A quelques encablures de la dernière ligne droite vers un accord définitif dans le cadre des pourparlers du dialogue inter-malien à Alger, sa durabilité semble déjà compromise par un enlisement tribal et communautariste sur fond de règlements de comptes et d’intérêts peu avouables. Le processus en soi n’en connaît pas forcément un coup d’arrêt, mais il y a tout lieu de s’interroger sur les chances de consolidation d’un éventuel accord par une nécessaire réconciliation nationale.
Les relents communautaires de la dynamique d’apaisement du septentrion se sont manifestés, dès l’étape de Ouagadougou, par des réserves des mouvements armés séparatistes et leur refus de reconnaitre leurs homologues loyalistes comme protagonistes des négociations avec la partie gouvernementale. Il leur paraissait notamment vicieux et insidieux de biaiser le dialogue entre un Etat et une rébellion en y associant les tendances dénommées milices pro-gouvernementales. La question a derechef refait surface à Alger et aura longtemps déteint sur le processus avant que la médiation internationale ne trouve une sortie laborieuse de crispation.
La solution a consisté à faire signer séparément les représentants des différentes coalitions communautaires, mais elle n’a pas empêché qu’elles s’affrontent sur le terrain pour asseoir leur influence et prétentions territorialistes. L’accord de cessez-le-feu signé après les incidents meurtriers de Kidal n’a ainsi point résisté à la bataille de chaque communauté d’être prise en compte et de compte dans la balance du processus des négociations. Face à la coalition MNLA-MAA-HCUA formée autour du séparatisme arabo-ifoghas et alliés s’est positionnée l’alliance loyaliste de circonstance arabo-songhaï-imghad (GATIA). Les uns sont motivés par des prétentions territorialistes autonomistes, tandis que les autres forment une combinazzione où chaque communauté trouve son compte.
Les sédentaires préviennent une extension de l’hégémonie séparatiste à leurs platebandes historiques, les Touareg loyalistes une ascendance de la minorité tribale sur la majorité, les Arabes pro-étatiques comptent sur l’alliance avec un pouvoir régulier pour mener leurs activités lucratives dans la zones.
Quoi qu’il en soit, l’alliance de circonstance réalise des merveilles dans sa résistance farouche à l’avancée de la vague «l’Azawadiste», quoique son avènement puisse être perçu comme une guerre par procuration entretenue par un Etat affaibli par la déroute de l’armée régulière. «Les pouvoirs ne font rien pour arrêter la violation flagrante de la cessation des hostilités par les groupes qui se réclament d’eux», note par exemple une source proche des mouvements adverses.
La donne ne serait néanmoins pas un facteur bloquant dans le processus d’Alger, a confié la même source, prouvant du coup que le Mnla et alliés ne sont pas prêts à cracher sur les précieux acquis contenus dans l’accord que l’Etat malien s’apprête à signer lors du tout prochain rendez-vous d’Alger. Beaucoup moins rassurante, en revanche, la durabilité dudit accord en tant qu’instrument susceptible d’asseoir une paix définitive dans le septentrion. Et pour cause, l’enlisement inter et intra-communautaire sur fond de règlements de comptes est une réelle source d’inquiétude d’autant qu’il ouvre le chemin d’un laborieux processus de réconciliation pour ce faire. Dernier avatar de cet enlisement, l’assassinat d’un des chefs de la tribu Oulimidane et Maire d’Anderamboukane, Aroudéni Ag Hamatou, un allié du Mnla redevenu loyaliste après l’occupation. Son meurtre intervient dans un contexte d’avancée notoire des forces loyalistes dans sa contrée et ne partait point étranger à la perte progressive d’influence du séparatisme dans la zone de Ménaka.
Dans celle de Tombouctou également, notamment à Ber, la tension intercommunautaire n’est point propice à une réconciliation nationale d’autant plus précieuse que la signature d’un accord à Alger n’est pas une fin en soi et pourrait aussitôt se volatiliser en cas de persistance des hostilités d’une dimension moins contrôlable.
Abdrahmane KEITA
Traitre
Bon resumé Wartehen.
Pour en revenir au titre de l’article, la creation et la proliferation de milices armées peuvent aussi être un bombe a retardement. Un autre danger qui planne sur nos communautés nordique et même pour le pays.
Donc le gouvernement a du pain sur la planche en faisant une negotiation sans failles pour une Vraie Reconciliation Nationale.
