Il est des moments où, dans la vie d’une nation, tout va mal, tout, et tout le monde s’en rend compte, du plus vieux au dernier-né, générant ainsi une sorte de « panique au pays » qui profite aux prophètes de malheur de tout poil. La période que le Mali connait actuellement ne fait pas exception. C’est une sorte de période ‘’roman’’, faite de péripéties terribles pour tout un peuple offensé dans sa dignité, son amour-propre, et à qui on a pu éviter de sombrer dans le pessimisme, d’avoir un état d’esprit sceptique qui le fait croire chaque jour davantage à la Nakba ((c’est le terme, car comment qualifier autrement la partition d’un pays ?).
La situation du Mali, c’est un fait, ne porte pas à l’optimisme. Nous connaissons le pouvoir malien, nous le savons d’une faiblesse vertigineuse qui le rend incapable de décisions précises- c’était le cas jusqu’à maintenant- concernant la question du nord du pays où sa voix ne porte plus, son autorité s’est effritée du moment que l’Armée Nationale y a cédé devant l’implacable rouleau compresseur des groupes rebelles armés MNLA, HCUA, MAA…, dont les drapeaux flottent, en plus de Kidal, sur Djebock ( 45 kms de Gao), sur Ber (53 kms de Tombouctou). Inutile de dire que le statu quo au nord frise l’inacceptable, et celle au sud n’en demeure pas moins une raison pour retirer sa confiance aux détenteurs actuels des leviers du pouvoir. Parce qu’il y a eu un vote, un plébiscite (77% des suffrages exprimés pour IBK) pour restaurer l’ordre politique et l’Etat. Un Etat solide comme jamais il n’a été, qui n’aura aucune commune mesure avec celui que nous avons maintenant, compartimenté, coupé en deux, avec une partie qui semble en train de couler entre les mains du pouvoir comme de l’eau.
La presse locale parle, tous les jours, et dans tous les sens, des pourparlers inclusifs qui démarrent à Alger aujourd’hui, entre le gouvernement malien et les groupes rebelles armés (HCUA, MNLA, MAA…) et d’autodéfense. C’est une presse qui est vent debout, qui s’interroge sans cesse par rapport à cette question des négociations, et, plus important encore, s’avance jusqu’à placer le président IBK au centre des critiques, lui reprochant une gestion à la diable, d’une opacité rare de l’Etat, dénonçant la mise sur pied d’une oligarchie. Au point que le slogan de campagne « Le Mali d’abord ! » a été détourné : « La famille d’abord ! ». Il y a là lieu de faire un constat, qui est qu’au Mali la presse fait plus de la politique que la politique elle-même, laquelle, à propos des pourparlers, s’est installée jusqu’ici dans le mutisme avant que le PARENA (encore ce parti, on se souvient du Mémorandum polémique sur les sept premiers mois du quinquennat du président de la République), au grand soulagement de beaucoup, ne brise la glace avec la conférence de presse donnée le samedi dernier par son président sur la « Situation politique nationale : comment sortir de l’impasse ? » où, sur le Nord, le parti du bélier blanc a proposé la réunion d’ « une Table-ronde majorité/opposition élargie aux autres forces vives du pays pour élaborer une Plateforme et une vision malienne qui seront défendues par les négociateurs du gouvernement » et « l’élection des gouverneurs de toutes les régions du Mali par des assemblées régionales élues à la proportionnelle et disposant de réelles compétences dans le cadre du principe démocratique de la libre administration des collectivités territoriales ».
Bien entendu, la tenue des pourparlers à Alger n’a pas laissé l’opinion indifférente, et elle vaut aujourd’hui à ce pays d’être criblé de reproches, d’accusations qui ne sont pas pour la plupart gratuites. C’est vrai, il est impossible de garder la tête froide à la veille de ces négociations, surtout après la lecture du « document de projet d’institutions pour un statut particulier de l’Azawad », signé respectivement par Bilal Ag Achérif, Alghabass Ag Intallah et Sidi Ibrahim ould Sidati. Dans ce document, dont la presse s’est faite l’écho, il est parlé de doter l’Azawad d’institutions, ce qui débouche sur « une collectivité qui remplacera Tombouctou, Gao, Kidal et leurs cercles » avec une autonomie de gestion.
Qu’on se le dise, l’acceptation du gouvernement malien de négocier avec des groupes rebelles qui, qu’on le veuille ou non, ne méritent pas d’être autorisés et qui font partie malgré nous du champ médiatique national et international, ne doit pas pousser à jeter aux mites ces interrogations : une autonomie pour faire quoi ? Pour faire bande à part dans un pays qui craque de partout, où la démocratie et l’Etat de droit constituent encore un problème de fond ? Une autonomie parce qu’il s’agit d’une région qui relève de potentiels en termes de sous-sol, de minerais, de pétrole, de gaz, de gisements de terres rares etc… ? Une autonomie parce que la communauté et quelques idiots spécialisés ou spécialistes ès charabia ont été assez dupes de croire à ce discours séparatiste selon lequel le nord a été sciemment maintenu dans le sous-développement ? Alors qu’on sait bel et bien qu’au Mali, de Kayes à Kidal, les systèmes éducatif, culturel… se désagrègent. Partout c’était la même politique de démission qui a été menée. Et si les groupes rebelles pensent qu’avec l’autonomie ils pourront relever seuls ces défis, c’est qu’ils sont politiquement immatures.
Enfin, pour finir, le MNLA n’était au départ qu’un groupe facebook, avec un projet constitué par des étrangers. Ces groupes rebelles ne sont qu’une minorité qui ne représente qu’elle-même. Les rebelles du MNLA ne sont pas des Messie, c’est pourquoi la majorité des touaregs les évite, les regarde comme on regarde une merde sous sa semelle. C’est pour toutes ces raisons que nous disons tout simplement : Ni Azawad, ni autonomie, ni indépendance…
Boubacar SANGARE