Plusieurs pays africains travaillent à la mise sur pied une force armée en vue de chasser les groupes islamistes qui contrôlent le nord du Mali. Au même moment, les efforts diplomatiques se multiplient pour trouver à une solution négociée. Mais Ansar Dine, le mouvement d’Iyad Ag Ghali, ne cesse de multiplier les pirouettes….
Quel avenir pour le dialogue ?
Cette menace d’intervention militaire appuie les efforts diplomatiques en vue de trouver une solution négociée à la crise malienne. Le Burkinabè Blaise Compaoré joue les médiateurs, encouragé par l’Algérie, puissance voisine qui craint qu’une intervention militaire n’entraîne une guerre civile régionale. La médiation concentre, pour l’instant, ses efforts sur le groupe islamiste armé Ansar Dine et tente de le désolidariser des deux autres groupes islamistes, AQMI et le Mujao.Un des chefs du Mujao vient d’ailleurs de déserter avec sa faction et est rentré au Niger; il dénonce le Mujao comme un groupe de trafiquants de drogue et de racistes vis-à-vis des Noirs. Les discussions entre la médiation burkinabè et les représentants d’Ansar Dine, entamées il y a une semaine, se sont poursuivies jeudi avec Hamada Ag Bibi, arrivé à Ouagadougou en provenance d’Alger où il a eu des entretiens avec les autorités. L’Algérie, incontournable dans la résolution de la crise, privilégie le dialogue sans exclure la force contre les “groupes terroristes” et contre ceux qui prônent la partition du Mali. En visite à Alger, l’envoyé spécial de l’ONU au Sahel, Romano Prodi, a déclaré qu’une intervention militaire ne se produirait qu’en “dernier ressort”. Le dialogue avec Ansar Dine, composée essentiellement de Touaregs, ainsi qu’avec la rébellion laïque touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) qui revendique l’autodétermination pour le nord du Mali, n’exclut pas l’usage de la force armée. Cette double approche a été évoquée à Ouagadougou par Blaise Compaoré lors de sa rencontré le général guinéen Sékouba Konaté, chargé par l’Union Africaine de préparer une intervention militaire au Mali.
Arrivera-t-on à découpler Ansar Dine de ses amis “terroristes” d’AQMI et du Mujao ? Bien malin qui pourrait l’assurer. Le mouvement souffle en effet le chaud et le froid. Porte-parole d’Ansar Dine, Mohamed Ag Aharib a confié au quotidien algérien Al-Watan, le week-end dernier: “Aqmi est composé de musulmans, comme nous. Nous demander de combattre d’autres musulmans va contre notre éthique”. Ag Aharib voit dans une éventuelle intervention militaire “une coalition internationale contre les populations arabes et touaregs du Nord-Mali”. Il estime que “l’on ne peut s’en prendre à Aqmi ou au Mujao sans toucher aux populations : comment distinguer un terroriste d’un simple citoyen ?”. Il craint que l’intervention armée ne revienne “à exterminer tout un peuple”. Il fait remarquer, avec cynisme, que l’Etat malien aurait pu combattre Aqmi du temps où il était puissant mais qu’il a préféré ne rien faire 10 ans durant. Ces propos d’Ag Aharib prennent le contre-pied de récentes déclarations d’Ansar Dine en faveur d’un dialogue national entre Maliens et d’une prise de distance d’Ansar Dine par rapport à Aqmi et au Mujao. Pis, Ag Aharib révèle qu’Ansar Dine n’a pris ces engagements qu’à la “demande insistante” des capitales afriocaines mais aussi pour montrer son indépendance et sa vocation non terroriste ! Du coup, les Occidentaux doutent de la bonne foi d’Ansar Dine.
Des renforts à la pelle
Les groupes islamistes reçoivent, pendant ce temps, des renforts venus de l’étranger. Un jihadiste“franco-africain” et ses deux complices “arabes” ont été, mercredi, arrêtés dans le centre du Mali alors qu’ils rejoignaient le Nord; ils ont ensuite été transférés à Bamako. Le parquet de Paris a ouvert, mercredi dernier, une enquête à la suite de ces arrestations. Selon les autorités judiciaires françaises, le “franco-malien” pourrait être l’un des terroristes mis en examen dans un dossier de tentative d’assassinat du recteur de la Grande mosquée de Paris, DalilBoubakeur, à l’automne 2010: poursuivi pour “association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste”, il avait été remis en liberté, en juillet 2010, sous contrôle judiciaire avec obligation de pointer trois fois par semaine au tribunal de grande instance de Paris.Il se serait présenté la dernière fois le 31 octobre puis aurait quitté la France avec de faux papiers pour le Portugal d’où il aurait pris un vol à destination de Bamako. En août 2012, le parquet de Paris avait ouvert une information judiciaire à la suite de l’interpellation à Niamey (Niger) d’un autre Français, né en 1985, qui projetait de se rendre à Tombouctou pour rejoindre les groupes islamistes. L’homme a ensuite été expulsé vers la France avant d’y être placé en détention provisoire. Deux autres informations judiciaires sur des faits similaires ont été ouvertes ces derniers mois en France.
L’on note aussi un afflux massif de jihadistes africains vers le nord du Mali où ils sont enrôlés par les islamistes armés. Des centaines de jihadistes originaires du Soudan et du Sahara occidental sont arrivés fin octobre au nord du Mali, décidés à se battre en cas d’intervention internationale aux côtés des occupants rebelles. RFI a fait également état de l’arrivée de combattants tunisiens et égyptiens. Information confirmée par des témoins contactés par l’AFP. Un habitant de Tombouctou a affirmé à l’AFP que “plus de 150 islamistes soudanais sont arrivés en 48 h dans la ville. Ils ont expliqué qu’ils sont venus aider leurs frères musulmans contre les mécréants”. Un dirigeant du Mujao à Gao a confirmé à l’AFP l’arrivée de ces islamistes étrangers: “Ils veulent la guerre? On va faire la guerre. C’est pourquoi nos frères viennent de partout: des camps de Tindouf, d’Algérie, du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, de partout !”.
Tiékorobani