Nord-Mali : Les nouvelles menaces du colonel Fagaga

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Incroyable, mais vrai: le multirécidiviste déserteur de l’armée malienne, le Colonel Hassan Fagaga, dont la dernière réintégration dans les casernes date de février 2009, vient d’adresser une correspondance au Président de la République, Amadou Toumani Touré, avec ampliation aux PTF et aux Chancelleries occidentales, pour dénoncer le non respect de l’Accord d’Alger par le gouvernement malien.

 

 Aussi, interpelle-t-il ATT en ces termes : «…Excellence Monsieur le Président, nous constatons que les populations qui subissent ces humiliations calculées sont pour la majorité de la communauté Ifoghas. Ces actes, de notre point de vue, ont pour but de pousser ces derniers à réagir et à devenir, aux yeux des non avertis, les responsables d’une nouvelle insécurité dans la région». En clair, le Colonel Fagaga, chef militaire à Kidal, adresse, sans ambiguïté, de nouvelles menaces aux autorités maliennes. Le hic, c’est qu’habituellement les dénonciations de ce genre sont faites par la branche politique de l’Alliance du 23 Mai pour le Changement. Cette fois-ci, c’est le chef de guerre, le Colonel Fagaga lui-même, qui est monté au créneau. A quelle fin? ATT prendra-t-il au sérieux ces intimidations? Ou va-t-on assister au laxisme auquel Bamako nous a habitués dans la gestion de ce dossier?

Nous vous proposons ci-dessous l’intégralité du document signé par le Colonel Hassan Fagaga et daté du 24 juin 2010.

ALLIANCE DÉMOCRATIQUE POUR LE CHANGEMENT DU 23 MAI 2006

Kidal, le 24 Juin 2010

 

NOTE à L’INTENTION DES PARTENAIRES

 

Contexte

Depuis 1964, les populations de la région de Kidal sont sous administration militaire. Elles ont assisté à l’exécution sommaire des chefs religieux et grands notables et restent, depuis, traumatisées par la présence militaire sur leurs territoires. Plusieurs accords ont été conclus et ont montré leurs limites :

1964, accords entre le représentant du gouvernement et les chefs touaregs pour finir la rébellion qui a commencé en 1963.

Le 06 Janvier 1991, accords de Tamanrasset entre les représentants de la rébellion et le gouvernement du Mali.

Les Mouvements et Fronts Unifiés de l’Azawad ont signé avec le Gouvernement du Mali, le 11 Avril 1992, un Pacte National consacrant un Statut Particulier pour les régions du Nord.

Le 04 Janvier 2006, l’accord d’Alger est signé entre le Gouvernement du Mali et l’Alliance Démocratique pour le Changement.

Ce dernier s’articule autour des points principaux suivants:

Un Conseil régional renforçant une Assemblée régionale

Désarmement des combattants et création d’unités spéciales de sécurité

Réinsertion socio-économique des ex – combattants

Un programme de développement économique des régions du Nord et

Le retour de l’armée à son état d’avant le 23 Mai 2006.

 

Problématique actuelle – Points de blocage

Le Conseil Régional prévu par l’accord a été créé sur papier et n’a jamais vu le jour.

Pourtant l’accord prévoit: «Le Conseil régional provisoire de coordination et de suivi est désigné pour un an, par arrêté du ministre de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales. A l’issue de sa mission, ses prérogatives seront assumées par l’Assemblée régionale. Ses compétences: Il est consulté par le département de tutelle pour l’élaboration des projets de lois et textes touchant les spécificités de la région de Kidal. Il participe à la promotion de la bonne gouvernance politique, en aidant à une meilleure utilisation des compétences locales et régionales dans les rouages de l’Etat. Il est chargé d’appuyer l’Assemblée régionale dans l’exercice de ses compétences, en matière:

D’actions de coopération avec les bailleurs de fonds, dans le cadre du développement économique, social et culturel de la région, conformément à l’article 32 du Pacte national.

De tous les aspects de la sécurité de la région, conformément aux alinéas C et D de l’article 15 du Pacte national.

Budgétaire pour la région, conformément à l’article 33 du Pacte National.

Il est chargé d’aider, de concert avec les autorités administratives et politiques, à la préservation d’un bon climat social, par les canaux traditionnels de dialogue et de concertation. Il est consulté pour tous les aspects de médiation et de développement spécifiques et contribue à éclairer l’administration dans la préservation de l’harmonie et de la cohésion sociale de la région».

La création des Unités Spéciales de Sécurité n’est pas encore effective

L’accord consacre «La Création, en dehors des zones urbaines de Kidal, d’unités spéciales de sécurité, rattachées au commandement de la zone militaire et composées essentiellement d’éléments issus des régions nomades, dans les proportions assurant l’exécution efficace des missions des unités spéciales de sécurité. L’acte de création de ces unités déterminera leur nombre, leur tableau d’effectif et de dotation, leur implantation et leurs caractéristiques.

Elles seront chargées notamment des missions suivantes: Protection et gardiennage des édifices publics, Protection des personnalités, Reconnaissance et patrouilles, Assistance à la police judiciaire, Intervention, Toutes autres missions qui seront définies dans l’acte de création. Elles agiront de manière coordonnée et en complémentarité avec les forces de sécurité nationales. Elles relèvent organiquement du commandement de la zone militaire. Elles sont placées, pour emploi, sous l’autorité du Gouverneur de la région. Elles sont rattachées aux unités de la Garde nationale. Elles sont commandées par un commandement opérationnel des unités spéciales, dont le commandant sera issu des personnels visés au chapitre III, point 5 et dont le second proviendra des autres corps des forces armées et de sécurité nationales. Le commandant opérationnel des unités spéciales dépend hiérarchiquement de l’Etat-major de la Garde Nationale. Les officiers issus du personnel visés dans le chapitre III, point 5, peuvent servir éventuellement dans les unités spéciales. Toutefois, lorsque l’unité est commandée par un officier issu des personnels visés dans le chapitre III, point 5 , son second proviendra des autres corps des forces armées ou de sécurité nationale et vice versa .

