Négociations avec les groupes rebelles armés : Médiateurs antinomiques pour négociations compliquées ?

2
Des délégués des rebelles touareg participent à une réunion de médiation sous l'égide du Burkina Faso, à Ouagadougou
Des délégués des rebelles touareg participent à une réunion de médiation sous l’égide du Burkina Faso, à Ouagadougou le 10 juin 2013
© AFP

Au Mali, c’est désormais la question de la date à laquelle démarreront les négociations avec les groupes rebelles armés qui concentre toutes les interrogations. Tous ou presque ont espoir que ces négociations fermeront la boucle de cette malheureuse rébellion dont le feu a été allumé il y a bientôt deux ans : la flamme n’a épargné personne, ni les rebelles ni l’Etat malien. Mais le véritable enjeu de ces négociations est qu’elles seront l’occasion de trouver des solutions aux rebellions cycliques qui ont toujours semé le désordre dans le Nord du Mali. C’est en cela qu’elles ont peu ou prou valeur de saint-sacrement.

 

Négocier, oui. Se mettre à table, ensemble. Parler, dialoguer, dire à chacun son tort ou sa raison. Parvenir, enfin, à une paix viable et non de papier. Ces négociations sont un destin que le gouvernement malien et les groupes rebelles doivent affronter, cela qu’ils veuillent ou pas, d’autant que le destin ne consulte personne avant de frapper.

 

 

Censées commencer soixante jours après la désignation du nouveau locataire du logement de Koulouba, les négociations sont à l’arrêt, même s’il faut être d’accord avec l’ancien envoyé spécial de l’ONU au Mali, Romano Prodi, qui a confié à Jeune Afrique il y a une semaine de cela :

« Ne nous enfermons pas dans de délais trop contraignants. Le plus important, c’est de continuer à travailler pour aller de l’avant. »

 

 

Et d’ores et déjà, les démarches pour la relance ont ‘’fait du pétard’’. En effet, l’Algérie, le grand voisin, est entrée dans la danse de la médiation et a lancé une invitation aux groupes rebelles armés (MNLA, HCUA, MAA) et d’autodéfense (Ganda Izo, Ganda Koï) à laquelle tous ont répondu. Seule ombre au tableau, c’est que le secrétaire général du MNLA, Bilal Ag Cherif, a refusé de signer le document final de ces ‘’pourparlers exploratoires’’, avant d’être reçu le 31janvier du même mois au palais royal de Marrakech par le roi Mohamed VI. On sait aussi que le Burkina Faso, dont le président Blaise Compaoré mène la médiation au nom de la CEDEAO, n’est pas prêt à se laisser marcher sur les pieds par Bamako, qui l’accuse d’héberger et d’être proche de certains barons du MNLA.

 

 

Mais revenons à l’Algérie et au Maroc- qui est le propos de cet article-, qui ont fait une entrée fracassante dans cette médiation. Nombre d’observateurs ne font pas mystère de leur inquiétude, en considération du fait que la relation entre les deux pays est des plus mauvaises. La toile de fond n’est autre que le conflit du Sahara occidental. Un conflit sanglant qui « remonte à la décolonisation ratée, en 1975, du Sahara occidental, territoire octroyé à l’Espagne lors de la conférence de Berlin de 1884. Dès les années 60, les Nations Unies avaient proclamé le droit inaliénable du peuple du Sahara espagnol à l’autodétermination et, en 1966, elles invitèrent l’Espagne à décoloniser sa province saharienne…

 

 

Mais l’agonie de Franco, la transition vers la démocratie en Espagne, le souci de se débarrasser d’une province encombrante, entrainèrent la signature, en 1975, des accords de Madrid avec le Maroc et la Mauritanie prévoyant que la puissance coloniale se retirerait en février 1976 et que le Sahara serait partagé entre ses deux voisins. (1) »

 

 

Ainsi, « l’Algérie a soutenu les militants sahraouis qui exigeaient l’indépendance et s’opposaient au rattachement de leur terre au Maroc. C’est ainsi qu’est né le Front Populaire pour la Libération de la Saguia El-Hamra et du Rio de Oro (Front Polisario). Pour le régime de Boumediene, c’était une manière de contenir les ambitions territoriales du royaume chérifien, lequel, au nom du « grand Maroc », revendiquait le Sahara occidental comme il avait revendiqué par le passé la Mauritanie et une bonne partie de l’ouest algérien, de Tindouf à Béchar. En 1975, les Espagnols pratiquement partis, le roi Hassan II, ignorant l’appel de l’ONU à l’organisation d’un referendum d’autodétermination pour les populations Sahraouis, lançait une ‘’ Marche verte’’ afin d’accélérer la récupération du Sahara. (2)»

 

 

Aujourd’hui, comme toujours, le Maroc voit dans le conflit du Sahara occidental un complot algérien. Pour le Makhzen, l’Algérie est en train de « mettre des pierres dans les chaussures des Marocains » dans l’ex-Sahara occidental. Pour faire court, la conséquence a été que les deux pays sont incapables de s’entendre sur le moindre point. Et c’est là que l’on est en droit de se demander si les négociations n’offriront pas à ces deux pays un autre champ de bataille diplomatique, ce qui va compliquer à l’excès une affaire loin d’être réglée.