« La rébellion touarègue de 2012 représente plus qu’une opportunité, une aubaine et une bénédiction pour le Mali » ; cependant que cette Catastrophe (« Alfitnat », « Almaçibat », en Tamacheq) « est vécue par la communauté touarègue comme une grande désillusion (et un non-sens), ayant entrainé un recul de trente ans pour les régions du Nord du Mali » ; ce n’est pas moi qui le dis mais deux talentueux journalistes maliens dans les articles dont je copie ici des extraits.
1. « La Rébellion Touarègue : plus qu’une opportunité, une aubaine et une bénédiction pour le Mali » par Sory Birahim SIDIBE ; Mali Demain du 15 Novembre 2014.
Les maux engendrés par la rébellion touarègue et les raisons de leur perpétuation.
Le nombre de soldats maliens et étrangers tombés sur les champs de bataille et à l’occasion d’attentats perpétrés par les rebelles est affligeant. L’horreur du massacre de plus d’une centaine de jeunes soldats maliens, égorgés ou éventrés à Aguelhok, est encore vivace dans tous les esprits.
Les mutilations, les viols, les flagellations et autres brimades, la destruction du patrimoine culturel multiséculaire du nord du pays, le saccage des infrastructures administratives, sanitaires et scolaires, l’assassinat d’administrateurs et de civils, dans l’exercice de leurs fonctions, sont autant de maux répertoriés à la faveur de cette rébellion. Au-delà de la macabre panoplie de faits liés à la rébellion touarègue, il y a eu le mal le plus grave et le plus choquant que le Mali ait jamais connu, à savoir la perte de sa souveraineté sur les deux tiers du territoire national avec son corollaire d’humiliation et d’atteinte grave aux deux notions qui sont le fondement de la nation malienne : l’honneur et la dignité.
C’est aussi à l’occasion de cette rébellion qu’une junte militaire a surgi sur la scène politique pour perpétrer un coup d’Etat contre le Président Amadou Toumani Touré avec une remise en cause de l’ensemble des institutions de la République. Ce coup d’Etat, qui a suscité de grands espoirs au sein de la population, s’est soldé par un échec cuisant car la montagne du CNDRE n’a pu accoucher que d’une souris. Sans aucune expérience de la gestion du pouvoir d’Etat et acculé de toute part, à l’intérieur par le FDR et à l’extérieur par la communauté internationale, CEDEAO en tête, le CNDRE a dû rendre les armes sans combats.
La transition politique qui s’en est suivi a été sans aucune envergure, pendant près de deux ans, avec ses travers de querelles intestines et ses oripeaux de mauvaise gouvernance avérée. L’on se souvient que c’est pendant cette période que le Mali s’est offert en spectacle, au sein de la communauté des nations, par l’agression d’un Chef d’Etat par des manifestants dans les locaux de la Présidence de la République. C’est aussi pendant cette période que l’on a frôlé la complète désagrégation du pays avec la marche triomphale, entamée en Janvier 2013, par les rebelles alliés aux djihadistes de tous bords sur Bamako. Il a fallu l’intervention salvatrice de la France, avec l’Opération Serval, pour sauver le pays de la conquête des rebelles alliés aux narcotrafiquants et aux terroristes de tous acabits.
C’est dans ce contexte sombre et macabre que se sont déroulées les élections générales de sortie de crise ayant plébiscité le Président Ibrahim Boubacar Kéita dont le choix ne s’est imposé aux électeurs que dans l’espoir de le voir redresser le pays et de le faire sortir de la situation catastrophique dans laquelle plus de 20 ans de mal gouvernance l’ont plongé. De mémoire d’homme, il n y a jamais eu, au Mali, d’élection ayant autant mobilisé les masses populaires que celle de la présidentielle de Juillet 2013.
