L’affaire n’a pas été ébruitée. Nous sommes le 26 janvier, au cœur de la nuit, il est quatre heures du matin, la ville de Gao vient à peine de tomber. Une colonne d’une centaine de véhicules – 400 militaires maliens, 100 français – progresse, formant un convoi qui s’étire sur dix kilomètres. À un kilomètre avant Gao, le premier véhicule blindé tombe dans un énorme cratère de trois mètres de diamètre et d’un mètre cinquante de profondeur. Sous le choc, le véhicule est disloqué, deux soldats français sont blessés, nez cassé, bras fracturé, trauma crânien.
Explication : la veille, les Forces spéciales se sont retrouvées face à un pick-up bourré d’explosifs conduit par deux kamikazes. Les Français ont ouvert le feu, le véhicule a explosé, les corps des deux islamistes “blastés”, – disloqués par le souffle, gisent sur le bas-côté de la route. Il fait très noir, une équipe télé, qui accompagne le convoi, ne peut pas faire d’images. D’autant qu’immédiatement, à la radio, on entend la consigne “attention ! Restriction presse.” Pas d’images, donc pas d’histoire. Le convoi reprend son chemin.
Constat. Il est double. Un, les Forces spéciales ont toujours été devant et elles savent tirer. On s’en doutait. Deux, plus important, face aux frappes aériennes qui les laissaient impuissants, puis face aux troupes au sol, plus vulnérables, les djihadistes ont commencé très tôt à utiliser les armes qu’ils connaissent : kamikazes, voitures – piégées ou suicides, mines, accrochages éclairs, bref toute la panoplie des groupes islamistes (…)
« Dialoguer ? Seulement devant un tribunal ! »
La France s’est portée au secours du Mali pour stopper la marche des islamistes sur Bamako. C’est tout à son honneur, et la population malienne semble lui en savoir gré. Mais il ne lui appartient pas de décider en lieu et place des Maliens avec qui et comment régler les problèmes du Nord du pays, que nul ne songe à nier.
Imposer le MNLA à la table des négociations serait à juste titre considéré comme une ingérence inadmissible dans les affaires d’un Etat souverain, et ferait perdre à la France le bénéfice politique d’une intervention que tous saluent jusqu’à présent. Ce serait plus qu’une erreur : une faute.
On semble mal, en effet, mesurer à Paris ce que la rue de Bamako pense du MNLA, dont les principaux dirigeants sont désormais, au même titre que ceux du Mujao ou d’Ansar Dine, visés par un mandat d’arrêt international lancé par le procureur général près la cour d’appel de Bamako le 8 février. « Dialoguer avec le MNLA ? » s’interroge Ahmed Thiam dans le journal Le 26 mars du 9 février. « Oui ! Mais seulement devant un tribunal. »
Source : Le Nouvel Observateur
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