Décidément, le Nord du Mali semble devenir un champ où fleurissent, comme s’il s’agissait de commerces, les groupes armés, rebelles ou non. En seulement deux ans, sans tenir compte des groupes estampillés terroristes –AQMI, MUAO, Ansardine-, ils se sont multipliés à une vitesse stratosphérique, plongeant cette partie du pays dans une sorte de poudrière qui menace d’exploser à tout moment en raison du fait que le groupe rebelle qui était en pole position, à savoir le MNLA, avait au départ donné à son soulèvement un caractère ethnique. Ce qui, à l’époque comme maintenant, a poussé beaucoup sur le chemin d’une défiance à l’égard de ce mouvement qui pense, encore aujourd’hui et c’est malheureux, que cette rébellion n’est rien de moins que l’expression d’un conflit entre le Nord et le reste du pays, le Mali. Alors qu’il s’agissait plutôt d’un soulèvement purement ethnique, orchestré par quelques touareg issus d’une puissante tribu – les Ifoghas- et qui a donné le résultat que l’on sait : une fracture tribale. Après le MNLA, il y a eu le HCUA, le MAA… et les groupes armés d’autodéfense (Ganda Izo, Ganda Koï).
Nombreux sont les Maliens qui ne comprennent pas eux-mêmes le surgissement d’un nouveau groupe armé dit d’autodéfense, touareg qui plus est : Groupe d’autodéfense touareg Imrad et alliés (Gatia). Ce nouveau-né aurait comme parrain une autre tribu touareg, les Imrads, dont est issu le général touareg de l’armée malienne, El Hadj Ag Gamou, et qui, chose digne de remarque, entretiennent une rivalité farouche avec les Ifoghas. Aussi, Fahad Ag Almahmoud, secrétaire général du Gatia, s’est dépêché de préciser que son mouvement ne prend pas les armes contre le gouvernement malien, qu’il est opposé à toute forme d’autonomie et que de Kayes à Kidal ne doit flotter en l’air qu’un seul drapeau. Et d’évoquer qu’il est proche d’une branche du MAA, opposée à l’autonomie.
Alors que l’étape de la négociation des questions de fond entre le gouvernement malien et les groupes armés a été reportée au 1er septembre prochain, la création d’un groupe armé peut donner, disons-le, matière à inquiétude. Mais en se situant dans une approche ethnographique, dont il faut d’ailleurs se méfier, on peut dire que la création de ce groupe est un message envoyé à la rébellion MNLA, message qui, décodé, veut dire que le rapport de force existant entre le MNLA et les autres groupes au Nord, ne peut plus durer. Et encore plus important, c’est que le MNLA est de plus en plus seul dans ses ambitions séparatistes et racistes qui souillent l’image des touareg, mais pas seulement des touareg : tout le Nord du Mali. Une occasion de plus pour signaler à l’attention de quelques abrutis analystes et intellectuels, à l’étranger surtout, que l’apparition de ce mouvement n’était pas une bonne chose. Il a ouvert à quelques inconscients un boulevard où ils ont entonné les clichés et autres « imbécilités » sur les populations du Nord. Il a placé les touareg d’abord dans une posture gênante, et accessoirement les autres peuples sahariens (Peuls, Songhoï, Kel Tamasheq, Arabes).
Bien entendu, tout cela est bien le signe que le Nord du Mali est encore dans l’instabilité. Une instabilité dans laquelle le pouvoir est en train de gagner des ralliements, à mesure que les tensions intercommunautaires gagnent en ampleur. C’est pourquoi il y a tout de même à signaler quelque chose à la fois d’inquiétant et d’apaisant. Ce qui est apaisant, c’est que le GATIA n’est pas une rébellion vis-à-vis du pouvoir, mais l’expression de soutien d’une tribu au caractère indivisible du Mali. L’inquiétude peut venir du fait que cela se passe dans une partie du pays encore à la dérive. Au Nord du Mali, l’absence de l’Etat fait que les différentes communautés vivent dans une relation des plus précaires, et dont la rupture violente peut générer une tragédie. Le GATIA est en cela le signe qu’au Nord, nous vivons sur une poudrière.
Boubacar Sangaré
N’est-ce pas normal lorsque l’Etat donne l’impression de n’accorder d’importance et d’intérêt qu’à ceux qui prennent les armes comme moyens d’expressions? Aujourd’hui ce sont les touaregs, demain ça pourrait être les sénoufos, les bwas, les osninkés, les bambaras, les malinkés, etc. Alors, il en sera finit de l’idéal MALI que nous ont légué nos vaillants pères de l’indépendance du Soudan.
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