Leurs besoins en personnel seront complétés à partir des autres corps de défense et de sécurité nationale. Ces unités et leur commandement opérationnel seront dotés en personnel et en moyens, conformément au tableau des effectifs et de dotation, arrêté par voie d’arrêté de l’autorité dûment habilitée, sur proposition du groupe technique de sécurité, après avis du Comité de suivi. Elles disposent d’une structure spécialisée chargée de l’action sociale au profit de leurs personnels.

A la date qui sera fixée par le ministre de la Sécurité Intérieure, sur proposition du groupe technique de sécurité et après avis du comité de suivi, les personnels devant servir au sein de ces unités entreront en formation pour être préparés aux missions assignées à ces unités. Les programmes de formation seront établis par l’autorité dûment habilitée, sur proposition du groupe technique de sécurité, après avis du Comité de suivi. Le lieu de formation sera déterminé par l’autorité dûment habilitée , sur proposition du groupe technique de sécurité, après avis du Comité de suivi , Il servira également de lieu de cantonnement du personnel visé dans le chapitre III, point 4 et 5 . Il est placé sous la supervision du groupe technique de sécurité.

L’opération de restitution des armes, des munitions et autres matériels enlevés se fera dans  le lieu du cantonnement, à l’admission du personnel visé dans le chapitre III, points 4 et 5 , et de manière simultanée avec la  régularisation de la situation socioprofessionnelle du personnel cantonné».

La réinsertion socio – économique des jeunes risque de tourner au chaos

L’accord prévoit, dans le domaine de l’emploi, de créer des petites et moyennes entreprises, d’octroyer des crédits et de former les bénéficiaires dans les domaines de la gestion. L’Alliance n’est pas impliquée dans le programme de réinsertion, afin d’accompagner tout le processus de réinsertion pour mieux l’encadrer et veiller à la philosophie du programme pour la création effective de petites et moyennes entreprises, gage de sa réussite. Les  promoteurs de projets n’ont pas été associés  à leur formulation et des projets sont parachutés sur les jeunes, dont ils ne connaissent pas la teneur, ni les enjeux.

Un programme de développement économique et social

A part le forum de Kidal, qui est resté sans suite, les principaux points de l’accord n’ont pas connu de début d’exécution. Pourtant ce dernier prévoit :

Accélération du processus de transfert des compétences aux collectivités locales

Exécution d’un programme durable pour l’accès à l’eau potable au niveau de toute la région et notamment des localités importantes

Dans les domaines de l’équipement et de la communication

Désenclavement de la région par le bitumage des axes routiers principaux: de Kidal vers Gao, Ménaka et l’Algérie

Réalisation de l’aérodrome de Kidal

Réhabilitation de l’aérodrome de Tessalit

Electrification des chefs-lieux des cercles et des communes

Couverture de communication téléphonique au niveau des chefs-lieux des cercles et des communes

Encourager les programmes de recherche et d’exploration des ressources naturelles

Mise en place d’un programme spécial en direction des diplômés en langue arabe, dans le cadre d’un recyclage et  d’une spécialisation

Reconduction pour durée de dix (10) ans du régime préférentiel fiscal défini par le Pacte national pour les régions du Nord du Mali, en vue d’attirer et d’encourager l’investissement.

Le retour de l’armée à son état d’avant le 23 Mai 2006

Depuis la signature de l’accord, nous n’avons assisté qu’au contraire de cette disposition. L’armée n’a fait que se renforcer, y compris par des supplétifs de milices.

Elections falsifiées

Les dernières élections communales se sont déroulées dans la majeure partie de la région au bout du fusil, en vue de falsifier les résultats en toute quiétude. Des citoyens ont été empêchés de voter, des urnes ont été bourrées et des blindés ont même servi de bureaux de vote. Les différentes plaintes ont été bloquées même au niveau de la Cour Suprême.

Provocations et tracasseries diverses

Durant le mois d’Avril 2010, des colonnes de patrouilles des forces armées et de sécurité ont sillonné les cercles de Tin Essako et Abeybara pour provoquer les paisibles populations. Les tracasseries de toutes sortes ont poussé le Chef de la Tribu des Ifoghas à écrire au Président de la République une lettre, dans laquelle il disait: «Les milices … sous la bannière des forces armées et de sécurité, sèment tout genre de provocations : coups de matraques et crosses, fouilles des campements, insultes, confiscation de biens des citoyens et autres humiliations gratuites. Excellence Monsieur le Président, nous constatons que les populations qui subissent ces humiliations calculées sont pour la majorité de la communauté Ifoghas. Ces actes, de notre point de vue, ont pour but de pousser ces derniers à réagir et devenir, aux yeux des non avertis, les responsables d’une nouvelle insécurité dans la région».

Conclusion

Nous sommes pour la paix, comme tout être humain aspire à la paix, et il nous semble que, pour réaliser cette paix, si la signature de l’Accord a été une phase importante, son application réelle, franche et effective demeure tout aussi fondamentale.

Pour l’Alliance,

Lt Colonel Hassan Fagaga

 

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