Ces maux de 2012-2013 sont apparus, pour la plupart, après le coup d’Etat du CMLN en 1968, se sont considérablement amplifiés suite à l’ouverture démocratique de 1992 qui a produit des gouvernants d’un type nouveaux, formés dans les écoles occidentales, plus futés et ayant moins de patriotisme et de scrupules que leurs prédécesseurs. Sensés avoir pris le pouvoir pour satisfaire les aspirations légitimes du peuple malien, on découvre, 20 ans après, qu’ils n’ont fait que se servir de l’Etat pour s’enrichir. Se comportant comme si le Mali et les Maliens leur appartenaient, c’est méthodiquement qu’ils ont travaillé à effriter progressivement l’autorité de l’Etat pour instaurer la leur propre qui, malheureusement, n’est pas apte à assurer la défense, la sécurité et l’intégrité territoriale du pays. Le paroxysme de cette mutation négative de la société malienne est atteint avec le régime du Président Amadou Toumani Touré qui a instauré l’impunité comme système principal de gestion des affaires publiques. C’est sous lui que la théorie et la pratique du consensualisme politique ont été instaurées comme un modèle de gouvernance qui réserve une place à tous les convives autour de la table pour le partage du gâteau. C’est sous lui que l’autorité de l’Etat s’est complètement désagrégée, que les institutions de la République et le pays tout entier se sont effondrés et aujourd’hui une Haute Cour de Justice a été constituée pour le juger parce que c’est lui que l’on tient pour le responsable de l’immondice de déshonneur, d’humiliation, de honte, de désespoir et de désillusion qu’est devenu le Mali.
Voici, exposé sommairement, le mal que porte en elle la rébellion touarègue et aussi les raisons qui l’ont engendré et amplifié et qui peuvent être tenues pour essentiellement liées à la faiblesse et au long sommeil cataleptique de la société civile malienne.
L’éveil de la société civile malienne, une aubaine pour l’autorité politique et une bénédiction pour le Mali.
A contrario, le bien qui résulte de cette dernière rébellion touarègue, c’est le réveil de cette société civile et l’éveil de la conscience qu’elle a désormais de sa force et de sa capacité à influencer le cours des événements dans le pays. Il a fallu cette dernière rébellion touarègue pour que, peu à peu, le peuple souverain du Mali, abasourdi par l’ampleur de la déchéance et de la déliquescence de l’Etat, se réveille et s’engage enfin à taire ses querelles intestines et à prendre son destin courageusement en main, contre ses ennemis de l’intérieur et de l’extérieur. La prise de conscience du risque de partition du pays qui pointe à l’horizon, suite à la radicalisation de la position des rebelles et surtout à des prémices de soutien aux sécessionnistes de la part de certains facilitateurs, a sonné la cloche et l’alarme qui ont réveillé la société civile malienne dans son ensemble et dans toutes ses composantes. Partout dans le pays, même à Kidal, la société civile s’est non seulement réveillée mais surtout elle s’est mobilisée et a pris conscience de sa force et de son pouvoir de dissuasion qui a déjà commencé à désemparer les groupes armés et leurs commanditaires. Et personnes n’est dupe de leurs dernières réactions tendant à l’abandon de l’indépendance et du fédéralisme et aussi à une meilleure collaboration avec ce Mali désormais débout et qui ne s’assoira plus. Les marches gigantesques, organisées dans toutes les villes du Mali, pour dire non à la partition du pays et au fédéralisme, ont certainement eu l’impact escompté et les autorités nationales se doivent de s’appuyer sur ce substrat de patriotisme et de nationalisme, s’exacerbant au fil des exigences des rebelles touaregs et des tergiversations de la communauté internationale, pour mener à bien les négociations en cours à Alger.
A la fin, peut-on dire, sans risque de se tromper, que c’est bien cette rébellion touarègue qui a donné à la société civile malienne une opportunité de se réveiller et de peser de tout son poids sur la gestion des affaires publiques est une aubaine pour le Président Ibrahim Boubacar Kéita et une bénédiction pour tout le Mali.
2. Intagrist (ag-Mohammad-Ametta) Al Ansari, un jeune journaliste touareg résident en Mauritanie a écrit, dans un article publié en Septembre 2014 dans le journal en ligne Lecourrierdumaghrebetdelorient.info, une contribution intitulée « Le point de vue touareg : une grande désillusion ! », je le cite : « Un recul de trente ans pour nos régions », se sont exclamés des représentants touaregs qui estiment que la rébellion de 2012 est devenue « un non-sens » et qu’elle n’aurait jamais dû voir le jour. Les pourparlers de paix au Mali ont repris ce 1er septembre, à Alger. Le contenu de la feuille de route, préalable à ce dialogue, signée en juillet dernier, désillusionne ceux, parmi les Touaregs, qui avaient espéré un dénouement favorable à leur cause partagée – par certains – avec les mouvements de l’Azawad. ».
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