Des communautés mécontentes pour leur mise à l’écart viennent de prendre les armes pour se faire entendre, estimant que c’est l’unique option de faire prévaloir leur voix face au traitement de faveur accordé à la coalition des groupes MNLA, HCUA et MAA( dissidents). Qui du gouvernement ou de la communauté internationale faut-il blâmer ? En attendant, la perspective de la reprise du dialogue entre Bamako et les groupes armés menace de basculer davantage le Nord du Mali dans l’anarchie.
Les frustrés, c’est d’abord dans la communauté Imrad du général Touareg loyaliste El Hadj Ag Gamou qu’ils existent. Tellement remontés, ils ont créé la semaine dernière le Groupe d’autodéfense touareg Imrad et alliés (Gatia). Une des raisons du report de la reprise des négociations à Alger pourrait être liée au fait qu’ils ont demandé aux autorités maliennes et internationales la possibilité de participer aux prochains pourparlers à Alger.
On sait que les Imrad sont opposés à l’autonomie du Nord et que le but de leur intention de prendre le maquis est qu’il est devenu nécessaire d’avoir un groupe armé afin de participer au processus de paix. A Alger, le MNLA qui aime se la jouer a profité de sa position favorite pour imposer au gouvernement malien la mise à l’écart des autres mouvements armés qu’il considère comme non belligérants.
Revendiquant près d’un millier de combattants, le Gatia est essentiellement composé d’éléments de tribu Imrad. Leurs représentants au sein de forces armées maliennes ont choisi de ne pas quitter les rangs lorsque la plupart des intégrés rejoignait les insurgés en 2012. Pourtant, les Imrad constituent la plus importante communauté Touareg au Mali et leur aire de répartition va de Tombouctou à Kidal en passant par Gao.
Peu d’informations circulent sur l’appartenance communautaire des autres membres du Gatia, mais les frustrés du Nord sont très nombreux. Il y a notamment des Arabes loyalistes, même si d’autres groupes armés comme le MAA originel parlent et agissent en leur nom depuis le début de la crise. Et les communautés arabes représentent des forces politiques et militaires non négligeables dans le Nord du Mali.
Maintenant, c’est à chacun de défendre son terroir dans la zone. Une situation favorisée par le retrait des forces armées maliennes après l’échec de la tentative de sécurisation de la ville de Kidal en mai dernier. Les mouvements armés issus des communautés sédentaires Sonrhaï et Peul ainsi que les Bellahs pourraient suivre la voie des armes comme ils l’ont déjà affirmé par le passé.
Quant au Gatia, le groupe se dit déjà en armé, mais ne compte pas retourner ses armes contre l’Etat malien, selon son secrétaire général Fahad Ah Al-Mahmoud. L’unique objectif, dit-il, c’est pour que les autres communautés qui sont en armes ne leur absolument dictent pas ce qu’ils doivent faire ou pas dans la région.
Le retrait de l’armée malienne a laissé un profond sentiment d’isolation chez les Imrad qui ne savent plus où donner de la tête. Le secrétaire général du Gatia résumait si bien cet isolement lorsqu’il affirmait à la presse qu’ils sont devenus des laissés pour compte. En clair, il est convaincu qu’ils ne peuvent pas être impliqués dans les pourparlers en tant que communauté tout court sans brandir des armes.
Pour forcer la main du gouvernement, il fallait nécessairement en arriver là: créer un groupe armé, comme tous les autres afin de participer au processus de paix. Difficile de dire que tout ça, c est la rançon du traitement de faveur que la communauté internationale et le gouvernement malien ont accordé au groupe MNLA.
Ce qui est certain, si à Alger il n’y avait pas eu deux feuilles de route séparées, Gatia n’aurait probablement pas existé. On a même fait à Bamako la promotion de la seule feuille de route signée avec le MNLA, toute chose qui contribue à alimenter le sentiment de rejet chez les groupes d’autodéfense. Certains ont d’ailleurs entretenu la rumeur sur la possibilité de rejoindre le MNLA.
Mais c’est avec véhémence que Fahad Ag Almahmoud clame son appartenance au Mali et raconte qu’en aucune manière Gatia ne cherche la division du Mali. «On est prêts à faire la paix avec tous nos autres frères qui ne partagent pas la même vision que nous, pourvu qu’ils nous respectent et respectent notre point de vue», avait laissé entendre à un média français. Toutefois, on ne peu jurer de rien dans le poker menteur malien.
Soumaïla T. Diarra