui a trempé dans des affaires véreuses, notamment aux Comores ou au Madagascar ?           Dans le passé, explique notre source, il s’est aussi présenté comme un proche de Bob Denard, le chef mercenaire dont les actions de chien de guerre furent souvent conçues en bonne intelligence avec les services de renseignement français. Philippe Verdon, toutefois, ne participait pas aux tentatives de coups d’Etat. Bob Denard avait déclaré l’avoir rencontré à plusieurs reprises, mais disait de lui, ajoute notre source : « ce n’est pas un soldat. »                                           

Voici donc un aventurier aux confins des genres, arrivé dans cette zone proche du nord du Mali où sont déjà détenus quatre otages français et où circulent trafiquants, éleveurs nomades, unités d’AQMI et… quelques négociateurs français associés à des notables locaux. Un de ces négociateurs a été blessé la veille à un barrage de l’armée malienne. Qui était-il ? Un nom a circulé, celui d’un ex-officier de l’armée française. Ce dernier, contacté par un journal français, dément à la fois avoir été blessé et s’être trouvé au Mali à ce moment précis.

Le deuxième homme enlevé à Hombori, et présenté comme un « ingénieur », est Serge Lazarevic, connu pour sa proximité avec des réseaux des Balkans proches de l’ex-DST françaises (aujourd’hui DRCI). Notamment au sein d’un groupe paramilitaire baptisé Pauk (araignée) et accusé d’avoir fomenté une tentative d’assassinat de l’ancien président serbe Slobodan Milosevic, ou encore d’avoir aidé au recrutement de mercenaires serbes partis faire la guerre pour le compte du maréchal Mobutu, dans l’ex-Zaïre.

Les ravisseurs, indique une source sécuritaire de la circonscription, arrivés dans un véhicule en pleine nuit, aurait bénéficié de la complicité d’un homme descendu au même hôtel de Doumbia à Hombori, et qui n’a pas rempli de fiche avec son nom. Depuis, des forces militaires françaises et maliennes ont tenté de donner la chasse aux ravisseurs, sans succès. AQMI, jusqu’au mardi 29 novembre n’avait pas revendiqué cet enlèvement.       

Cette accumulation de particularités est-elle l’effet du hasard ? Une personnalité religieuse influente de la région du nord du Mali affirme qu’une « milice était en train d’être constituée en secret avec des ex-combattants maliens revenus de Libye pour aller combattre AQMI dans la région ». Selon cette même source, très introduite dans les présidences de la région, « les deux Français auraient été identifiés comme responsables de la formation et de l’encadrement de cette milice. Les gens d’AQMI étaient au courant et sont venus les prendre ». A en croire nos sources, cette milice, organisée au cours des dernières semaines, aurait regroupé des combattants essentiellement touaregs revenus de la Libye au cours de la dernière période du régime de Mouammar Kadhafi. La même source signale: « C’est un groupe monté par les services secrets, sans doute de plusieurs pays, pour mettre en service un petit groupe armé capable d’aller faire la guerre à AQMI avec ses propres règles. » Ce n’est pas la seule explication sur la présence du « géologue et de l’ingénieur » à Doumbia.

De causes à effets

D’autres sources penchent pour un projet de négociation des quatre Français enlevés en 2010 au Niger encore détenus par AQMI dans le Nord du Mali, et qui aurait mal tourné. Pour compliquer l’affaire, un second enlèvement a lieu dès le lendemain à Tombouctou, à 200 km plus au nord. En plein jour, vendredi, juste à l’heure de la prière, plusieurs touristes (hollandais, suédois et sud-africains) sont attablés dans une auberge du centre, non loin de la « flamme de la paix ». Un groupe armé arrivé à bord d’une  4×4 et parvient à se saisir de trois d’entre eux. Un Allemand qui résistait est abattu. « Une balle dans le ventre, une balle dans la tête : ce ne sont pas des petits bandits », commente un élu de la région, qui insiste sur les « complicités locales indispensables pour pouvoir quitter Tombouctou sans laisser de traces ». Cet élu local, joint au bigophone, demande qu’on respecte son anonymat de peur « qu’on finisse par lui couper la tête ». Il raconte les dérives de toute une région, où ont prospéré les trafiquants de drogue – résine de cannabis en provenance du Maroc et destinée à l’Egypte, ou cargaisons de cocaïne qui transitent par le Sahara sur la route vers l’Europe. « Il y a une mafia qui s’est développée, avec beaucoup de complicités. Ils cherchent tout ce qui peut rapporter de l’argent. Moi, j’avais un petit coopérant qui était chez moi, pour une mission de quelques semaines. Un de ces trafiquants m’a dit: la tête d’un Blanc cela vaut 100 millions de francs CFA. Passe-le-moi, je l’amène aux barbus, et on partage. Jusqu’à ce jour, il m’en veut encore d’avoir refusé. J’ai dit au coopérant: rentre dans ton pays et ne reviens jamais. Il ne sait pas ce qui a failli lui arriver. »                                  

En plus de cette criminalisation, le nord du Mali est confronté à l’arrivée de combattants originaires du pays, qui fuient la Libye voisine. Plusieurs centaines, peut-être près de deux mille hommes, ont quitté la Libye où ils servaient sous l’uniforme des troupes de Mouammar Kadhafi. Ils arrivent au Mali en passant par l’Algérie ou le Niger, avec leurs armes. A l’arrivée, certains des groupes ont été accueillis dans les règles lors de cérémonies « officielles », comme à Kidal en octobre, et ont promis de changer de vie.           

Parmi eux, d’ex-rebelles touaregs qui ont quitté le Mali après les accords d’Alger (2009) pour se rendre en Libye. Ils y avaient retrouvé des compatriotes, intégrés parfois dans les forces armées libyennes depuis des décennies, ayant fait la guerre contre le Tchad dans la bande d’Aouzou. Une partie de ces hommes a finalement refusé de prendre part au dernier combat de Mouammar Kadhafi. C’était, le cas d’Ibrahim Ag Bahanga, ex-leader charismatique de la rébellion touareg, de retour au Mali après avoir déclaré son soutien aux rebelles libyens du Conseil national de transition (CNT).Il est décédé dans des circonstances mal élucidées en août, mais ses hommes seraient à présent en train de rejoindre l’ébauche d’un nouveau mouvement armé, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui hésite encore à se déclarer en faveur de la lutte armée. Un responsable du MNLA, Moussa Ag Hacharatoumane,  affirme que le mouvement « n’est pas une rébellion, mais essaye plutôt de faire une révolution » et s’est doté d’une branche armée et d’un état-major, à la tête duquel a été placé le colonel Mohamed Ag Najem, revenu, lui aussi, de Libye. Le MNLA affirme avoir envoyé « des lettres » au gouvernement pour faire part de ses revendications, tout en affirmant poser comme préalable l’autodétermination de l’Azawad pour la conquête du Nord du Mali.

Jean pierre James

 

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