 

 

Précisons les choses. L’implication de ces deux pays dans la résolution de la crise malienne n’est pas mauvaise en soi, surtout lorsqu’on sait que l’Algérie a eu à jouer le rôle de médiateur dans les rébellions ayant débouché sur les accords de Tamanrasset (1990) et d’Alger (2006). Ce qui pose problème en revanche, c’est d’abord que contrairement  à l’Algérie qui a été sollicitée par les autorités maliennes, le Maroc participe à cette médiation à la demande du MNLA. Ensuite, il est à craindre encore une fois que l’ombre du dossier du Sahara occidental ne plane sur cette médiation conduite par les deux pays.

 

 

Dire cela, l’écrire, ce n’est pas signifier que les autorités de ces deux pays sont dépourvues de bon sens et qu’elles transporteront au Mali leur confrontation au sujet de ce conflit. Non. Il est à espérer que le bon sens l’emporte et que la vanne des rancunes ne va pas lâcher.

 

 

(1) Sahara occidental : échec au plan de paix, Le Monde diplomatique– Novembre 1992

(2) Un regard Calme sur l’Algérie, Akram Belkaïd, Editions SEUIL 2005

BOUBACAR SANGARE

 

Commentaires via Facebook :

2 COMMENTAIRES

  1. Bonjour,
    Apprendre que le Maroc a participé, dans la plus grande discrétion à l’opération SERVAL, nous fait grandement plaisir malgré tout, on aurait voulu le savoir un peu plus tôt, par exemple, pendant la célébration, de l’investiture du Président Ibrahim Boubacar Keïta, à laquelle participait le Roi Mohamed VI.

    FÉLICITATIONS ET UN GRAND MERCI AU MAROC.

    Les Maliens sont reconnaissants au Maroc.

    Il serait intéressant que le Maroc seul n’effectue pas la médiation au Mali au risque d’un blocage qui émanerait des supporteurs des autres médiateurs potentiels, exemples, Blaise Compaoré et l’Algérie.

    Les pourparlers inclusifs doivent se faire au Mali.

    Je pense qu’un PANEL de médiateurs est vraiment à choisir officiellement pour nous aider à trouver une solution durable de sortie de crise CAR en l’absence d’un des médiateurs celui (ou ceux) qui sera (seront) présent (s) continuera (ont) la médiation sans perte de temps.

    Il est souhaitable que ce panel soit constitué de:
    – Un représentant de la MINUSMA (ONU),
    – Blaise Compaoré (pour la CEDEAO),
    – Un représentant de l’UA, exemple Buyoya,
    – Un représentant de l’Union Européenne,
    – Un représentant de la France,
    – Un représentant des États Unis,
    – MAROC,
    – ALGÉRIE,
    – Un représentant de chacun des pays de la zone sahel.

    Un responsable et un adjoint doivent être désignés.

    Ce panel auquel s’ajoute des représentants des parties prenantes doit rédiger les rapports des différentes sessions des pourparlers inclusifs inter-Maliens.

    Ainsi, on disposera de témoins de tout ce qui va se passer lors des sessions des pourparlers inclusifs et on profitera des apports des uns et des autres.

    Ne sous-estimons pas la médiation, elle est importante. Bien organisée, elle nous permettra de gagner du temps et de faire régner la confiance.

    Cette dernière est indispensable pour avancer vers la réconciliation nationale entre Maliens.

    Bien cordialement
    Dr ANASSER AG RHISSA
    EXPERT TIC ET GOUVERNANCE
    E-mail: Webanassane@yahoo.com

    • PAS MAL COMME PROPOSITION SINON L’ESSENTIEL DOIT SE REPOSER SUR LA PERENITE DE CET FUTURE ACCORD QU’IL NE DEVIENT SURTOUT PAS UN ACCORD COMME SES AINES QUI N’ONT PAS EN COMPTE LE VRAIS ET RÉEL PROBLÈME DE CE SEPTENTRIONS

Comments are closed.