Nord-Mali : Une rébellion sans fin

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C’est désormais devenu une habitude : chaque mois, chaque trimestre, connaît sa petite rébellion, son lot de prises d’otages ou d’exécution de touristes dans le Nord-Mali. C’est quand rien ne se passe d’ailleurs que les uns et les autres sont inquiets. Qu’est-ce qui arrive dans le septentrion de notre pays ? Jusqu’à quand les pauvres populations continueront à subir cette situation dans un pays divisé en Nord et Sud ?


Un pays divisé en Nord et Sud, c’est ce que le Mali est, malheureusement, devenu depuis un certain temps. Même si on refuse de le croire. Et qu’on essaye à chaque fois de faire croire que tout se passe normalement dans la partie septentrionale de notre pays. Les évènements sont là, cruels, pour nous rappeler, en tout cas, rappeler au bas-peuple la triste réalité : la rébellion existe et persiste au Nord sans qu’on ne pût lui trouver une solution définitive depuis maintenant plusieurs années.

Les quelques rares moments d’accalmie sont constamment annihilés par une attaque (ou des attaques), des enlèvements, des assassinats, toujours plus graves, plus sérieux et plus humiliants pour nos autorités. Les dernières en date ont été celles de Hombori et Tombouctou. Un pied de nez à l’endroit de tous ceux qui sont en charge de la sécurité dans notre pays. Travaille-t-on au sein du gouvernement pour ramener la paix dans cette zone ou n’est-on juste devenus que de terribles sapeurs pompiers ? Comment expliquer que deux jours après l’enlèvement de deux personnes à Hombori, on puisse enlever trois autres touristes, tuer un, à une centaine de kilomètres seulement alors même que cette zone devrait être en alerte maximum pendant au moins quelques semaines ?

Ce qui s’est passé à Tombouctou est révoltant, frustrant et très inquiétant. Que des hommes encagoulés entrent dans une ville à 14heures, fassent irruption dans un hôtel, enlèvent de force quatre touristes de leurs chambres – toujours au su et au vu de tout le monde -, exécutent l’un d’entre eux qui faisait de la résistance, est inadmissible et prouve à suffisance qu’il n’y a aucune concertation entre nos services de sécurité au sein du gouvernement ; que ces touristes qui ont accepté de braver les consignes de leurs autorités respectives ont purement et simplement été laissés à eux-mêmes, abandonnés aux mains de leurs ravisseurs par un Etat qui tire pourtant l’essentiel de ses revenus du tourisme.

Sans être un expert en sécurité, on peut affirmer que tout ça pouvait être prévenu et n’aurait pas du tout dû survenir. Surtout les enlèvements de Tombouctou. Il suffisait simplement pour les ministres chargés du Tourisme, de la sécurité, de l’administration territoriale et celui de la défense de se concerter et travailler à sécuriser tous les touristes qui se trouvaient dans la zone après les enlèvements de Hombori. Ils pouvaient et devaient prendre des mesures pour mettre en place une ceinture de sécurité discrète autour des points fréquentés par les touristes et éviter à ce que de tels évènements ne surviennent.

Malheureusement, on s’est plutôt attelé à préserver d’autres intérêts. Car, ce qu’on ne dit pas assez aujourd’hui, c’est que les membres du gouvernement ne pensent plus qu’à l’après-ATT ; les ministres n’écoutent pas le Premier ministre, et cette dernière n’a aucune emprise sur les membres de son gouvernement. Avec un tel gouvernement, de tels comportements au sein de cet exécutif, on s’en sortira difficilement comme tout le monde peut facilement l’imaginer. C’est pour cela que notre pays ne connaîtra pas de sitôt la paix et qu’il risque de rester longtemps divisé.

Tous des dealers

Pire, l’autre raison pour laquelle cette rébellion perdure est le fait du comportement de certaines autorités. Des autorités qui ont accepté à un moment donné de "dealer" avec des rebelles ou des intermédiaires. Il y a eu d’abord les négociations pour libérer des otages dans lesquelles certains se sont rendus spécialistes, ainsi que dans le trafic de drogue. Des ressortissants du Nord, de hauts cadres de cette zone tapis dans leurs bureaux feutrés à Bamako,  jubilaient et jubilent toutes les fois qu’un ressortissant étranger était enlevé sur le territoire malien ou enlevé et acheminé sur notre territoire. Sans rentrer dans les détails, on se souvient de tout ce qui s’est passé -c’est de là que tout est parti apparemment- lors de l’enlèvement de la dizaine de ressortissants étrangers au début du premier mandat d’ATT. Il y a eu beaucoup d’argent en jeu cette fois-là ; ensuite ce fut autour de ressortissants néerlandais ; vint ensuite Pierre Camatte…

À chaque fois, ce sont des millions en euros qui sont distribués entre les intermédiaires et autres preneurs d’otages. Notre pays n’avait jamais auparavant connu de telles pratiques. Ajouté à cela le trafic de drogue dans lequel se sont également empêtrés certains responsables et leaders communautaires. L’avion de Tarkint est là pour confirmer tout cela. Une affaire qui n’a toujours pas pu être élucidée malgré l’interpellation du menu fretin. Un avion qui quitte la Colombie et vient atterrir tranquillement dans le désert malien, c’est qu’il y a forcément des complicités en haut lieu. Jamais on n’avait vu cela aussi auparavant.

Vous avez dit laisse-guidon ?

Par la faute de ces cadres véreux, notre pays est en passe de devenir -s’il ne l’est déjà- un pays sans dirigeant, sans loi, un grand no man’s land dans lequel tout le monde peut tout se permettre. Pour preuve, des fautes sont commises, des erreurs sont faites dont les responsables sont connus, sans qu’aucune sanction ne soit prise. C’est l’impunité totale et on a comme l’impression que tout est fait pour encourager ces situations de laisser-aller et encourager l’impunité. Même quand des sanctions sont prises, c’est toujours en retard. Pire, certains sont même encouragés pour avoir commis des fautes, comme si on voulait narguer le Peuple… suivez mon regard simplement.

Personne, ni rien n’est épargné, à commencer par le président de la République sur lequel des subordonnés "tirent" publiquement sans être inquiétés. Pour revenir au Nord, des criminels, des ressortissants de cette zone ayant commis des forfaits inimaginables, trahi le peuple, sont nommés par le chef de l’Etat à ses côtés comme conseillers, s’ils ne sont pas appelés pour les remettre des valises pleines de sous. À quelles fins ?

De l’aide pour rien

C’est connu de tous : sans paix, il n’y a pas de développement et vice-versa. Les autorités maliennes l’ont bien compris. Cependant, elles ont très mal mis en application ces assertions. En effet, en vue de lutter contre l’insécurité et ramener la paix dans le septentrion de notre pays, des projets ont été élaborés, des sous injectés, ni l’Etat encore moins les partenaires n’ont lésiné sur les moyens. Malheureusement, tous ces sous ont pris d’autres directions. Des projets sont montés en direction et en faveur des populations, mais elles ne sont aucunement associées à leur mise en œuvre ; leurs besoins réels ne sont pas pris en compte. Pire, les responsables s’enrichissent d’abord et enrichissent leurs proches au grand dam des bénéficiaires réels. On ne peut aider des populations qui ont besoin de manger en leur construisant des routes. Comme on ne peut avoir la paix quand c’est juste une ethnie -celle du patron du projet- qui bénéficie d’un projet destiné à toute une zone.

On ne peut pas connaître de paix au Nord tant que les vrais destinataires des projets n’en bénéficient pas. Aussi, on ne peut en vouloir aux jeunes du Nord et à toute la population de cette zone s’ils manifestent quand on sait qu’ils n’ont aucune opportunité et que pour qu’ils aient, ne serait-ce qu’un emploi, il faut qu’ils viennent à Bamako. Pas question de leur dénier le droit à aspirer à de meilleures conditions de vie, à se sentir comme des citoyens à part entière. Ils continueront à se rebeller et la rébellion se poursuivra au Mali tant que des gens, censés parler au nom des populations du Nord et défendre leurs intérêts, se la coulent douce à Bamako, pendant que le peuple -pour lequel on soutire de l’argent aux partenaires et à l’Etat- crève de faim et de froid dans les confins du septentrion malien. Ces "suceurs de sang" se permettent même de narguer ces pauvres populations en construisant des villas et des buildings jusqu’à Kidal en passant par Gao avec l’argent de la drogue et l’aide au développement détournée.

Ne nous voilons pas la face, nous ne connaîtrons jamais la paix au Nord tant que : les projets et l’aide ne vont pas à l’endroit de ceux qui en ont vraiment besoin ; tant qu’on n’a pas le courage de tenir le langage de la vérité à ceux qui font de cette situation un fonds de commerce. La rébellion ne finira jamais tant que les projets ne seront pas gérés par ceux qui ont vraiment souci de ce pays.

Makan Koné

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